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Thursday, 30 July 2009

geneve: allocation universelle ou revenu de base

Le revenu de base, concept visionnaire ou fausse bonne idée?

Paru le Mercredi 29 Juillet 2009

MARIO TOGNI

Genève SOCIÉTÉ - La Constituante devra se pencher sur une pétition qui réclame l'introduction d'une revenu minimum pour tous, sans condition. Débat.
L'association BIEN Suisse (Basic Income Earth Network) a réussi son premier pari: récolter près de mille neuf cents signatures en faveur de l'instauration d'un revenu de base pour tous. Lancée au mois de mai, sa pétition vient d'être remise à l'Assemblée constituante genevoise, qui devra se pencher sur la question. Ce texte demande d'inscrire dans la future Constitution un article permettant l'introduction d'une allocation universelle, à savoir le versement sans condition d'un revenu assurant le minimum vital à chaque citoyen. A terme, il remplacerait l'ensemble ou une partie des multiples allocations et assurances sociales: AVS, AI, chômage, allocations familiales... Selon les calculs du BIEN, un tel revenu pourrait se situer aux alentours de 2000 francs par mois.
L'idée fondamentale du revenu de base est de découpler «la couverture des besoins vitaux de l'accomplissement d'un travail rémunéré», explique l'association. Pour Bridget Dommen, membre du comité de sa section Suisse, ce changement de paradigme est nécessaire dans la mesure où «une partie de la population participe déjà au fonctionnement de la société sans rémunération et sans couverture sociale, comme les bénévoles ou les parents au foyer». L'allocation universelle permettrait de se soustraire de l'obligation de travailler, tout en restant incitative à travailler puisqu'il ne s'agit que d'un minimum vital.
Autre argument: les assurances sociales actuelles ne sont plus en phase avec notre société, poursuit Bridget Dommen. «L'assurance chômage n'a jamais été conçue pour le chômage de longue durée, l'Assurance-invalidité est dans un état épouvantable et l'AVS fait face à l'allongement de la durée de la vie. Du coup, les prestations sont systématiquement réduites ou leur accès restreint.» Le revenu de base «résoudrait ces problèmes tout en supprimant l'énorme bureaucratie de contrôles et d'enquêtes du système actuel», relève-t-elle. Quand à son financement, l'impôt ou la TVA sont mentionnés comme pistes.
Reste à voir si telle révolution est susceptible de trouver une assise politique à Genève. «C'est une idée généreuse mais qui reste utopique, répond Beat Bürgenmeier, professeur d'économie et membre du groupe Socialiste pluraliste à la Constituante. Elle a très peu de chances d'aboutir car elle ne s'inscrit pas dans l'évolution historique de l'assistance sociale.»
L'économiste ajoute une réserve d'ordre philosophique: «Je suis très attaché à l'idée de contrat social, qui confère des droits mais aussi des devoirs. En offrant un revenu de base à chacun, quid de la contrepartie? On doit veiller à ne pas créer une société d'assistés, mais une société de citoyens.» En revanche, cette proposition a le «mérite de faire avancer le débat sur le financement du social en général», conclut-il.
Michel Barde, chef du groupe g[e]'avance, proche des milieux patronaux, va plus loin: «Je n'y croit absolument pas. Des études ont montré que l'allocation universelle aurait un coût monstrueux. Il y a fort à parier que son introduction se superposera aux assurances existantes au lieu de les remplacer. Au final, la bureaucratie décriée s'alourdira.» Par ailleurs, «ce système n'est pas incitatif puisque le revenu n'est assorti d'aucune condition, poursuit l'élu. C'est l'exemple type d'une fausse bonne idée.»
Chez les Verts, Florian Irminger n'est pas de cet avis: «C'est l'une des propositions les plus novatrices que nous avons reçues. Sur le principe, j'y suis plutôt favorable et je pense que cela simplifiera le système.» A titre d'exemple, il relève des avantages dans le domaine de la formation: «Pour un étudiant, le revenu de base serait probablement suffisant. Cela résoudrait le problème des bourses d'étude ou des places d'apprentissage sous-payées.»
Le jeune constituant est toutefois conscient des réticences probables d'une grande partie de la classe politique. «J'espère malgré tout que nous prendrons le temps d'étudier cette proposition qui pourrait réellement changer le visage de Genève.» I


Wednesday, 29 July 2009

kinshasa ne veut pas l'argent de mobutu

L’argent de Mobutu dans les poches de ses héritiers

L'ancien président de la Confédération Pierre Aubert avait reçu Mobutu Sese Seko à Berne en 1987.
Légende photo: L'ancien président de la Confédération Pierre Aubert avait reçu Mobutu Sese Seko à Berne en 1987. (Keystone)

Les fonds déposés en Suisse par Mobutu Sese Seko, et bloqués en 1997, reviendront finalement aux héritiers de l'ancien dictateur du Zaïre. Les efforts des autorités suisses pour restituer presque 8 millions de francs au peuple congolais n'ont pas rencontré le soutien de Kinshasa.

Douze ans d'efforts inutiles. Les tentatives de la Suisse pour restituer au peuple de la République démocratique du Congo (RDC) les 7,7 millions de francs déposés par Mobutu dans les banques helvétiques se sont heurtées à un mur d'avidité.

«La Suisse a constaté avec grande amertume que le gouvernement congolais n'a jamais apporté son soutien», a affirmé la semaine dernière à Kinshasa l'ambassadeur suisse Linus von Castelmur. Selon le diplomate, les autorités congolaises n'ont en effet jamais apporté à la justice suisse les éléments prouvant l'origine illicite des fonds.

«Faux!», a répliqué le gouvernement congolais, qui se dit mécontent de voir cet argent échapper à son peuple, lit-on sur le site de Radio Okapi, l'unique radio congolaise libre et objective (celle-ci est cofinancée par la fondation suisse Hirondelle).

Occasion perdue

Les avoirs de Mobutu avaient été congelés après la mort la mort du président en 1997, afin d'éviter qu'ils finissent dans les mains de ses héritiers plutôt que dans celles du peuple congolais. De forts soupçons laissent en effet à penser que cet argent provenait de fonds publics.

Le manque de collaboration du côté congolais et une lacune dans la législation suisse n'ont cependant pas permis de parvenir à une solution équitable (voir la chronologie). Suite à la décision du 14 juillet 2009 du Tribunal pénal fédéral, le gouvernement suisse a en effet été obligé de lever le blocage des fonds.

La seule initiative de la RDC, rappelle Linus von Castelmur, fut le dépôt d'une plainte pénale relative aux valeurs patrimoniales de Mobutu. Mais celle-ci n'est arrivée qu'après l'échéance du délai de prescription.

Pour l'ambassadeur suisse en RDC, ce fut «une occasion perdue» de montrer l'engagement des Etats contre la corruption et l'impunité. «Nous avons été extrêmement navrés de cette issue négative», déclare-t-il, ajoutant au passage qu'avec 1,6 milliard de dollars restitués au cours des 20 dernières années, la Suisse est «le pays leader en ce qui concerne la restitution de fonds publics soustraits par des tyrans».

Inverser le fardeau de la preuve

«C'est la première fois que la Suisse se trouve confrontée à cette situation, confirme Nadine Olivieri Lozano, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE). Dans les affaires liées aux fonds Abacha au Nigeria, Montesinos au Pérou et Marcos aux Philippines, les procédures sont allée à leur bon terme.»

Pour que de telles erreurs ne se renouvellent pas, le gouvernement suisse a chargé le DFAE d'élaborer une loi qui permette la restitution des fonds bloqués aux populations spoliées, même en l'absence d'un accord d'entraide judiciaire entre la Suisse et le pays intéressé.

La nouvelle loi, qui sera présentée l'an prochain, permettra d'inverser le fardeau de la preuve: ce sera désormais aux titulaires de fonds bloqués de prouver l'origine licite de leurs avoirs. Et s'ils n'y parviennent pas, l'argent sera confisqué et restitué à l'Etat d'où il provient.

La politique devant le peuple

Grand connaisseur de la situation sociopolitique en RDC, pour avoir travaillé sur place avec Radio Okapi, le journaliste tessinois Daniele Piazza n'est absolument pas surpris du manque de collaboration des autorités congolaises.

«L'un des fils de l'ancien dictateur siège encore dans le gouvernement Kabila [président de la RDC depuis 2001, NDLR], explique-t-il. Il s'agit de Nzanga Mobutu, qui est vice-Premier ministre et ministre de l'agriculture.»

Dans les milieux gouvernementaux et parlementaires congolais, poursuit Daniele Piazza, on dit que c'est la Suisse qui n'a pas fait ce qu'elle devait. En revanche, pour les défenseurs des droits humains, c'est le manque de volonté des autorités congolaises qui est en cause. Selon l'organisation non gouvernementale Voix des sans Voix, le gouvernement congolais a privilégié les alliances politiques aux dépens de la population.

«Et puis, il y a des gens qui se demandent ce qui se serait passé si cet argent avait été restitué, déclare Daniele Piazza. Beaucoup pensent qu'il aurait de toute manière fini dans les poches des gouvernants locaux.»

Espérances brisées

Après des décennies de conflit, la RDC reste dans une situation désastreuse. Le processus de constitution d'un Etat de droit est lent et les espérances nées avec les élections des 2006 – les premières élections libres de l'ex-Zaïre – se brisent jour après jour.

«L'Etat n'existe pas, les infrastructures sont à l'abandon, la justice et l'école ne fonctionnent pas, l'impunité est la règle et, surtout dans l'est du pays, les violations des droits humains sont à l'ordre du jour», conclut Daniele Piazza.

Luigi Jorio, swissinfo.ch
(Traduction de l'italien: Olivier Pauchard)