Le revenu de base, concept visionnaire ou fausse bonne idée?
SOCIÉTÉ - La Constituante devra se pencher sur une pétition qui réclame l'introduction d'une revenu minimum pour tous, sans condition. Débat.
L'association BIEN Suisse (Basic Income Earth Network) a réussi son premier pari: récolter près de mille neuf cents signatures en faveur de l'instauration d'un revenu de base pour tous. Lancée au mois de mai, sa pétition vient d'être remise à l'Assemblée constituante genevoise, qui devra se pencher sur la question. Ce texte demande d'inscrire dans la future Constitution un article permettant l'introduction d'une allocation universelle, à savoir le versement sans condition d'un revenu assurant le minimum vital à chaque citoyen. A terme, il remplacerait l'ensemble ou une partie des multiples allocations et assurances sociales: AVS, AI, chômage, allocations familiales... Selon les calculs du BIEN, un tel revenu pourrait se situer aux alentours de 2000 francs par mois.
L'idée fondamentale du revenu de base est de découpler «la couverture des besoins vitaux de l'accomplissement d'un travail rémunéré», explique l'association. Pour Bridget Dommen, membre du comité de sa section Suisse, ce changement de paradigme est nécessaire dans la mesure où «une partie de la population participe déjà au fonctionnement de la société sans rémunération et sans couverture sociale, comme les bénévoles ou les parents au foyer». L'allocation universelle permettrait de se soustraire de l'obligation de travailler, tout en restant incitative à travailler puisqu'il ne s'agit que d'un minimum vital.
Autre argument: les assurances sociales actuelles ne sont plus en phase avec notre société, poursuit Bridget Dommen. «L'assurance chômage n'a jamais été conçue pour le chômage de longue durée, l'Assurance-invalidité est dans un état épouvantable et l'AVS fait face à l'allongement de la durée de la vie. Du coup, les prestations sont systématiquement réduites ou leur accès restreint.» Le revenu de base «résoudrait ces problèmes tout en supprimant l'énorme bureaucratie de contrôles et d'enquêtes du système actuel», relève-t-elle. Quand à son financement, l'impôt ou la TVA sont mentionnés comme pistes.
Reste à voir si telle révolution est susceptible de trouver une assise politique à Genève. «C'est une idée généreuse mais qui reste utopique, répond Beat Bürgenmeier, professeur d'économie et membre du groupe Socialiste pluraliste à la Constituante. Elle a très peu de chances d'aboutir car elle ne s'inscrit pas dans l'évolution historique de l'assistance sociale.»
L'économiste ajoute une réserve d'ordre philosophique: «Je suis très attaché à l'idée de contrat social, qui confère des droits mais aussi des devoirs. En offrant un revenu de base à chacun, quid de la contrepartie? On doit veiller à ne pas créer une société d'assistés, mais une société de citoyens.» En revanche, cette proposition a le «mérite de faire avancer le débat sur le financement du social en général», conclut-il.
Michel Barde, chef du groupe g[e]'avance, proche des milieux patronaux, va plus loin: «Je n'y croit absolument pas. Des études ont montré que l'allocation universelle aurait un coût monstrueux. Il y a fort à parier que son introduction se superposera aux assurances existantes au lieu de les remplacer. Au final, la bureaucratie décriée s'alourdira.» Par ailleurs, «ce système n'est pas incitatif puisque le revenu n'est assorti d'aucune condition, poursuit l'élu. C'est l'exemple type d'une fausse bonne idée.»
Chez les Verts, Florian Irminger n'est pas de cet avis: «C'est l'une des propositions les plus novatrices que nous avons reçues. Sur le principe, j'y suis plutôt favorable et je pense que cela simplifiera le système.» A titre d'exemple, il relève des avantages dans le domaine de la formation: «Pour un étudiant, le revenu de base serait probablement suffisant. Cela résoudrait le problème des bourses d'étude ou des places d'apprentissage sous-payées.»
Le jeune constituant est toutefois conscient des réticences probables d'une grande partie de la classe politique. «J'espère malgré tout que nous prendrons le temps d'étudier cette proposition qui pourrait réellement changer le visage de Genève.» I
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