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source: réseau voltaire
http://www.voltairenet.org/article161475.html
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constitutional court: sovereignty lies in berlin
Le Traité de Lisbonne est un cheval de Troie
3/8/09
par Titine Kriesi et Gisbert Otto
Dans leur arrêt du 30 juin 2009 sur le Traité de Lisbonne, les juges suprêmes allemands attirent l’attention sur le déficit démocra-tique structurel du Traité et également sur le fait que l’Allemagne ne doit pas abandonner sa souveraineté. En même temps, ils se contredisent car ils déclarent que le Traité n’implique pas cet abandon. En réalité, en contradiction avec la Loi fondamentale, il crée de facto une nouvelle constitution. Aussi le peuple allemand devrait-il être consulté car une nouvelle constitution ne peut entrer en vigueur que sur une décision du peuple (art. 146 de la Loi fondamentale). En raison des défauts constatés par la Cour constitutionnelle, il aurait été logique que celle-ci refuse le Traité. Cependant, elle n’avait pas l’indépendance nécessaire pour s’opposer au projet politique «EU» dans sa forme actuelle, qui est contraire à la Constitution… et avec quelles conséquences effroyables: Ainsi, le Traité va jusqu’à octroyer à l’UE un droit à la guerre! Une des rares personnes qui se soient permises de révéler le véritable contenu du Traité avec toutes ses conséquences dévastatrices pour la vie quotidienne des citoyens est le professeur de droit Karl Albrecht Schachtschneider. Il fonde son refus du Traité sur le droit et la vérité. Nous présentons ci-dessous quelques-unes de ses critiques les plus importantes.
Le Traité de Lisbonne aggravera encore le caractère antidémocratique et antisocial de l’Union européenne (UE). Les États-nations transfèrent presque tous leurs droits à l’UE. Ses quelque 500 millions de citoyens perdent presque toute possibilité de participation démocratique. L’UE interviendra dans tous les domaines de leur vie. L’écart entre riches et pauvres se creusera. Cette évolution est en contradiction avec l’article premier de la Loi fondamentale allemande qui affirme que la dignité de l’homme est intangible et fait à l’Allemagne une obligation de respecter les droits de l’homme.
Caractère fondamentalement antidémocratique du Traité
Une constitution ne peut être légitimée que par le peuple. C’est ce que stipule la Loi fondamentale : « Tout pouvoir d’État émane du peuple » (art. 20-2) et « La présente Loi fondamentale qui, l’unité et la liberté de l’Allemagne ayant été parachevées, vaut pour le peuple allemand tout entier, devient caduque le jour de l’entrée en vigueur d’une constitution adoptée par le peuple allemand en pleine liberté de décision. » (art. 146). En conséquence, seul un « peuple européen » pourrait légitimer la Constitution, or il n’existe pas de « peuple européen ». Un « État européen » impliquerait qu’elle soit approuvée par les peuples d’Europe.
Seuls les citoyens ont le droit de décider si et dans quelle mesure ils souhaitent transférer le pouvoir étatique à l’UE. En violation de la Loi fondamentale, on a évité une consultation populaire relative au Traité parce que le gouvernement sait pertinemment que la majorité des citoyens auraient voté « non ». Le fait de ne pas consulter le peuple est pourtant contraire à l’art. 79-3 de la Loi fondamentale : « Toute modification de la présente Loi fondamentale qui toucherait à l’organisation de la Fédération en Länder, au principe du concours des Länder à la législation ou aux principes énoncés aux articles 1 et 20, est interdite. »
Cependant les élites politiques ignorent consciemment ce principe fondamental. Elles essaient d’induire les citoyens en erreur. En manipulant l’opinion de nombreuses manières, elles veulent imposer leurs objectifs politiques. Il ne doit pas y avoir de débats publics et parlementaires. Cette aspiration au pouvoir va à l’encontre de la Loi fondamentale en tant qu’elle affirme l’humanité de l’homme, par exemple à l’article premier (« La dignité de l’homme est intangible ») et à l’article 20 (« Fondements de l’ordre étatique, droit de résistance »). Ces articles se situent à juste titre en dehors de toute politique afin de garantir la dignité de l’homme et de « protéger les fondements naturels de la vie » pour tous dans la liberté générale et sur la base de la vérité.
Sans démocratie, il n’y a pas d’État de droit
Le projet d’intégration antidémocratique des États dans l’UE fait retourner les peuples à l’époque antérieure à la Révolution française. Les principes fondamentaux de l’État de droit sont sapés, notamment et avant tout la séparation des pouvoirs qui protège les citoyens contre les abus de pouvoir. Il est irresponsable de sacrifier en grande partie cette protection juridique.
Dans le domaine de l’économie en particulier, les effets seront encore plus catastrophiques qu’actuellement. Par exemple, dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne contenue dans le Traité de Lisbonne, le « droit au travail », tel qu’il est stipulé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est absent, de même que le droit de l’homme « à une rémunération équitable et satisfaisante » de son travail « lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine » (art. 23). En revanche, pour la première fois dans l’histoire des droits fondamentaux, la Charte reconnaît la « liberté d’entreprise ».
La toute-puissance de l’Union européenne n’est pas déclarée ouvertement
À l’origine, il était prévu que l’UE ne pourrait agir que lorsqu’elle y était expressément autorisée (principe d’« habilitation ponctuelle limitée »). Contrairement à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, ce principe est enfreint en raison des habilitations considérables de l’UE. Afin d’atteindre ses objectifs, l’UE est autorisée par le Traité de Lisbonne à agir sans la participation des parlements nationaux. Elle est même autorisée à lever des impôts européens comme elle l’entend. En outre, grâce à une « procédure de révision simplifiée », elle est autorisée, par décision du Conseil européen, à modifier presque entièrement ou partiellement l’ensemble du Traité (mise à part la politique extérieure et de sécurité). Le Traité devient ainsi une loi d’habilitation. L’UE abandonne définitivement les principes constitutionnels fondamentaux à la base de la culture européenne. Il faut démasquer cette tromperie qui aura des conséquences considérables pour la vie quotidienne des individus.
Le capitalisme débridé devient constitutionnel
L’UE est une région du capitalisme global. La base en est constituée par les cinq « libertés » fondamentales (liberté d’établissement, libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes) qui sont exposées en détail dans le Traité. Ce système d’« économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée » qui ne prend en considération les aspects sociaux que de manière secondaire, déterminera notre vie quotidienne.
En revanche, le principe d’État social, selon lequel la vie économique est non seulement déterminée par des critères d’efficacité mais aussi par des aspects sociaux, est ancré dans l’ordre économique allemand. L’économie ne doit revendiquer qu’une fonction subordonnée dans la société. Or le Traité renverse complètement ce principe. La libre concurrence n’est rien d’autre que le libéralisme qui s’exerce au détriment des aspects sociaux et permet d’exploiter les hommes.
Ce qu’on demande en Allemagne aux quelque 8 millions de bénéficiaires de Hartz IV est scandaleux [1]. L’ordre économique néolibéral du marché et la concurrence ne permettent pas une politique étatique de l’emploi efficace et conduit à la tyrannie du capitalisme débridé.
Le principe du pays d’origine ruine les économies nationales
Le principe du pays d’origine, qui a des effets extrêmement néfastes sur l’économie intérieure, est un exemple extrême de concurrence impitoyable. Ce principe autorise les entreprises étrangères à effectuer des travaux en Allemagne aux conditions valables dans leur pays. Par exemple, une firme polonaise peut effectuer des travaux avec des ouvriers polonais et ukrainiens moyennant des salaires situés bien en dessous des salaires allemands. Et les autres conditions en vigueur dans le pays d’origine constituent également une base juridique (notamment les normes de qualité et les obligations de garantie). La concurrence impitoyable ainsi instaurée menace avant tout les moyennes entreprises ainsi que la participation au sein des entreprises en Allemagne. Encore davantage d’entreprises devront fermer. Mais les multinationales sont également concernées, par exemple les groupes alimentaires : elles risquent d’offrir des aliments de moindre qualité pour obtenir, avec des prix inférieurs, des parts de marché plus importantes.
La protection des droits fondamentaux est affaiblie
Avec le Traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux de l’UE est reconnue obligatoire. Mais elle n’impose aucune obligation sociale au capital. La propriété ne doit pas être au service du bien commun, contrairement à ce que stipule la Loi fondamentale allemande. Même le droit au travail, droit élémentaire selon l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, est absent.
L’Union européenne s’octroie un droit à la guerre
Les États membres perdent en grande partie leur souveraineté en matière de défense du fait de l’intégration des forces armées dans la défense commune. En outre, le Traité oblige les États membres de l’UE non seulement à développer leur armement mais leur prescrit le droit de faire la guerre, en particulier pour lutter contre le terrorisme dans le monde entier comme dans les États membres [2]. Ainsi, l’interdiction de mener des guerres offensives de l’art. 26-1 de la Loi fondamentale allemande est écartée.
Sauvegarde de la démocratie
Les structures démocratiques actuellement en vigueur sont la seule protection contre les décideurs intellectuels malhonnêtes qui obéissent délibérément au capital et aux pouvoirs dominants.
Malheureusement, nous vivons à une époque où le droit est bafoué en permanence. Les belles paroles, sinon les mensonges sont à l’ordre du jour. C’est ainsi que l’engagement des soldats allemands en Afghanistan n’est pas, selon l’interprétation du gouvernement, un engagement militaire, alors que c’est bien le cas. De tels mensonges doivent êtres dénoncés. De même que le procédé de politique hégémonique qui a présidé à l’élaboration du Traité de Lisbonne qui vise à abolir la démocratie.
Les peuples d’Europe ont le droit de vivre en citoyens souverains dans la paix et la liberté d’une véritable démocratie.
[1] De 2003 à 2005, le gouvernement du chancelier Gerhard Schröder (SPD) a introduit en Allemagne une vaste réforme du droit du travail, dite réforme Hartz. Son quatrième volet (Hartz IV) a rencontré une forte opposition, particulièrement en ex-RDA, avec des manifestations hebdomadaires à l’été 2004. Elle prévoit, entre autres, la réduction des indemnités versées aux chômeurs de longue durée qui refuseraient d’accepter des emplois en-dessous de leur qualification.
[2] « Le Traité constitutionnel européen et la Guerre », par Diana Johnstone, Réseau Voltaire, 18 avril 2005.
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http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=1702
L’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur le Traité de Lisbonne
par Karl Müller
Cinq semaines après la publication, le 30 juin, de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande sur le Traité de Lisbonne, les réactions qu’il a suscitées montrent qu’il est interprété de diverses manières. Il existe des partisans et des adversaires du Traité qui voient leurs opinions confirmées par l’arrêt et il y a également des partisans et des adversaires qui le critiquent.
Cela ne s’explique pas seulement par le débat politique dans lequel chaque camp cherche des arguments. L’arrêt lui-même offre à chacun suffisamment de motifs.
Nous ne pouvons pas proposer ici un examen détaillé de ses aspects constitutionnels et politiques, quand bien même certains le souhaiteraient. Cependant, il convient de prendre connaissance des points essentiels de l’arrêt (cf. encadré) qui sont importants car ils ont force obligatoire.
L’article 23 fixe des critères précis pour la participation à l’UE
L’article 23 de la Loi fondamentale de la RFA (cf. encadré) auquel la Cour se réfère constamment a été introduit en 1992 et selon les commentateurs, il s’agit ici de la «définition des objectifs poursuivis par une Europe unie» (commentaire du Centre fédéral de formation politique relatif à la Constitution [2003]). Mais la plupart du temps, on oublie de mentionner le fait que la première phrase de cet article met pour condition à l’obligation d’intégration que l’Union européenne en voie d’édification obéisse «aux principes fédératifs, sociaux, d’Etat de droit et de démocratie», principes auxquels, selon l’arrêt, l’Union européenne, même avec le Traité de Lisbonne, ne satisfait manifestement pas. Ainsi l’article 23 ne contraint pas l’Allemagne à s’intégrer dans l’UE.
Pas d’adhésion à l’UE à n’importe quel prix
Considérer que l’article 23 constitue une obligation d’adhérer à l’UE à tout prix, comme le pensent certains commentateurs, ne correspond ni au termes ni au contexte général de la Loi fondamentale. En particulier, on ne peut, en interprétant l’art. 23, négliger l’art. 20. Cet article fixe les «fondements de l’ordre étatique», l’obligation faite à l’Etat allemand d’être «un Etat démocratique, fédéral et social» pratiquant la séparation des pouvoirs, le contrôle du pouvoir par le peuple et garantissant le «droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre».
Certes l’art. 23 a été introduit – sans que l’opinion s’en rende compte et donc sans débat – pour que l’Allemagne rende compatibles avec la Constitution les compétences toujours plus étendues de l’UE prévues à l’époque par l’oligarchie des partis. Mais cela ne change rien au fait que l’adhésion de l’Allemagne à L’UE doit se laisser mesurer à l’aune des principes formulés aux articles 23 et 20.
La Cour constitutionnelle n’a pas examiné la situation réelle dans l’UE
L’arrêt de la Cour, de même que d’autres arrêts précédents, n’examine pas la situation véritable dans l’UE. Dans les attendus, après des considérations d’ordre constitutionnel en général pertinentes, on ne trouve pas de subsumption des conditions de vie réelles dans l’UE mais des formulations vagues et évasives. La Cour ergote souvent, mais elle ne se demande pas comment l’UE se présente politiquement aujourd’hui. Elle ne se demande pas non plus si l’UE réelle satisfait aux conditions des articles 20 et 23, sans parler de l’excellent article premier (cf. encadré) qui fait obligation à l’Etat allemand de respecter et de protéger la dignité de l’être humain.
Aussi, on ne s’étonnera pas que, quelques jours après la publication de l’arrêt, le président de la Cour Andreas Vosskuhle ait concédé à Joschka Fischer que la porte restait ouverte à un Etat fédéral européen. (Neue Juristische Wochenschrift du 7 juillet). Alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, Fischer avait appelé de ses vœux un tel Etat européen, ce que la Cour a souligné dans son arrêt. Dans un article paru le 9 juillet dans l’hebdomadaire Die Zeit, il est parti en guerre contre la Cour en affirmant que son arrêt était «passéiste et irréaliste» parce qu’il n’était pas tout à fait conforme à sa ligne politique.
L’arrêt montre qu’il est certes toujours important de ne rien négliger pour faire triompher le droit mais qu’en Allemagne aussi le droit est malmené dans la jurisprudence de la Cour suprême. Aussi faut-il se demander très sérieusement comment les hommes peuvent faire valoir leurs droits et avant tout quelle culture politique est nécessaire pour cela.
La Cour n’a pas tiré les conséquences des «déficits structurels de démocratie» de l’UE
L’arrêt ne nous avance pas à ce sujet. Certes, il précise que le Traité de Lisbonne ne rend pas l’UE démocratique bien que sa teneur en donne l’impression, qu’il induit en erreur. Mais cette constatation n’entraîne pas de conséquences convaincantes. Certes la Cour constate d’une part que «le droit des citoyens d’avoir prise personnellement et concrètement sur l’action politique par des élections et des consultations populaires est le principe élémentaire de la démocratie, [que] le droit à participer au pouvoir politique dans la liberté et l’égalité est ancré dans la dignité de l’homme.» Mais de sa constatation que l’UE réelle ne répond pas structurellement à ces conditions, il ne tire pas la seule conclusion juridique correcte, c’est-à-dire qu’en vertu précisément de l’article 23 de la Loi fondamentale, la RFA ne peut pas s’intégrer juridiquement à l’UE.
Mais la Cour identifie l’UE réelle – sans référence aux déficits structurels de démocratie ni au fait que les Etats importants de l’UE participent à des guerres, également en Europe! – à l’objectif de «maintien de la paix» et d’«efforts pour surmonter les antagonismes destructeurs entre Etats européens». Selon la Cour, l’Allemagne n’a donc même pas le droit de décider librement de son adhésion à l’UE car – en dépit du caractère antidémocratique de l’UE – les organes allemands prévus par la Constitution n’ont apparemment pas la possibilité d’«opter ou non en faveur d’une intégration dans l’UE».
On néglige le pouvoir politique réel de l’UE
Au vu de l’acquis communautaire (ensemble de textes juridiques comprenant actuellement 85 000 pages réparties en 31 volumes), qui règlemente déjà de manière complète les conditions de vie des habitants de l’UE et étant donné les nouvelles compétences, considérables, que lui attribue le Traité de Lisbonne, par exemple dans les domaines de la politique commerciale (compétence exclusive de l’UE dans toutes les négociations menées dans le cadre de l’OMS, du GATS et du TRIPS) de la justice et de la défense, il est grotesque de parler, comme le fait la Cour, de la «nécessité pour l’Allemagne de conserver une marge de manœuvre suffisante en matière de politique économique, culturelle et sociale».
La Cour va jusqu’à prétendre qu’il est sans importance que 80% des lois allemandes soient fixées par l’UE aussi longtemps qu’il restera une marge «suffisante» (?) pour la législation allemande. Elle ne tient pas compte du fait que les différents domaines politiques sont étroitement imbriqués, que, par exemple, aucune politique sociale n’est plus possible lorsque l’Etat se voit retirer la possibilité d’organiser l’ordre économique, tendance que le Traité de Lisbonne accentuerait.
La Cour insiste plusieurs fois sur le fait que l’UE n’a pas la «compétence de la compétence», c’est-à-dire qu’elle n’a pas la compétence de s’attribuer de nouvelles compétences indépendamment des décisions des parlements nationaux, qu’elle ne peut agir que «dans les limites des compétences» que lui attribuent les Etats membres. Au moyen de ce «mensonge fondateur» (selon le constitutionnaliste Karl Albrecht Schachtschneider), la Cour essaie d’occulter le fait que ces «compétences limitées» sont déjà considérables, qu’elles ont déjà été largement commentées, en particulier par la Cour de justice européenne et que le Traité de Lisbonne va bien au-delà des traités précédents.
L’Allemagne a besoin d’une nouvelle culture politique
De fait, l’Allemagne souffre de plus en plus d’un défaut de culture politique. Comment peut-on y remédier? Cela ne se fera pas sans la société civile. Si l’on réussit à aborder franchement, librement et dans un esprit d’égalité tous les sujets qui concernent l’Allemagne et si l’on réalise, dans la réflexion comme dans l’action, la «souveraineté» là où elle est déjà possible maintenant, cela aura un effet très positif. Cela reviendra à poser la première pierre d’une démocratie directe en Allemagne. On établira ainsi les fondements de ce que la Cour a écrit sans y donner suite: «Le droit des citoyens d’avoir prise personnellement et concrètement sur l’action politique par des élections et des consultations populaires est le principe élémentaire de la démocratie. Le droit à participer au pouvoir politique dans la liberté et l’égalité est ancré dans la dignité de l’homme.»
Commencer par formuler des réserves sur le Traité de Lisbonne
Toutefois chacun doit être conscient du fait que le Traité de Lisbonne, s’il entrait en vigueur, ne pourrait pas facilement être abrogé malgré le droit, explicitement affirmé dans le Traité, pour un pays de sortir de l’UE. La marge de liberté sera très ténue. Aussi convient-il de se demander ce que l’on peut faire concrètement au cours des prochaines semaines afin que les conditions de la participation de la société civile au développement d’une meilleure culture politique soient plus satisfaisantes qu’avec le Traité de Lisbonne. On peut évoquer ici l’arrêt de la Cour en prenant au sérieux les limites de l’UE, que du moins l’arrêt formule, et ce qu’il dit de la démocratie et de la souveraineté de l’Allemagne, et en énonçant clairement des réserves à l’endroit du Traité, réserves relevant du droit constitutionnel et du droit international.
A la fin août-début septembre, le Bundestag allemand va adopter, après un débat, une nouvelle loi d’accompagnement au Traité. Ce serait l’occasion de formuler clairement des réserves. L’Allemagne ne serait pas le seul pays à le faire. La Grande-Bretagne et la Pologne l’ont également fait. C’est tout à fait possible au regard du droit international. Les députés au Bundestag montreraient ainsi que le Parlement ne veut plus être seulement un organe exécutif en matière d’UE mais qu’il commence à prendre à nouveau au sérieux la démocratie et la souveraineté, c’est-à-dire à être constitué de véritables représentants du peuple.•
Points essentiels de l’arrêt relatif au Traité de Lisbonne
Karl Müller
Les points essentiels suivants de l’arrêt qu’a rendu la Cour constitutionnelle d’Allemagne à propos du Traité de Lisbonne ont force obligatoire et sont donc particulièrement importants. Toutefois, ils prouvent également que la Cour trompe l’opinion publique. En effet, celui qui connaît la réalité de l’UE déduira des conclusions de droit public tirées par la Cour de manière souvent pertinente que le Traité Lisbonne est anticonstitutionnel – ce que la Cour se garde bien de proclamer.
Le premier point essentiel est la constatation que l’appartenance de l’Allemagne à une UE fédération d’Etats (et non pas à Etat fédéral!) qui exerce des pouvoirs publics est certes compatible avec la Loi fondamentale de la République fédérale. même temps, la Cour affirme cependant que les Etats membres restent souverains et que seules des décisions des citoyens des Etats de l’UE pourraient légitimer démocratiquement l’action de l’UE. que font les citoyens? Qu’on leur demande ce qu’ils pensent de leur influence l’action de l’UE! – En outre, toute subsumption (attribution de faits à une norme juridique) de l’UE aux principes fédératifs, sociaux, d’Etat de droit et de démocratie de la Loi fondamentale (art. 23, al. 1, phrase) fait défaut.
Le deuxième point essentiel exige la participation du Bundestag et du Bundesrat à toute extension des compétences l’Union, même s’il n’y a pas de modification de traité. Cependant, l’arrêt ne
prononce pas sur la légalité des larges compétences actuelles de l’UE, bien que le principe d’attribution restreinte de compétences ne soit pas du tout respecté en raison de la portée étendue des normes juridiques européennes.
Le troisième point essentiel souligne que les Etats membres de l’UE doivent conserver une marge de manoeuvre suffisante en matière de politique économique, culturelle et sociale. – En toute logique, les termes utilisés par la Cour signifient que l’Allemagne devrait sortir de l’Union réelle.
Le quatrième point essentiel affirme que la Cour examinera à l’avenir également si l’UE transgresse ses compétences. Mais la Cour n’a encore jamais fait de telle constatation, bien qu’elle en eût souvent l’occasion. De plus, il n’y a pas de critères clairs à cet égard.
1. Par son art. 23, la Loi fondamentale habilite la République fédérale à concourir à l’édification et au développement de l’Union européenne conçue comme fédération. La notion de fédération
implique une relation étroite et à long terme d’Etats demeurant souverains.
Cette fédération exerce l’autorité des pouvoirs publics sur la base de traités, son cadre fondamental est à la seule disposition des Etats membres et les peuples, c’est-à-dire les citoyens des Etats membres, restent les sujets de la légitimation démocratique.
2. a) Dans la mesure où les Etats membres élaborent leur droit des traités de sorte qu’une modification de ce droit peut, en cas de continuité fondamentale du principe d’attribution restreinte de compétences, être effectuée sans procédure de ratification, une responsabilité particulière incombe, outre au gouvernement fédéral, aux Chambres, dans le cadre du concours d’organes qui, en droit interne allemand, doit satisfaire aux exigences de l’art. 23, al. 1, LF (responsabilité en matière d’intégration) et peut être exigé en entamant une procédure de droit constitutionnel.
b) Une loi conforme à l’art. 23, al. 1, 2e phrase, LF n’est pas nécessaire pour autant que les clauses passerelles spéciales se limitent à des domaines déjà suffisamment déterminés par le Traité de Lisbonne. Dans ce cas, il incombe cependant au Bundestag et – si les compétences
législatives des Länder sont concernées – au Bundesrat d’assumer leurs responsabilités d’intégration de manière adéquate.
3. L’unification de l’Europe établie sur la base d’une union par traités d’Etats souverains
doit être réalisée de manière à ménager aux Etats membres une marge de manoeuvre suffisante dans leur politique économique, culturelle et sociale. Il en va notamment ainsi des domaines qui influent sur la vie des citoyens, de la sphère privée empreinte de responsabilité personnelle et protégée par des droits fondamentaux ainsi que de la sécurité personnelle et sociale, et des décisions politiques qui dépendent particulièrement de concepts culturels, historiques et linguistiques préalables et qui se développent lors de discussions dans le cadre, rempli par les partis et le parlement, d’une opinion publique politique.
4. La Cour constitutionnelle examinera si les actes juridiques des institutions et organes
européens restent dans les limites des droits souverains qui leur ont été accordés
par attribution restreinte, en respectant le principe de subsidiarité du droit des Communautés et de l’Union. Elle examinera de surcroît si l’intangibilité de l’identité constitutionnelle de la Loi fondamentale qui ressort de l’art. 23, al. 1, 3e phrase, LF en combinaison avec l’art. 79, al. 3, LF est préservée.
L’exercice de ce droit d’examen constitutionnel découle du principe de bienveillance de la Loi fondamentale envers le droit européen et n’est donc pas contraire au principe de coopération loyale (art. 4, al. 3, du TUE de Lisbonne); autrement, les structures fondamentales politiques et constitutionnelles d’Etats membres reconnues par l’art. 4, al. 2, 1ère phrase, du TUE de Lisbonne ne pourraient pas être maintenues si l’intégration progressait.
Dans l’espace juridique européen, le respect de l’identité constitutionnelle nationale va donc de pair en droit constitutionnel et en droit de l’Union.
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Article 23 de la Loi fondamentale allemande
(1) Pour l’édification d’une Europe unie, la République fédérale d’Allemagne concourt au développement de l’Union européenne qui est attachée aux principes fédératifs, sociaux, d’Etat de droit et de démocratie ainsi qu’au principe de subsidiarité et qui garantit une protection des droits fondamentaux substantiellement comparable à celle de la présente Loi fondamentale. A cet effet, la Fédération peut transférer des droits de souveraineté par une loi approuvée par le Bundesrat. L’article 79, al. 2 et 3 est applicable à l’institution de l’Union européenne ainsi qu’aux modifications de ses bases conventionnelles et aux autres textes comparables qui modifient ou complètent la présente Loi fondamentale dans son contenu ou rendent possibles de tels compléments ou modifications.
(2) Le Bundestag et les Länder par l’intermédiaire du Bundesrat concourent aux affaires de l’Union européenne. Le gouvernement fédéral doit informer le Bundestag et le Bundesrat de manière complète et aussi tôt que possible.
(3) Avant de concourir aux actes normatifs de l’Union européenne, le gouvernement fédéral donne au Bundestag l’occasion de prendre position. Dans les négociations, le gouvernement fédéral prend en considération les prises de position du Bundestag. Les modalités sont réglées par la loi.
(4) Le Bundesrat doit être associé à la formation de la volonté de la Fédération dans la mesure où son concours serait requis au plan interne pour une mesure analogue ou que les Länder seraient compétents au plan interne.
(5) Dans la mesure où des intérêts des Länder sont touchés dans un domaine de compétence exclusive de la Fédération ou lorsque la Fédération a à un autre titre le droit de légiférer, le gouvernement fédéral prend en considération la prise de position du Bundesrat. Lorsque des pouvoirs de législation des Länder, l’organisation de leurs administrations ou leur procédure administrative sont concernés de manière prépondérante, l’opinion du Bundesrat doit être prise en considération de manière déterminante lors de la formation de la volonté de la Fédération ; la responsabilité de la Fédération pour l’ensemble de l’Etat doit être préservée. Dans les affaires susceptibles d’entraîner une augmentation des dépenses ou une diminution des recettes de la Fédération, l’approbation du gouvernement fédéral est nécessaire.
(6) Lorsque des pouvoirs exclusifs de législation des Länder sont concernés de manière prépondérante, l’exercice des droits dont jouit la République fédérale d’Allemagne en tant qu’Etat membre de l’Union européenne doit normalement être transféré par la Fédération à un représentant des Länder désigné par le Bundesrat. L’exercice de ces droits a lieu avec la participation du gouvernement fédéral et de concert avec lui; la responsabilité de la Fédération pour l’ensemble de l’Etat doit être préservée.
(7) Les modalités relatives aux alinéas 4 à 6 sont réglées par une loi requérant l’approbation du Bundesrat.
«Il y a plus de 50 ans, Karl Jaspers prédisait un passage ‹de la démocratie à l’oligarchie des partis puis de l’oligarchie des partis à la dictature›. L’arrêt de la Cour constitutionnelle ouvre la voie à une dictature de l’UE. Il n’y a plus maintenant qu’une solution: un changement radical de cap. L’opposition à l’Etat centraliste qu’est l’UE doit s’unir. Une alternative est nécessaire au Bundestag. Cette opposition pourrait profiter de ce que l’arrêt demande une participation parlementaire en matière de politique européenne. Son objectif ne serait certes pas de collaborer à l’élaboration de cet Etat centraliste. Il s’agirait plutôt de ceci: Un peuple qui veut construire une Europe européenne doit demander une sortie de l’UE et imposer de nouveaux traités. Seuls les peuples sont qualifiés pour réaliser le droit. Une politique d’envergure nécessite des consultations populaires.»
Karl Albrecht Schachtschneider, lors d’une interview accordée à Jürgen Elsässer et publiée dans kopp-exklusiv
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Article 1, Loi fondamentale allemande
(1) La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger.
(2) En conséquence, le peuple allemand reconnaît à l’être humain des droits inviolables et inaliénables comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde.
(1) La République fédérale d’Allemagne est un Etat fédéral démocratique et social.
(2) Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
(3) Le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel, les pouvoirs exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit.
(4) Tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre, s’il n’y a pas d’autre remède possible.
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