Saturday 13 February 2010

danger bce: monetisation de la dette

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http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-scenario-noir-pour-la-zone-euro-vers-une-monetisation-rampante-des-dettes-publiques-.aspx?article=2660897164G10020&redirect=false&contributor=Vincent+B%C3%A9nard&ref=&mk=2

Scénario noir pour la Zone Euro: vers une monétisation rampante des dettes publiques ?

Vincent Bénard

Objectif Liberte.fr

Se pourrait il que nos élites politico-financières aient fait le choix de la monétisation rampante des dettes publiques stratosphériques qu'elles sont en train d'accumuler ? Le scénario qui suit n'est qu'une hypothèse, mais hélas, au vu de certaines prises de position de la BCE, on ne peut l'exclure totalement. Prions donc pour que l'on puisse rire de mon pessimisme dans quelques années.

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Cette information aurait pu passer inaperçue, mais grâce à Olivier Demeulnaere et Philippe Herlin, elle est portée à notre attention. Le 29 janvier, une dépêche Reuters annonçait que:

La Banque centrale européenne (BCE) a plaidé pour que la future directive européenne sur la transparence financière autorise les banques centrales à garder le secret sur des plans de sauvetage bancaire lancés en urgence. Dans un avis juridique publié sur son site internet vendredi, la BCE estime qu'"il y a lieu de maintenir la confidentialité des informations portant sur les prêts ou les autres facilités de liquidité accordés par une banque centrale (...) y compris l'aide d'urgence en cas de crise de liquidité, afin de contribuer à la stabilité du système financier dans son ensemble et de préserver la confiance du public en période de crise"

Elle ajoute "qu'une évaluation de la nécessité de divulguer l'information au cas par cas est susceptible de mener à une impasse lorsqu'une réaction rapide s'impose".

Ainsi donc, la BCE souhaite modifier ses statuts (
voir son avis, PDF, §2), pour, dit-elle, "éviter une panique financière". En cas de sauvetage d'une banque, si des rumeurs de ses difficultés filtrent dans le public, une ruée sur les guichets ("bank run") est à craindre, avec comme double risque celui d'une faillite en cascade des banques créancières, et d'une impossibilité de maintenir l'ordre public.

Sauver les banques ou les états ?

Mais on peut légitimement se demander si l'objectif réel d'un tel amendement de la directive sur la transparence, si elle était adoptée, n'est pas de permettre un sauvetage en douce des états au bord de la faillite, en permettant une monétisation de la dette plus discrète qu'un rachat direct par la BCE d'obligations pourries émises par les états.


La FED elle même maintient le secret absolu sur les mouvements de fonds qu'elle a opérés en faveur des banques en difficulté. Mais plusieurs analystes,
comme Eric Sprott, du groupe Sprott Asset Management, estiment que la FED couvre de cette façon une opération de monétisation rampante de la dette américaine.

Monétisation rampante, comment ça marche ?

Si l'hypothèse de Sprott est avérée, voici le schéma de cette monétisation:


La banque centrale accepte de prêter à bas taux de l'argent frais "créé à partir de rien", par simple jeux d'écritures électroniques, à une banque, dont l'identité est tenue secrète, et dont certains actifs ne valent plus tripette, à un prix également secret, étant entendu que la banque en question devra consacrer une partie de l'argent prêté à racheter des obligations du trésor des états en difficulté: c'est un accord donnant donnant. La banque cesse d'être techniquement en faillite et peut tenir ses engagements vis à vis de ses créanciers.

Avec le solde, la banque aidée pourra investir, et provoquer une mini-bulle sur les actions comme celle que nous venons de vivre entre mars et décembre 2009 et, si elle est avisée, en sortir à temps, histoire de s'octroyer un bénéfice "tombé du ciel" si utile pour reconstituer des fonds propres exsangues... et éventuellement rembourser la banque centrale. Bien sûr, le petit épargnant et le gestionnaire de fonds indépendant, qui ignorent tout du timing de la manoeuvre, se retrouveront acheteurs au mauvais moment. Mais le gestionnaire de fonds indépendant et le petit épargnant ne sont que de sales exploiteurs pour lesquels l'opinion ne lèvera pas le petit doigt, pas vrai ? Pourquoi se gêner...


Aux USA, les produits dérivés des prêts immobiliers constituent l'actif "toxique" de base d'un tel échange "actif contre création monétaire".


En Europe, les actifs le plus sujets à des craintes majeures dans le compte des banques sont les obligations des états, quoique vous en disent les économistes de la dette décontractée qui continuent de dire qu'un état "ne peut pas faire faillite".


Par conséquent, sous couvert de sauvetage des banques, si ces sauvetages étaient secrets, l'on pourrait voir la BCE reprendre de façon non transparente des obligations grècques, espagnoles, voire françaises, à l'actif de ces banques, et en contrepartie, leur octroyer des prêts à taux massacrés que les banques iraient à leur tour... Reprêter aux grecs, espagnols et français, permettant à ces pays de s'en tirer avec des plans de rigueur mollassons tout en maintenant l'illusion d'une soutenabilité perpétuelle des dettes.


J'ai naïvement cru que l'Allemagne s'opposerait à de telles visées. Mais avec près de 390 milliards d'euros d'emprunts à effectuer en 2010, en combinant le renouvellement sur les tranches de la dette existante venue à échéance et le financement de son déficit budgétaire, elle n'est pas tellement en meilleure forme que la France (450 milliards).


Au reste, les 16 principales économies européennes devront lever
2 200 milliards d'Euros d'emprunts en 2010, pour un PIB de l'ordre de 12 000 milliards ! Je n'ai pas réussi à me procurer la répartition entre renouvellement du stock de dette et nouveaux emprunts, mais enfin, ceux ci, que l'on peut estimer à vue de nez à 50% du total, vont tutoyer la totalité du taux d'épargne des ménages ou de formation de capital de toutes les entreprises privées (de l'ordre de 10% du PIB des 27). On voit qu'il y a pratiquement impossibilité physique d'éviter une asphyxie de certains états emprunteurs, d'autant plus que la prise de conscience croissante de leur faillibilité risque, pour la première fois, d'inciter les investisseurs a préférer des émissions d'opérateurs privés très diversifiés à l'international sur celles des états, et ne devrait pas inciter les investisseurs extra-communautaires à sur-investir en masse sur l'Euro.

Effets pervers

Vous me direz: "mais c'est bien joué, non ? Après tout, si cela évite la faillite généralisée des états et des banques qui détiennent leurs obligations, c'est infiniment préférable au chaos ?"


Hélas, tout n'est pas si simple. La manoeuvre a un effet pervers qui peut se rêvéler dramatique. Si la banque ne remboursait pas son prêt à la banque centrale, celle ci serait censée se payer par la liquidation de l'actif toxique déposé en collatéral. Sauf que cet actif toxique ne valant plus qu'une fraction de son nominal, la banque centrale aura peu de chance de voir revenir tout l'argent créé. Et voilà qu'auront été créés plusieurs milliards d'unités monétaires sans création de valeur en contrepartie dans "l'économie réelle". Ce qui, dès que la base monétaire ainsi gonflée se remettra à circuler, nous ramènera vers des inflations telles que celles des années 70, entre 10 et 20% par an.


Voire pire. Car après tout, si vous permettez aux états "insouciants", genre Grèce... ou France, de s'épargner des restructurations très impopulaires de leur secteur public par le biais d'un montage financier en apparence miraculeux, pourquoi feraient ils l'effort d'arrêter de fabriquer de la nouvelle dette ? Et dans ce cas, qui pourrait empêcher ces états de se livrer à la fuite dans les déficits, attendu que chacun attendrait que le voisin fasse plus d'efforts ?


Et dans ce cas, les agents économiques, incapables de prévoir la dépréciation de la valeur de leur production, devront adopter des attitudes très frileuses en terme d'investissement, ce qui provoquera un chômage encore plus massif. Les années 70 ont vu l'émergence d'une nouveauté dont tout le monde se serait bien passé, la "stagflation". Mais le monde occidental était entré dans la crise des années 70 avec moins de 2-3% de chômage pour en ressortir à plus de 10, avant la vague dérégulatrice des années 80... Et un retour à l'orthodoxie des banques centrales sous la férule d'un Paul Volcker ou sous le régime strict du SME.


Mais si les craintes ci dessus venaient à se matérialiser, nous entrerions dans la crise stagflationniste avec déjà plus de 10% de chômage. Le prix à payer, dans le cas où ce scénario se matérialiserait, pour la prétendue "stabilité" du système financier, serait énorme.


Alternative : Des faillites bancaires express en toute transparence

A ce stade, je ne vous ai pas dit que faire à la place de ce scénario peu avenant. Car si l'alternative à l'inflation est un arrêt total de l'économie par suppression des banques qui lui procurent son lubrifiant, la monnaie et les moyens d'échange, alors il n'est pas sûr que nous y gagnions au change.


Mais il existe d'autres possibilités déjà évoquées ici:
d'une part, il ne faudrait pas sauver les états en faillite, pour les forcer à se restructurer et cesser de susciter des vocations de "passager clandestin" de l'Euro au sein des pays dits "du Club Med", ce qui revient à laisser tomber la Grèce.

Mais au préalable, afin d'éviter que la chute du domino Grec n'aboutisse au chaos, il faudra permettre aux prêteurs, c'est à dire les banques, de faire faillite dans
un processus rapide et ordonné, une sorte de "super chapitre 11 bancaire", une "quick and dirty bankruptcy", ou une faillite "en référé" dans laquelle les déposants bancaires, en tant que créanciers de premier rang de la faillite, se verraient quasiment garantis de ne rien perdre, mais où actionnaires et créanciers des banques se verraient contraints d'accepter un accord d'échange dette contre capital express sur la base de formules précalculées, en fonction de la perte de valeur des actifs en portefeuille.

Concrètement, lorsqu'un état ferait défaut (partiellement, en général), sur sa dette, par exemple une faillite des 3/5èmes, les banques et assureurs de titres de l'état considérés pourraient voir leur actif massacré et donc se retrouver insolvables au niveau de leur bilan. Dans ce cas, la procédure de faillite express (
expliquée ici) serait appliquée. Si la perte excèdait les fonds propres, les créanciers deviendraient seuls actionnaires, l'intégralité de leurs bons étant convertis, pour une valeur au bilan inférieure au nominal de leur dette.

Un administrateur judiciaire serait nommé comme pour une faillite classique (système Français - à chaque pays de l'adapter suivant ses traditions), et très rapidement, un tribunal devrait décider s'il laisse le temps aux créanciers de s'organiser au sein d'un nouveau CA, afin soit de continuer l'activité, soit d'adosser la banque nouvellement capitalisée à un groupe plus important et plus sain, ou s'il rembourse tous les déposants en liquidant les actifs encore debout, et laisse l'éventuel reliquat en peau de chagrin aux nouveaux actionnaires ex-créanciers.


Lesquels ex-créanciers pourraient eux même se retrouver en faillite, et donc mettre en oeuvre pour eux mêmes le super chapître 11. Et ainsi de suite.


De cette façon, l'excédent de dette du système financier et des états serait purgé sans que les propriétaires de comptes bancaires ne subissent de pertes, ou alors marginales. Et surtout, aucun risque d'inflation !


Certes, la banque et la finance licencieraient massivement, mais les nouveaux établissements ainsi solidifiés par la conversion d'une dette asphyxiante en fonds propres pourraient très vite se remettre à embaucher les meilleurs, et puis il faut bien que ceux qui ont mal géré leurs risques dans les années d'abondance en paient le prix. Les opinions comprendraient mal que des petits arrangements secrets entre banques centrales et grandes banques permettent à ces dernières de continuer à engranger profits et bonus se chiffrant en milliards alors que l'économie non financière continuerait à s'enfoncer dans la récession.


Après les mesures d'urgence, la reconstruction

Il faudrait ensuite rapidement reconstruire un nouveau système financier, sujet qui dépasse de loin le temps imparti au présent article, mais qui devrait remplacer par toute une gamme de moyens monétaires et fiscaux l'économie de la dette par celle du capital, et donner toute latitude aux banques de réussir ou de faire faillite, la réglementation se focalisant sur l'obligation d'être réellement transparentes, et de laisser le marché évaluer la pertinence des choix managériaux.


L'économie dans son ensemble aurait tout à gagner à ce que les leçons de la crise nous orientent vers le retour à
un capitalisme fondé sur le capital plutôt que sur l'argent dette, et où aucune catégorie ne pourrait espérer le soutien du contribuable en cas de faillite. La croissance n'y connaitrait sans doute pas de phase ultra spectaculaire, mais elle serait autrement plus saine, et moins sujette à des formations de bulles dont l'éclatement se révèle au final tellement dommageable.

Conclusion

A l'heure où j'écris, rien ne semble décidé, et nous n'avons pour nous faire peur qu'un "simple" communiqué de presse de JC Trichet demandant la liberté de faire n'importe quoi à nous mettre sous la dent. Le scénario de la monétisation rampante n'est donc pas encore adopté. Mais je vois mal Trichet émettre une telle demande en catimini sans s'être préalablement assuré d'un certain niveau de réceptivité des politiques à cette demande. Je suis donc raisonnablement pessimiste sur le futur économique de la zone Euro, même si à court terme, nous pourrions avoir l'illusion que la beuverie à crédit peut continuer.


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Vincent Bénard est Président de l'institut
Hayek (Bruxelles) et Senior Fellow de Turgot (Paris), deux thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la pensée libérale, et sympathisant des deux seuls partis libéraux français, le PLD et AL.

Publications :

"Logement: crise publique, remèdes privés"
, dec 2007, Editions Romillat

Avec Pierre de la Coste :
"Hyper-république, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc française, avec Pierre de la Cos


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