Thursday, 4 February 2010

inceste entre etats et ong

Les liaisons incestueuses des ONG avec les Etats et les transnationales


par Julien Teil

30 janvier 2010

Toulouse

Pour conduire leur action, les ONG humanitaires courtisent les gros donateurs : les firmes transnationales et les Etats. Cette proximité favorise l’affairisme des dirigeants et la politisation des grands causes. Lentement, certaines associations dérivent vers des objectifs sans rapport avec leurs buts officiels. Julien Teil explore cette évolution à travers plusieurs exemples.



Sobre el poster aparece la frase: «La ayuda humanitaria no se hace de manera improvisada»


De nombreux programmes de solidarité internationale sont plébiscités par les organisations inter-gouvernementales, suivis de près par les ONG et les médias. Certains d’entre eux ne semblent pourtant pas représenter les valeurs et idéaux qu’ils revendiquent. Un court panorama permet de déchiffrer certaines relations qui y sont nouées. Nous nous attarderons ici sur un concept né dans les années 90 et sur un programme de solidarité en cours d’élaboration. Il ne s’agit pas d’accuser les différents acteurs et intermédiaires de ces programmes, mais d’analyser les rapports qui y sont entretenus, afin de dresser un tour d’horizon de la perspective dans laquelle ils s’engagent.

Le 1%, l’Afrique et ses réseaux

C’est lors de l’émission La marche du Siècle du 5 janvier 1994 que le président du Conseil général des Hauts-de-Seine et ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, déclare : « Il faut que la France prenne la tête d’une véritable croisade en faveur du développement. On sait qu’à l’heure actuelle, tous les experts sont là pour le dire, si nous consacrons à l’aide au développement des pays sous industrialisés, sous-développés, l’équivalent de 1 % de notre PIB, le problème serait résolu ». Cette pratique est d’ailleurs déjà instituée au sein de la société d’économie mixte (SEM) Coopération 92, fondée à l’initiative de M. Pasqua et dirigée par ses proches.
Les actions réelles de Coopération 92 au Gabon ont été réalisées sans appels d’offre et se sont avérées fort coûteuses. Sans lien officiel avec ce qui précède, des sommes équivalentes à ce qui a été dépensé ont été offertes par le chef de l’Etat gabonais pour financer les activités politiques de M. Pasqua et de ses collaborateurs. [1]. Ce n’est que 14 ans plus tard, le 24 octobre 2008 que le Conseil général des Hauts-de-Seine vote la dissolution de la société, qui faisait pourtant l’objet de vives critiques depuis plus d’une décennie. L’opposition (PS, Verts, PC) dénonçait son opacité et regrettait l’absence d’ONG dans les projets [2].

Le fait de consacrer une partie du budget d’un organisme public ou mixte à des opérations de solidarité internationale alors que ce n’est pas la vocation de cet organisme constitue un détournement de fonds publics, quelque soit le caractère louable de ces opérations. Ou plutôt, « constituait un détournement de fonds », car la loi Oudin-Santini, entrée en vigueur le 27 janvier 2005, permet aux communes, à certains établissements publics de coopération, aux syndicats mixtes en charge des services publics d’eau potable, aux agences de l’eau, etc., d’affecter 1% de leur budget à des actions de solidarité internationale et de coopération. Cette loi, selon André Santini « est à la fois un moyen d’exporter le modèle de gestion français de l’eau, mais aussi un moyen de conquête de nouveaux marchés pour les groupes français » [3].

Cette disposition législative a légalisé une pratique jusque là délictuelle existante notamment dans certaine agences de l’eau (Seine Normandie et Rhin-Meuse), dénoncèes par la Cour des comptes en 2002 [4].

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Les truculents Charles Pasqua et André Santini ont créé un réseau d’ONG de développement inextricablement lié à la Françafrique.

André Santini, principal auteur de cette loi, était le vice-président du groupe d’étude parlementaire sur les problèmes de l’eau. Ce proche de Charles Pasqua était par ailleurs son vice-président au Conseil général des Hauts-de-Seine, président du Syndicat des eaux d’île-de-France (SEDIF) et du Comité du Bassin Seine Normandie.
La gestion des eaux en Île-de-France a été confiée jusqu’en 2010 à la Générale des eaux, renommée Vivendi Environnement, puis Veolia.
Au Comité du Bassin Seine Normandie, responsable de l’eau dans sa région, M. Santini est secondé par un vice-président, Paul-Louis Girardot, par ailleurs président du conseil de surveillance de Veolia Eau et vice-président du conseil d’administration de Veolia Environnement.

Veolia Environnement a lancé en 2006 son comité d’évaluation indépendant afin « d’enrichir la vision stratégique de Veolia Environnement ». On y trouve entre autres Jean Michel Severino, directeur général de l’Agence Française de Développement (AFD) et Philippe Lévêque directeur général de l’ONG Care France. Care France bénéficie du partenariat en vigueur par l’intermédiaire de la loi Oudin-Santini et remercie les différentes agences de l’eau ainsi que le conseil général des Hauts de Seine dans son rapport d’activité 2009.

Premier bénéficiaire de la loi Santini et premier partenaire de Coopération 92, l’association SOS Sahel se consacre à reverdir le désert. C’est suite à la grande sécheresse des années 1973-1974 que Léopold Sédar Senghor, alors président du Sénégal, invita la société civile française et africaine à créer une association afin de lutter contre la famine. Ainsi est née à Dakar, en Novembre 1976, SOS Sahel.

L’ONG Action Contre la Faim milite pour « ratifier [la loi Santini] à l’échelle européenne (afin de pouvoir aider plus de personnes à avoir un accès à l’eau et à l’assainissement et ce en accord avec les Objectifs du Millénaire) » [5]. Cette proposition devrait susciter de vives critiques dans la mesure ou elle consiste à légaliser à l’échelle européenne une pratique qui reste délictuelle dans de nombreux Etats.

Action Contre la Faim est une association internationale créée en novembre 1979 sous le nom d’Action Internationale Contre la Faim (AICF) sous l’égide d’intellectuels atlantistes dont Françoise Giroud, Guy Sorman, Jacques Attali et Bernard-Henry Lévy. Il s’agissait à l’époque de nourrir au Pakistan les islamistes afghans fuyant l’Armée rouge.
Quatre mois après sa fondation, en février 1980, AICF participe à un évènement médiatique : « la marche pour la survie ». A l’appel de Médecins sans frontières, des célébrités escortent un convoi humanitaire qui est arrêté à la frontière cambodgienne. S’en suivent des images déchirantes où Bernard Henry-Lévy et Elie Wiesel supplient les troupes communistes vietnamiennes de laisser passer l’aide humanitaire destinée aux Khmers rouges, qu’ils viennent de renverser et laisseraient mourir de faim. La marche a été organisée en sous-main par la CIA avec l’aide de Claude Malhuret [6]. Il s’avérera ultérieurement qu’il n’y a pas eu de famine dans les camps de réfugiés Khmers rouges.

La création de l’association aurait été financée par Michel David-Weill, alors président de la banque franco-américaine Lazard et politiquement engagé dans la croisade anti-soviétique. Jean Guyot, qui lui est entré en 1955 chez Lazard, sera le fondateur et le premier président de l’ONG CARE France.
Guy Sorman explique : « David-Weill voulait nous faire ce chèque. Mais à l’époque, celle du contrôle des changes, c’était compliqué de transférer des fonds entre les Etats-Unis et la France. Nous avons donc décidé de créer une filiale américaine » [7].

Ainsi, les liens entre les collectivités locales, les ONG et de généreux mécènes paraissent entachés d’arrières-pensées politiques ou affairistes bien éloignées des idéaux affichés.

La Global Water Initiative et le programme Water Efficient Maize for Africa

En 2007, un généreux mécène offre 15 millions de dollars annuels sur 10 ans à un collectif d’ONG pour des actions de long terme favorisant l’accès à l’eau. C’est la Global Water Initiative (GWI).

Le projet est conduit au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Sénégal et dans neuf autres pays d’Afrique et d’Amérique centrale. Il ambitionne de fournir aux communautés un accès durable à l’eau potable et aux systèmes d’assainissement, et surtout un accès à l’eau pour les besoins de la production rurale.

Sept ONG participent à la GWI :


- Action Against Hunger / Action contre la Faim (AAH / ACF)
- CARE [8]
- Catholic Relief Services (CRS)
- The World Conservation Union - IUCN
- International Institute for Environment and Development (IIED)
- Oxfam America
- SOS Sahel. [9]


Le programme a été façonné par David Blanc (directeur du département des opérations d’Action Contre la Faim USA) en collaboration avec la Howard G. Buffett Foundation qui finance le projet dans sa totalité [10].

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Howard G. Buffett

Howard Graham Buffett est le fils de Warren Buffett, classé deuxième fortune mondiale par le magazine Forbes en 2008. Il se présente comme un agriculteur, philanthrope, passionné de photographie. Son parcours passe malgré tout par la gestion de plusieurs entreprises dont l’Archer Daniels Midland de 1992 à 1995, l’une des plus importantes sociétés agro-alimentaires des Etats-Unis. Cette société, négociante en céréales, exerce une influence importante dans la diffusion des organismes génétiquement modifiés (OGM). La fondation Howard G. Buffett est née en 1999 et s’est donnée pour mission de procurer l’accès aux besoins essentiels pour les populations les plus démunies et marginalisées du monde. La fondation accorde une importance particulière à l’accès à l’eau en Amérique Centrale et en Afrique, ainsi qu’au développement des ressources agricoles pour les petits agriculteurs locaux.

Parmi les sept participants à la GWI, l’IIED (International Institute for Environment and Development), a joué un rôle idéologique de premier plan dans la renaissance du malthusianisme et la mobilisation contre le réchauffement climatique.
Grâce à un financement de l’Aspen Institute [11], l’IIED a été fondé en 1971 par l’économiste britannique Barbara Ward (aussi connue sous le nom de baronne Jackson of Lodsworth) et par l’homme d’affaire canadien Maurice Strong, qui fut le maître d’oeuvre des « sommets de la Terre ».
L’IIED est de nos jours financé par des ministères (ministère français de l’Ecologie, ministère britannique des Affaires étrangères, etc..) ; par des agences supra étatiques (Banque mondiale, FAO, Commission européenne, etc.) ; par des ONG (Care Danemark, etc.) et par un incroyable nombre de fondations (Rockefeller Foundation, Ford Foundation [12], etc.).

L’IIED est actuellement présidé par Camilla Toulmin, qui a auparavant géré son programme « terres arides » de 1987 à 2002. Son parcours lui a notamment permis d’étudier le renforcement des alliances dans le domaine du développement durable, les droits fonciers en Afrique et dans toutes les régions. Son travail s’est concentré sur le développement social, économique et environnemental dans les zones arides d’Afrique. Elle est d’ailleurs l’auteur d’un compte rendu, co-écrit avec Simon Pepper (président du WWF–Ecosse) dont le titre est Réforme foncière au Nord et au Sud. Une des conclusions de ce rapport est édifiante : « En Afrique, le programme de réformes foncières est en grande partie à l’ordre du jour du fait des donateurs internationaux, tels que la Banque mondiale, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis. Cet engagement provient du sentiment qu’une réforme foncière est indispensable en vue d’assurer une sécurité foncière suffisante pour favoriser l’investissement dans l’agriculture, réduire les conflits et allouer des terres aux utilisateurs plus productifs. Cette vision table également sur l’ouverture de nombreux pays africains aux investissements extérieurs dans l’agriculture. On estime que les entreprises internationales ont besoin de titres de propriété sécurisés avant d’investir leurs capitaux dans les économies africaines à haut risque. Il y a aussi d’importants intérêts nationaux qui poussent à l’acquisition des terres coutumières lorsque celles-ci sont mises sur le marché. » [13]. Une conclusion sans doute en adéquation avec les intérêts réels des approbateurs du GWI, dont la fondation Howard Buffett est l’unique investisseur.

Parallèlement, la fondation Howard Buffett et la fondation Bill & Melinda Gates financent le programme Water Efficient Maize for Africa (WEMA) à hauteur de 47 millions de dollars. Il a pour objectif de résoudre les problèmes de sécheresse rencontrés par les cultures locales africaines en créant de nouvelles variétés de maïs en collaboration avec Monsanto, le géant US des organismes génétiquement modifiés (OGM) [14]. Le programme est encadré par l’USAID.

Dans le cas du GWI et du WEMA, les intérêts privés sont encore surreprésentés : D’une part à travers les fondations issues du privé qui financent ces projets. Mais aussi par l’incontestable rôle que jouent les multinationales dont les représentants participent parfois à l’administration des dites ONG. Là encore, les contradictions entre le concept de solidarité et les intérêts représentés sont flagrantes.

Solidarité et gouvernance mondiale

Les deux exemples succinctement exposés sont représentatifs d’une réalité équivoque. De nombreux autres programmes censés répondre aux problématiques humanitaires reposent sur des partenariats entre secteurs public, humanitaire et marchand. En outre, le microcrédit est une composante qui est couramment ajoutée à certains de ces programmes. Pourtant le social business (ou entreprenariat social) recouvre lui aussi une réalité bien moins efficace que ce que prétendent ses fameux disciples : Jacques Attali, fondateur de Planet Finance et Bill Drayton, fondateur d’Ashoka Fund [15].

Le microcrédit et les partenariats entre ONG et entreprises font actuellement l’objet de discussions fructueuses. Certains y perçoivent une solution à la crise économique mais aussi une réponse aux enjeux sociaux et environnementaux de ces dernières années. Leurs existences reposent sur de nombreux forums qui érigent ces nouveaux modèles de gouvernance associative en tant qu’expression de la société civile au sein de la « future gouvernance mondiale » [16].

Malgré les divergences évidentes entre la société civile et les entreprises privées transnationales, les ONG accompagnent bien plus le secteur privé et les Etats qu’elles n’agissent comme acteurs indépendants, voire comme contre-pouvoir.
Ce comportement manifeste la lente dérive des grandes ONG de solidarité internationale, celles-ci représentant progressivement la défense d’intérêts extérieurs à la démocratie. Pis, l’idée —qui fait son chemin— d’une gouvernance mondiale à laquelle des ONG seraient associées est contradictoire avec la définition de la démocratie.

[1] Noir Silence, par François Xavier Verschave, Les Arènes (2000), p.436-437.

[2] « Hauts-de-Seine : Dissolution de la SEM coopération 92 », Les Echos, 24 Octobre 2008.

[3] Association S-Eau-S.

[4] « La colère de Santini face aux questions de Bakchich », par Hélène Constanty et Marion Gay, Bakchich, 25 février 2008 :

[5] Dossier de Presse d’Action Contre la Faim à l’occasion de la journée mondiale de l’eau 2008 . La loi Oudin-Santini est traitée dans l’ouvrage Lobby Planet Paris, guide des Lobbys sorti en novembre 2009.

[6] Rescuing the World, by Andrew F : Smith, préface d’Henry Kissinger, State University of New York Press, 2002, pp. 123-129.

[7] « Action contre la Faim à la conquête de l’Amérique », par Emmanuel Saint-Martin, French Morning, 12 Octobre 2009.

[8] « Les ONG, instruments des gouvernements et des transnationales ? », par Julien Teil, Réseau Voltaire, 30 juillet 2009

[9] Présentation du GWI sur le site de l’ONG partenaire Care-USA.

[10] Page de David Blanc sur le site de Action Against Hunger.

[11] « L’Institut Aspen élève les requins du business », Réseau Voltaire, 2 septembre 2004,

[12] « La Fondation Ford, paravent philanthropique de la CIA » et « Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation », par Paul Labarique, 5 et 19 avril 2004.

[13] Reforme foncière au Nord et au Sud , Camilla Toumin & Simon Pepper.

[14] Site internet de la société [Monsato-°http://www.monsanto.com/monsanto_to...].

[15] William « Bill » Drayton, tout comme Jacaues Attali, estime que l’entreprenariat social permet de résoudre les problèmes de pauvreté. C’est pourquoi il a fondé, en 1981, le fond Ashoka afin de développer cette activité. Il a été sous l’administration Carter, assistant administrateur de l’Agence de l’Environnement U.S. C’est à ce titre qu’il lança le principe de marché du carbone (trade and cap).

[16] La sortie en 2008 d’un compte rendu d’un de ces forums éclaire sur la nature des relations qui y sont nouées. En 2008, s’est notamment tenu le forum « contestataires contestées... quel avenir pour les ONG dans la nouvelle gouvernance mondiale ? » Le contenu est détaillé dans la publication éponyme publiée par l’IRIS et l’ONG Handicap International.

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Las incestuosas relaciones de las ONGs con Estados y transnacionales


por Julien Teil


Para concretar sus acciones, las ONGs humanitarias tratan de seducir a los grandes donantes, que son generalmente las transnacionales y los Estados. Esa relación favorece el lucro de los dirigentes y la politización de las grandes causas. Poco a poco, algunas asociaciones se desvían hacia objetivos no relacionados con las causas que dicen defender. Julien Teil analiza esta evolución a través de varios ejemplos.

Muchos programas de solidaridad internacional, de los que siguen de cerca las ONGs y los medios de difusión, cuentan con el aval de las organizaciones intergubernamentales. Pero algunos de esos programas no parecen representar los valores e ideales que supuestamente defienden. Un rápido análisis permite comprobar en ellos la aparición de ciertos vínculos.

Estudiaremos aquí un concepto que apareció en los años 1990 y un programa de solidaridad que viene elaborándose. No es nuestro objetivo acusar aquí a los diferentes actores e intermediarios de dichos programas sino analizar las relaciones que se establecen al calor de estos, para ofrecer un panorama del rumbo que van adoptando.

El 1%, África y sus redes

El 5 de enero de 1994, durante el programa televisivo La marche du Siecle, Charles Pasqua, el entonces ministro francés del Interior y presidente del Consejo General de la región Hauts-de-Seine, declara: «Francia tiene que ponerse a la cabeza de una verdadera cruzada a favor del desarrollo. Se sabe que actualmente, todos los expertos lo están diciendo, si dedicamos a la ayuda al desarrollo de los países subindustrializados, subdesarrollados, el equivalente del 1% de nuestro PIB, el problema se resolvería».

Esa práctica ya está incluso instituida en el seno de la sociedad de economía mixta (SEM) Cooperation 92, fundada por iniciativa del propio Pasqua y dirigida por gente de su entorno.
Las acciones concretas de la Cooperation 92 en Gabón se han realizado sin que mediaran procesos previos de licitación o concurso público y resultaron extremadamente costosas. Sin que existiera oficialmente vínculo alguno con lo anterior, el jefe de Estado gabonés ofreció sumas equivalentes a esos costos para financiar las actividades políticas de Pasqua y de sus colaboradores [1].

No es sino al cabo de 14 años, el 24 de octubre de 2008, que el Consejo General de la región francesa Hauts-de-Seine vota la disolución de la sociedad Cooperation 92, que venía siendo objeto de duras críticas desde hacía más de un decenio. La oposición (Partido Socialista, Verdes y Partido Comunista) denunciaba concretamente la total falta de transparencia de aquella empresa y deploraba la ausencia de ONGs en la realización de los proyectos [2].

Dedicar parte del presupuesto de un organismo público o mixto a operaciones de solidaridad internacional ajenas a la vocación misma del organismo en cuestión es una forma de desvío de fondos públicos, por muy encomiable que sean esas operaciones. O más bien «constituía un desvío de fondos», ya que la ley Oudin-Santini, que entró en vigor el 27 de enero de 2005, permite que las comunas, ciertos establecimientos públicos de cooperación, los sindicatos mixtos encargados de los servicios públicos de agua potable, las agencias del agua, etc., destinen el 1% de su presupuesto a acciones de solidaridad internacional y de cooperación.

Esa ley, según André Santini, «es a la vez una forma de exportar el modelo francés de manejo del agua y también una herramienta para la conquista de nuevos mercados para los grupos franceses» [3].

Esa disposición legislativa legalizó lo que hasta entonces había sido una práctica delictiva existente esencialmente en ciertas agencias del agua (Seine-Normandie y Rhin-Meuse), ya denunciadas en 2002 por la Contraloría francesa [4].


André Santini, principal autor de esa ley, ocupaba la vicepresidencia del grupo parlamentario de estudio sobre los problemas del agua. Este amigo de Charles Pasqua ocupaba también la vicepresidencia del Consejo General de la región francesa Hauts-de-Seine, la presidencia del Sindicato de Aguas de la región Ile-de-France (SEDIF), además de ser presidente del Comité de la Cuenca Seine-Normandie.
Hasta el año 2010, el manejo del agua en la región Ile-de-France estuvo está en manos de la compañía Generale des Eaux, rebautizada con el nombre de Vivendi Environnement [en español, Vivendi Medio Ambiente] y más tarde como Veolia.

En el seno del Comité de la Cuenca Seine-Normandie, responsable del manejo del agua en esa región, el señor Santini tiene como segundo a un vicepresidente, Paul-Louis Girardot, quien es además presidente del consejo de vigilancia de Veolia Eau [en español, Veolia Agua] y vicepresidente del consejo de administración de Veolia Environnement.

En 2006, Veolia Environnement puso en marcha su comité independiente de evaluación para «enriquecer la visión estratégica de Veolia Environnement». Entre los miembros de ese comité se cuentan Jean-Michel Severino, director general de la Agencia Francesa de Desarrollo (AFD), y Philippe Leveque, director general de la ONG Care France. Care France goza de las prerrogativas de la forma de asociación puesta en vigor a través de la ley Oudin-Santini y su informe sobre las actividades correspondientes al año 2009 expresa su agradecimiento a las diferentes agencias del agua así como al Consejo General de la región Hauts-de-Seine.

Como primera beneficiaria de la ley Santini y primer socio de Cooperation 92, la asociación SOS Sahel se dedica a reverdecer el desierto. Como consecuencia de la gran sequía de los años 1973-1974, el entonces presidente de Senegal, Leopold Sedar Senghor, invitó a la sociedad civil francesa y africana a crear una asociación de lucha contra el hambre. Así apareció en Dakar, en noviembre de 1976, la asociación SOS Sahel.

La ONG Action Contre la Faim [en español, Acción Contra el Hambre] milita a favor de «ratificar [la ley Santini] a escala europea (para poder ayudar a más personas a tener acceso al agua y al saneamiento conforme a los Objetivos del Milenio)» [5]. Esta proposición debería suscitar duras críticas ya que se trata de legalizar a escala europea una práctica que sigue siendo delictiva en numerosos Estados.

Action Contre la Faim es una asociación internacional creada en noviembre de 1979, con el nombre de Action Internationale Contre la Faim (AICF) y apadrinada por una serie de intelectuales atlantistas, como Francoise Giroud, Guy Sorman, Jacques Attali y Bernard-Henry Levy. En aquel entonces el objetivo era alimentar, en Pakistán, a los islamistas afganos que huían del Ejército Rojo.

Cuatro meses después de su fundación, en febrero de 1980, AICF participa en un suceso mediático: «la marcha por la supervivencia».
Respondiendo al llamado de Médicos Sin Fronteras, un grupo de celebridades escolta un convoy de ayuda humanitaria que será detenido al tratar de pasar la frontera de Camboya. Se producen entonces conmovedoras escenas en las que Bernard-Henry Levy y Elie Wiesel suplican a las tropas comunistas vietnamitas que permitan el paso de la ayuda humanitaria destinada a los khmers rojos, a los que supuestamente estaban dejando morir de hambre después de haberlos derrocado.

La marcha había sido organizada en realidad por la CIA, con la ayuda de Claude Malhuret [6]. Posteriormente se supo que en los campamentos de refugiados de los khmers rojos no existía ninguna hambruna. La creación de la asociación parece haber sido financiada por Michel David-Weill, entonces presidente del banco franco-americano Lazard y políticamente comprometido con la cruzada antisoviética. Por su parte, su socio Jean Guyot financió Care France.

Guy Sorman explica que «David-Weill quería hacernos el cheque. Pero en aquella época, con el control de cambio [de moneda], era complicado transferir fondos entre Estados Unidos y Francia. Así que decidimos crear una filial americana» [7].

De esa manera, los vínculos entre las colectividades locales, las ONGs y generosos mecenas se ven implicados en cálculos políticos o maniobras comerciales que nada tienen que ver con los ideales invocados.

La Global Water Initiative y el programa Water Efficient Maize for Africa

En 2007, un generoso mecenas ofrece 15 millones de dólares al año por un periodo de 10 años a un colectivo de ONGs por la realización de acciones a largo plazo a favor del acceso al agua. Se trata de la Global Water Initiative (GWI).

El proyecto se aplica en Burkina Faso, Malí, Níger, Senegal y en otros 9 países de África y de América Central. Tiene como objetivo proporcionar a las comunidades un acceso durable al agua para cubrir las necesidades de la producción rural.

Siete ONGs participan en la GWI:


- Action Against Hunger / Acción Contra el Hambre (AAH / ACF, siglas en ingles y francés)
- CARE [8]
- Catholic Relief Services (CRS)
- The World Conservation Union - IUCN
- International Institute for Environment and Development (IIED)
- Oxfam America
- SOS Sahel. [9]

David Blanc (director del departamento de operaciones de Acción Contra el Hambre USA) conforma el programa en colaboración con la Howard G. Buffett Foundation, que financia enteramente el proyecto [10].

Howard Graham Buffett es el hijo de Warren Buffet, clasificado en 2008 como propietario de la segunda fortuna más importante del mundo por la revista Forbes. Se presenta como agricultor, filántropo y amante de la fotografía. Su historial lo sitúa, sin embargo, como administrador de varias empresas, como la Archer Daniels Midland (de 1992 a 1995), una de las más importantes empresas agroalimentarias de Estados Unidos.

La Archer Daniels Midland, que se dedica a negociar con cereales, goza de gran influencia en la difusión de los organismos genéticamente modificados (OGM). La fundación Howard G. Buffet nació en 1999 y adoptó como misión el garantizar la satisfacción de las necesidades esenciales de las poblaciones más desfavorecidas y marginadas del mundo.

Esta fundación concede particular importancia al acceso al agua en América Central y en África, así como al desarrollo de los recursos agrícolas para los pequeños agricultores locales.

Uno de los 7 participantes de la GWI, el IIED (International Institute for Environment and Development), a desempeñado un papel ideológico de primer plano en el renacimiento del maltusianismo y la movilización contra el calentamiento climático.

El IIED fue fundado en 1971, gracias al financiamiento del Aspen Institute [11], por la economista británica Barbara Ward (también conocida como la baronesa Jackson of Lodsworth) y por el hombre de negocios canadiense Maurice Strong, arquitecto de las «Cumbres de la Tierra».

Hoy en día, el IIED es financiado por varios ministerios (el ministerio francés de Ecología, el ministerio británico de Relaciones Exteriores, etc.), agencias supraestatales (Banco Mundial, FAO, Comisión Europea, etc.), varias ONGs (Care Dinamarca, etc.) y por una increíble cantidad de fundaciones (Rockefeller Foundation, Ford Foundation [12], etc.).

El IIED se encuentra hoy bajo la presidencia de Camilla Toulmin, quien ya había administrado anteriormente, desde 1987 hasta 2002, su programa «tierras áridas». Su trayectoria le ha permitido esencialmente estudiar el fortalecimiento del desarrollo duradero así como el derecho sobre la tierra en África y en todas las regiones. La actividad de Camilla Toulmin se ha concentrado en el desarrollo social, económico y medioambiental en las zonas áridas de África. Camilla Toulmin es además la autora, junto a Simon Pepper (presidente de WWF-Escocia), de un informe titulado Reforma de la propiedad de la tierra en el Norte y en el Sur.

Una de las conclusiones de ese informe resulta reveladora: «En África, el programa de reformas sobre la propiedad de la tierra es de actualidad en gran parte debido a los donantes internacionales, como el Banco Mundial, el Reino Unido, Francia, Alemania y Estados Unidos. Este compromiso proviene de la impresión de que se hace indispensable una reforma sobre la propiedad de la tierra en aras de garantizar en ese aspecto la seguridad suficiente para favorecer la inversión en la agricultura, reducir los conflictos y atribuir tierras a los utilizadores más productivos.

Esa visión espera también que muchos países africanos se abran a la inversión externa en la agricultura. Se estima que las empresas internacionales tienen que contar con títulos de propiedad garantizados antes de invertir sus capitales en las economías africanas de alto riesgo. Existen también importantes intereses nacionales que estimulan a la compra de las tierras ancestrales cuando éstas salen al mercado» [13]. Se trata de una conclusión evidentemente vinculada a los intereses de quienes dan la luz verde en el seno del GWI, cuyo único inversionista es la fundación Howard Buffett.

De forma paralela, la fundación Howard Buffet y la fundación Bill & Melinda Gates financian el programa Water Efficient Maize for Africa (WEMA) aportándole alrededor de 47 millones de dólares. El objetivo es resolver los problemas de sequía que encuentran los cultivos locales africanos a través de la creación de nuevas variedades de maíz en colaboración con Monsanto, el gigante estadounidense de los organismos genéticamente modificados (OGM) [14]. La dirección del programa está en manos de la USAID.

En el caso del GWI y del WEMA también se evidencia una excesiva representación de los intereses privados. Por un lado a través de las fundaciones nacidas de las empresas privadas que financian los proyectos, así como por el indiscutible papel que desempeñan las multinacionales cuyos representantes participan a veces en la administración de las supuestas ONGs. También en este caso son flagrantes las contradicciones entre el concepto de solidaridad y los intereses representados.

Solidaridad y gobernanza mundial

Los dos ejemplos que aquí hemos expuestos en forma sucinta son representativos de una equívoca realidad. Otros muchos programas, que supuestamente deberían dar respuesta a las problemáticas humanitarias, se basan en asociaciones entre el sector público, el sector humanitario y el mercantil. Además, el microcrédito es un componente corrientemente agregado a algunos de esos programas.

Pero el llamado “social business” (o empresariado social) incluye también una realidad mucho menos eficaz de lo que afirman sus famosos discípulos Jacques Attali, fundador de Planet Finance, y Bill Drayton, fundador de Ashoka Fund [15].

El microcrédito y las asociaciones entre ONGs y empresas son actualmente tema de fructíferas discusiones. Algunos ven en ellas una solución a la crisis económica, pero también una respuesta a las problemáticas sociales y medioambientales de estos últimos años. Su existencia se basa en numerosos foros que construyen esos nuevos modelos de gobernanza asociativa como expresión de la sociedad civil en el seno de la «futura gobernanza mundial» [16].

A pesar de las evidentes divergencias entre la sociedad civil y las empresas transnacionales, las ONGs están sobre todo comprometidas con el sector privado y con los Estados, en vez de actuar como actores independientes o incluso como contrapoder.

Ese comportamiento evidencia el lento desvío de las grandes ONGs de solidaridad internacional, que poco a poco van convirtiéndose en representantes de la defensa de intereses que nada tienen que ver con la democracia. Peor aun, la idea –que poco a poco va imponiéndose– de una gobernanza mundial a la que estarían asociadas las ONGs contradice la definición misma de democracia.


[1] Libro en francés: Noir Silence, por François Xavier Verschave, editor Les Arènes (2000), p.436-437.

[2] «Hauts-de-Seine: Dissolution de la SEM coopération 92», informe del municipio francés publicado en Les Echos, 24 de octubre de 2008.

[3] Association S-Eau-S.

[4] «La colère de Santini face aux questions de Bakchich», por Hélène Constanty y Marion Gay, Bakchich, 25 de febrero de 2008.

[5] Dosier de Prensa de Action Contre la Faim en ocasión del Dia Mundial del Agua de 2008. El libro Lobby Planet Paris, guide des Lobbys, en venta desde noviembre de 2009, aborda la ley Oudin-Santini.

[6] Rescuing the World, por Andrew F. Smith, prefacio de Henry Kissinger, State University of New York Press, 2002, pp. 123-129.

[7] «Action contre la Faim à la conquête de l’Amérique», por Emmanuel Saint-Martin, French Morning, 12 de octubre de 2009.

[8] «Las ONGs, ¿instrumentos de gobiernos y transnacionales?», por Julien Teil, Réseau Voltaire, 30 de julio de 2009.

[9] Presentación del GWI en el sitio web de la ONG Care-USA.

[10] Página de David Blanc en el sitio web de Action Against Hunger.

[11] «El Instituto Aspen educa a los tiburones del business», Red Voltaire, 3 de febrero de 2004.

[12] «La Fundación Ford, fachada filantrópica de la CIA» y «Por qué la Fundación Ford subvenciona la oposición», Red Voltaire, por Paul Labarique, 5 y 19 de abril de 2005.

[13] Reforme foncière au Nord et au Sud, Camilla Toumin & Simon Pepper.

[14] Sitio web de la empresa Monsato.

[15] Al igual que Jacques Attali, William «Bill» Drayton estima que el “social business” permite resolver los problemas inherentes a la pobreza. En la época de la administración Carter, Drayton fue administrador asistente de la Agencia estadounidense de Medioambiente. Fue desde ese cargo que promovió el principio del mercado del carbono (trade and cap).

[16] La publicaón, en el año 2008, de un recuento de uno de esos foros aclara la naturaleza de las relaciones que se establecen en el marco de tales encuentros. En 2008 se celebró el foro «oposición a opositores… ¿qué futuro tienen las ONGs dentro de la gobernanza mundial?» El contenido se describe detalladamente en la publicación del mismo nombre que publicaron el IRIS y la ONG Handicap International.


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