Wednesday 24 June 2009

teheran: la cia seule dans la rue / cia alone in the street

english text below

http://www.voltairenet.org/article160721.html

La technique des coups d’État par en bas

La « révolution colorée » échoue en Iran

par Thierry Meyssan*

La « révolution verte » de Téhéran est le dernier avatar des « révolutions colorées » qui ont permis aux États-unis d’imposer des gouvernements à leur solde dans plusieurs pays sans avoir à recourir à la force. Thierry Meyssan, qui a conseillé deux gouvernements face à ces crises, analyse cette méthode et les raisons de son échec en Iran.

Depuis Beyrouth (Liban) 24 juin 2009

Les « révolution colorées » sont aux révolutions ce que le Canada Dry est à la bière. Elles y ressemblent, mais n’en ont pas la saveur. Ce sont des changements de régime ayant l’apparence d’une révolution, en ce qu’ils mobilisent de vastes segments du Peuple, mais relevant du coup d’État, en ce qu’il ne visent pas à changer les structures sociales, mais à substituer une élite à une autre pour conduire une politique économique et étrangère pro-US. La « révolution verte » de Téhéran en est le dernier exemple.
Origine du concept

Ce concept est apparu dans les années 90, mais trouve ses origines dans les débats US des années 70-80. Après les révélations en chaîne sur les coups d’État fomentés par la CIA dans le monde, et le grand déballage des commissions parlementaires Church et Rockefeller [1], l’amiral Stansfield Turner fut chargé par le président Carter de nettoyer l’agence et de cesser tout soutien aux « dictatures maison ». Furieux, les sociaux démocrates états-uniens (SD/USA) quittèrent le Parti démocrate et rejoignirent Ronald Reagan. Il s’agissait de brillants intellectuels trotskistes [2], souvent liés à la revue Commentary. Lorsque Reagan fut élu, il leur confia la tâche de poursuivre l’ingérence US, mais par d’autres moyens. C’est ainsi qu’ils créent en 1982 la National Endowment for Democracy (NED) [3] et, en 1984, l’United States Institute for Peace (USIP). Les deux structures sont organiquement liées : des administrateurs de la NED siègent au conseil d’administration de l’USIP et vice-versa.

Juridiquement, la NED est une association à but non lucratif, de droit US, financée par une subvention annuelle votée par le Congrès à l’intérieur du budget du département d’État. Pour mener ses actions, elle les fait co-financer par l’US Agency for International Development (USAID), elle-même rattachée au département d’État.
En pratique, cette structure juridique n’est qu’un paravent utilisé conjointement par la CIA états-unienne, le MI6 britannique et l’ASIS australien (et occasionnellement par les services canadiens et néo-zélandais).
La NED se présente comme un organe de « promotion de la démocratie ». Elle intervient soit directement ; soit par ses quatre tentacules : l’une destinée à corrompre les syndicats, une seconde chargée de corrompre les patronats, une troisième pour les partis de gauche et une quatrième pour ceux de droite ; soit encore par l’intermédiaire de fondations amies, telles que la Westminster Foundation for Democracy (Royaume-Uni), l’International Center for Human Rights and Democratic Development (Canada), la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation Robert-Schuman (France), l’International Liberal Center (Suède), l’Alfred Mozer Foundation (Pays-Bas), la Friedrich Ebert Stiftung, la Friedrich Naunmann Stiftung, la Hans Seidal Stiftung et la Heinrich Boell Stiftung (Allemagne). La NED revendique avoir corrompu ainsi plus de 6 000 organisations dans le monde en une trentaine d’années. Tout ça, bien entendu, étant camouflé sous l’apparence de programmes de formation ou d’assistance.

L’USIP, quant à lui, est une institution nationale états-unienne. Il est subventionné annuellement par le Congrès dans le budget du département de la Défense. À la différence de la NED, qui sert de couverture aux services des trois États alliés, l’USIP est exclusivement états-unien. Sous couvert de recherche en sciences politique, il peut salarier des personnalités politiques étrangères.

Dès qu’il a disposé de ressources, l’USIP a financé une nouvelle et discrète structure, l’Albert Einstein Institution [4]. Cette petite association de promotion de la non-violence était initialement chargée d’imaginer une forme de défense civile pour les populations d’Europe de l’Ouest en cas d’invasion par le Pacte de Varsovie. Elle a rapidement pris son autonomie et modélisé les conditions dans lesquelles un pouvoir étatique, de quelque nature qu’il soit, peut perdre son autorité et s’effondrer.
Premières tentatives

La première tentative de « révolution colorée » a échoué en 1989. Il s’agissait de renverser Deng Xiaoping en s’appuyant sur un de ses proches collaborateurs, le secrétaire général du Parti communiste chinois Zhao Ziyang, de manière à ouvrir le marché chinois aux investisseurs états-uniens et à faire entrer la Chine dans l’orbite US. Les jeunes partisans de Zhao envahirent la place Tienanmen [5]. Ils furent présentés par les médias occidentaux comme des étudiants a-politiques se battant pour la liberté face à l’aile traditionnelle du Parti, alors qu’il s’agissait d’une dissidence à l’intérieur le courant de Deng entre nationalistes et pro-US. Après avoir longtemps résisté aux provocations, Deng décida de conclure par la force. La répression fit entre 300 et 1000 morts selon les sources.
20 ans plus tard, la version occidentale de ce coup d’État raté n’a pas variée. Les médias occidentaux qui ont couvert récemment cet anniversaire en le présentant comme une « révolte populaire » se sont étonnés de ce que les Pékinois n’ont pas gardé souvenir de l’événement. C’est qu’une lutte de pouvoir au sein du Parti n’avait rien de « populaire ». Ils ne se sentaient pas concernés.

La première « révolution colorée » réussit en 1990. Alors que l’Union soviétique était en cours de dissolution, le secrétaire d’État James Baker se rendit en Bulgarie pour participer à la campagne électorale du parti pro-US, abondamment financé par la NED [6]. Cependant, malgré les pressions du Royaume-Uni, les Bulgares, effrayés par les conséquences sociales du passage de l’URSS à l’économie de marché, commirent l’impardonnable faute d’élire au Parlement une majorité de post-communistes. Alors que les observateurs de la Communauté européenne certifièrent la bonne tenue du scrutin, l’opposition pro-US hurla à la fraude électorale et descendit dans la rue. Elle installa un campement au centre de Sofia et plongea le pays dans le chaos six mois durant, jusqu’à ce que le Parlement élise le pro-US Zhelyu Zhelev comme président.
La « démocratie » : vendre son pays à des intérêts étrangers à l’insu de sa population

Depuis lors, Washington n’a cessé d’organiser des changements de régime, un peu partout dans le monde, par l’agitation de rue plutôt que par des juntes militaires. Il importe ici de cerner les enjeux.
Au-delà du discours lénifiant sur la « promotion de la démocratie », l’action de Washington vise à l’imposition de régimes qui lui ouvrent sans conditions les marchés intérieurs et s’alignent sur sa politique étrangère. Or, si ces objectifs sont connus des dirigeants des « révolutions colorées », ils ne sont jamais discutés et acceptés par les manifestants qu’ils mobilisent. Et, dans le cas où ces coup d’État réussissent, les citoyens ne tardent pas à se révolter contre les nouvelles politiques qu’on leur impose, même s’il est trop tard pour revenir en arrière.
Par ailleurs, comment peut-on considérer comme « démocratiques » des oppositions qui, pour prendre le pouvoir, vendent leur pays à des intérêts étrangers à l’insu de leur population ?

En 2005, l’opposition kirghize conteste le résultat des élections législatives et amène à Bichkek des manifestants du Sud du pays. Ils renversent le président Askar Akaïev. C’est la « révolution des tulipes ». L’Assemblée nationale élit comme président le pro-US Kourmanbek Bakiev. Ne parvenant pas à maîtriser ses supporters qui pillent la capitale, ils déclare avoir chassé le dictateur et feint de vouloir créer un gouvernement d’union nationale. Il fait sortir de prison le général Felix Kulov, ancien maire de Bichkek, et le nomme ministre de l’Intérieur, puis Premier ministre. Lorsque la situation est stabilisée, Bakaiev se débarrasse de Kulov et vend, sans appel d’offre et avec des dessous de table conséquents, les quelques ressources du pays à des sociétés US et installe une base militaire US à Manas. Le niveau de vie de la population n’a jamais été aussi bas. Felix Kulov propose de relever le pays en le fédérant, comme par le passé, à la Russie. Il ne tarde pas à retourner en prison.
Un mal pour un bien ?

On objecte parfois, dans le cas d’États soumis à des régimes répressifs, que si ces « révolutions colorées » n’apportent qu’une démocratie de façade, elles procurent néanmoins un mieux-être aux populations. Or, l’expérience montre que rien n’est moins sûr. Les nouveaux régimes peuvent s’avérer plus répressifs que les anciens.

En 2003, Washington, Londres et Paris [7] organisent la « révolution des roses » en Géorgie [8]. Selon un schéma classique, l’opposition dénonce des fraudes électorales lors des élections législatives et descend dans la rue. Les manifestants contraignent le président Edouard Chevardnadze à fuir et prennent le pouvoir. Son successeur Mikhail Saakachvili ouvre le pays aux intérêts économiques US et rompt avec le voisin russe. L’aide économique promise par Washington pour se substituer à l’aide russe ne vient pas. L’économie, déjà compromise, s’effondre. Pour continuer à satisfaire ses commanditaires, Saakachvili doit imposer une dictature [9]. Il ferme des médias et remplit les prisons, ce qui n’empêche absolument pas la presse occidentale de continuer à le présenter comme « démocrate ». Condamné à la fuite en avant, Saakachvili décide de se refaire une popularité en se lançant dans une aventure militaire. Avec l’aide de l’administration Bush et d’Israël auquel il a loué des bases aériennes, il bombarde la population d’Ossétie du Sud, faisant 1600 morts, dont la plupart ont la double nationalité russe. Moscou riposte. Les conseillers états-uniens et israéliens s’enfuient [10]. La Géorgie est dévastée.
Assez !

Le mécanisme principal des « révolutions colorées » consiste à focaliser le mécontentement populaire sur la cible que l’on veut abattre. Il s’agit d’un phénomène de psychologie des masses qui balaye tout sur son passage et auquel aucun obstacle raisonnable ne peut être opposé. Le bouc-émissaire est accusé de tous les maux qui accablent le pays depuis au moins une génération. Plus il résiste, plus la colère de la foule croît. Lorsqu’il cède ou qu’il esquive, la population retrouve ses esprits, les clivages raisonnables entre ses partisans et ses opposants réapparaissent.

En 2005, dans les heures qui suivent l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafik Hariri, la rumeur se répand au Liban qu’il a été tué par « les Syriens ». L’armée syrienne, qui —en vertu de l’Accord de Taëf— maintient l’ordre depuis la fin de la guerre civile, est conspuée. Le président syrien, Bachar el-Assad, est personnellement mis en cause par les autorités états-uniennes, ce qui tient lieu de preuve pour l’opinion publique. À ceux qui font remarquer que —malgré des moments orageux— Rafik Hariri a toujours été utile à la Syrie et que sa mort prive Damas d’un collaborateur essentiel, on rétorque que le « régime syrien » est si mauvais en soi qu’il ne peut s’empêcher de tuer même ses amis. Les Libanais appellent de leurs vœux un débarquement des GI’s pour chasser les Syriens. Mais, à la surprise générale, Bachar el-Assad, considérant que son armée n’est plus la bienvenue au Liban alors que son déploiement lui coûte cher, retire ses hommes. Des élections législatives sont organisées qui voient le triomphe de la coalition « anti-syrienne ». C’est la « révolution du cèdre ». Lorsque la situation se stabilise, chacun se rend compte et que, si des généraux syriens ont par le passé pillé le pays, le départ de l’armée syrienne ne change rien économiquement. Surtout, le pays est en danger, il n’a plus les moyens de se défendre face à l’expansionnisme du voisin israélien. Le principal leader « anti-syrien », le général Michel Aoun, se ravise et passe dans l’opposition. Furieux, Washington multiplie les projets pour l’assassiner. Michel Aoun s’allie au Hezbollah autour d’une plate-forme patriotique. Il était temps : Israël attaque.

Dans tous les cas, Washington prépare à l’avance le gouvernement « démocratique », ce qui confirme bien qu’il s’agit d’un coup d’État déguisé. La composition de la nouvelle équipe est gardée secrète le plus longtemps possible. C’est pourquoi la désignation du bouc-émissaire se fait sans jamais évoquer d’alternative politique.

En Serbie, les jeunes « révolutionnaires » pro-US ont choisi un logo appartenant à l’imaginaire communiste (le poing levé) pour masquer leur subordination aux États-Unis. Ils ont pris comme slogan « Il est fini ! », fédérant ainsi les mécontents contre la personnalité de Slobodan Milosevic qu’ils ont rendu responsable des bombardements du pays pourtant effectués par l’OTAN. Ce modèle a été dupliqué en nombre, par exemple le groupe Pora ! en Ukraine, ou Zubr en Biélorussie.
Une non-violence de façade

Les communicants du département d’État veillent à l’image non-violente des « révolutions colorées ». Toutes mettent en avant les théories de Gene Sharp, fondateur de l’Albert Einstein Institution. Or, la non-violence est une méthode de combat destinée à convaincre le pouvoir de changer de politique. Pour qu’une minorité s’empare du pouvoir et l’exerce, il lui faut toujours, à un moment ou à une autre, utiliser la violence. Et toutes les « révolutions colorées » l’ont fait.

En 2000, alors que le mandat du président Slobodan Milosevic courait encore pour un an, il convoqua des élections anticipées. Lui-même et son principal opposant, Vojislav Koštunica, se retrouvèrent en ballotage. Sans attendre le second tour de scrutin, l’opposition cria à la fraude et descendit dans la rue. Des milliers de manifestants affluèrent vers la capitale, dont les mineurs de Kolubara. Leurs journées de travail étaient indirectement payées par la NED, sans qu’ils aient conscience d’être rémunérés par les États-Unis. La pression de la manifestation étant insuffisante, les mineurs attaquèrent des bâtiments publics avec des bulldozers qu’ils avaient acheminé avec eux, d’où le nom de « révolution des bulldozers ».

Dans le cas où la tension s’éternise et que des contre-manifestations s’organisent, la seule solution pour Washington est de plonger le pays dans le chaos. Des agents provocateurs sont alors postés dans les deux camps qui tirent sur la foule. Chaque partie peut constater que ceux d’en face ont tiré alors qu’ils s’avançaient pacifiquement. L’affrontement se généralise.

En 2002, la bourgeoisie de Caracas descend dans la rue pour conspuer la politique sociale du président Hugo Chavez [11]. Par d’habiles montages, les télévisions privées donnent l’impression d’une marée humaine. Ils sont 50 000 selon les observateurs, 1 million d’après la presse et le département d’État. Survient alors l’incident du pont Llaguno. Les télévisions montrent clairement des pro-chavistes armes à la main tirant sur la foule. Dans une conférence de presse, le général de la Garde nationale et vice-ministre de la sécurité intérieure confirme que les « milices chavistes » ont tiré sur le peuple faisant 19 morts. Il démissionne et appelle au renversement de la dictature. Le président ne tarde pas à être arrêté par des militaires insurgés. Mais le Peuple par millions descend dans la capitale et rétablit l’ordre constitutionnel.
Une enquête journalistique ultérieure reconstituera en détail la tuerie du pont Llaguno. Elle mettra en évidence un montage fallacieux des images, dont l’ordre chronologique a été falsifié comme l’attestent les cadrans des montres des protagonistes. En réalité, ce sont les chavistes qui étaient agressés et qui, après s’être repliés, tentaient de se dégager en utilisant des armes à feu. Les agents provocateurs étaient des policiers locaux formés par une agence US [12].

En 2006, la NED réorganise l’opposition au président kenyan Mwai Kibaki. Elle finance la création du Parti orange de Raila Odinga. Celui-ci reçoit le soutien du sénateur Barack Obama, accompagné de spécialistes de la déstabilisation (Mark Lippert, actuel chef de cabinet du conseiller de sécurité nationale, et le général Jonathan S. Gration, actuel envoyé spécial du président US pour le Soudan). Participant à un meeting d’Odinga, le sénateur de l’Illinois s’invente un vague lien de parenté avec le candidat pro-US. Cependant Odinga perd les élections législatives de 2007. Soutenu par le sénateur John McCain, en sa qualité de président de l’IRI (le pseudopode républicain de la NED), il conteste la sincérité du scrutin et appelle ses partisans à descendre dans la rue.
C’est alors que des messages SMS anonymes sont diffusés en masse aux électeurs de l’ethnie Luo. « Chers Kenyans, les Kikuyu ont volé l’avenir de nos enfants…nous devons les traiter de la seule manière qu’ils comprennent… la violence ». Le pays, pourtant un des plus stables d’Afrique, s’embrase soudainement. Après des journées d’émeutes, le président Kibaki est contraint d’accepter la médiation de Madeleine Albright, en sa qualité de présidente du NDI (le pseudopode démocrate de la NED). Un poste de Premier ministre est créé qui revient à Odinga. Les SMS de la haine n’ayant pas été envoyés depuis des installations kenyanes, on se demande quelle puissance étrangère a pu les expédier.
La mobilisation de l’opinion publique internationale

Au cours des dernières années, Washington a eu l’occasion de lancer des « révolutions colorées » avec la conviction qu’elles échoueraient à prendre le pouvoir mais qu’elle permettrait de manipuler l’opinion publique et les institutions internationales.

En 2007, de nombreux Birmans s’insurgent contre l’augmentation des prix du fuel domestique. Les manifestations dégénèrent. Les moines bouddhistes prennent la tête de la contestation. C’est la « révolution safran » [13]. En réalité, Washington n’a que faire du régime de Rangoon ; ce qui l’intéresse, c’est d’instrumenter le Peuple birman pour faire pression sur la Chine qui a des intérêts stratégiques en Birmanie (pipelines et base militaire de renseignement électronique). Dès lors, l’important est de mettre en scène la réalité. Des images prises par des téléphones portables apparaissent sur YouTube. Elles sont anonymes, invérifiables et hors contexte. Précisément, leur apparente spontanéité leur donne autorité. La Maison-Blanche peut imposer son interprétation des vidéos.

Plus récemment, en 2008, des manifestations estudiantines paralysent la Grèce à la suite du meurtre d’un jeune homme de 15 ans par un policier. Rapidement des casseurs font leur apparition. Ils ont été recrutés au Kosovo voisin et acheminés par autobus. Les centre-villes sont saccagés. Washington cherche à faire fuir les capitaux vers d’autres cieux et à se réserver le monopole des investissements dans les terminaux gaziers en construction. Une campagne de presse va donc faire passer le poussif gouvernement Karamanlis pour celui des colonels. Facebook et Twittter sont utilisés pour mobiliser la diaspora grecque. Les manifestations s’étendent à Istanbul, Nicosie, Dublin, Londres, Amsterdam, La Haye, Copenhague, Francfort, Paris, Rome, Madrid, Barcelone, etc.

La révolution verte

L’opération conduite en 2009 en Iran s’inscrit dans cette longue liste de pseudos révolutions. En premier lieu, le Congrès vote en 2007 une enveloppe de 400 millions de dollars pour « changer le régime » en Iran. Celle-ci s’ajoute aux budgets ad hoc de la NED, de l’USAID, de la CIA et tutti quanti. On ignore comment cet argent est utilisé, mais trois groupes principaux en sont destinataires : la famille Rafsandjani, la famille Pahlevi, et les Moudjahidines du peuple.

L’administration Bush prend la décision de commanditer une « révolution colorée » en Iran après avoir confirmé la décision de l’état-major de ne pas attaquer militairement ce pays. Ce choix est validé par l’administration Obama. Par défaut, on rouvre donc le dossier de « révolution colorée », préparé en 2002 avec Israël au sein de l’American Enterprise Institute. À l’époque j’avais publié un article sur ce dispositif [14]. Il suffit de s’y reporter pour identifier les protagonistes actuels : il a été peu modifié. Une partie libanaise a été ajoutée prévoyant un soulèvement à Beyrouth en cas de victoire de la coalition patriotique (Hezbollah, Aoun) aux élections législatives, mais elle a été annulée.

Le scénario prévoyait un soutien massif au candidat choisi par l’ayatollah Rafsandjani, la contestation des résultats de l’élection présidentielle, des attentats tous azimuts, le renversement du président Ahmadinejad et du guide suprême l’ayatollah Khamenei, l’installation d’un gouvernement de transition dirigé par Mousavi, puis la restauration de la monarchie et l’installation d’un gouvernement dirigé par Sohrab Shobani.

Comme imaginé en 2002, l’opération a été supervisée par Morris Amitay et Michael Ledeen. Elle a mobilisé en Iran les réseaux de l’Irangate.
Ici un petit rappel historique est nécessaire. L’Irangate est une vente d’armes illicite : la Maison-Blanche souhaitait approvisionner en armes les Contras nicaraguayens (pour lutter contre les sandinistes) d’une part et l’Iran d’autre part (pour faire durer jusqu’à épuisement la guerre Iran-Irak), mais en était interdit par le Congrès. Les Israéliens proposèrent alors de sous-traiter les deux opérations à la fois. Ledeen, qui est double national États-unien/Israélien sert d’agent de liaison à Washington, tandis que Mahmoud Rafsandjani (le frère de l’ayatollah) est son correspondant à Téhéran. Le tout sur fond de corruption généralisée. Lorsque le scandale éclate aux États-Unis, une commission d’enquête indépendante est dirigée par le sénateur Tower et le général Brent Scowcroft (le mentor de Robert Gates).
Michael Ledeen est un vieux briscard des opérations secrètes. On le trouve à Rome lors de l’assassinat d’Aldo Moro, on le retrouve dans l’invention de la piste bulgare lors de l’assassinat de Jean-Paul II, ou plus récemment dans l’invention de l’approvisionnement de Saddam Hussein en uranium nigérian. Il travaille aujourd’hui à l’American Enterprise Institute [15] (aux côtés de Richard Perle et Paul Wolfowitz) et à la Foundation for the Defense of Democracies [16].
Morris Amitay est ancien directeur de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC). Il est aujourd’hui vice-président du Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA) et directeur d’un cabinet conseil pour de grandes firmes d’armement.

Le 27 avril dernier, Morris et Ledeen organisaient un séminaire sur l’Iran à l’American Enterprise Institute à propos des élections iraniennes, autour du sénateur Joseph Lieberman. Le 15 mai dernier, nouveau séminaire. La partie publique consistait en une table ronde animée par l’ambassadeur John Bolton à propos du « grand marchandage » : Moscou accepterait-il de laisser tomber Téhéran en échange du renoncement de Washington au bouclier anti-missile en Europe centrale ? L’expert français Bernard Hourcade participait à ces échanges. Simultanément, l’Institut lançait un site internet destiné à la presse dans la crise à venir : IranTracker.org. Le site inclut une rubrique sur les élections libanaises.

En Iran, il appartenait à l’ayatollah Rafsandjani de renverser son vieux rival, l’ayatollah Khamenei. Issu d’une famille d’agriculteurs, Hachemi Rafsandjani a fait fortune dans la spéculation immobilière sous le Chah. Il est devenu le principal grossiste en pistaches du pays et a arrondi sa fortune durant l’Irangate. Ses avoirs sont évalués à plusieurs milliards de dollars. Devenu l’homme le plus riche d’Iran, il a été successivement président du parlement, président de la République et aujourd’hui président du Conseil de discernement (instance d’arbitrage entre le parlement et le Conseil des gardiens de la constitution). Il représente les intérêts du bazar, c’est-à-dire des commerçants de Téhéran.
Durant la campagne électorale, Rafsandjani avait fait promettre à son ex-adversaire devenu son poulain, Mirhossein Mousavi, de privatiser le secteur pétrolier.

Sans connexion aucune avec Rafsandjani, Washington a fait appel aux Moudjahidines du peuple [17]. Cette organisation protégée par le Pentagone est considérée comme terroriste par le département d’État et l’a été par l’Union européenne. Elle a effectivement mené de terribles opérations dans les années 80, dont un méga-attentat qui coûta la vie à l’ayatollah Behechti ainsi qu’à quatre ministre, six ministres adjoints et le quart du groupe parlementaire du Parti de la république islamique. L’organisation est commandée par Massoud Rajavi, qui épouse en première noces la fille du président Bani Sadr, puis la cruelle Myriam en seconde noces. Son siège est installé en région parisienne et ses bases militaires en Irak, d’abord sous la protection de Saddam Husein, puis aujourd’hui sous celle du département de la Défense. Ce sont les Moudjahidines qui ont assuré la logistique des attentats à la bombe durant la campagne électorale [18]. C’est à eux qu’il revenait de provoquer des accrochages entre militants pro et anti-Ahmadinejad, ce qu’ils ont probablement fait.

Dans le cas où le chaos se serait installé, le Guide suprême aurait pu être renversé. Un gouvernement de transition, dirigé par Mirhussein Mousavi aurait privatisé le secteur pétrolier et rétabli la monarchie. Le fils de l’ancien Shah, Reza Cyrus Pahlavi, serait remonté sur le trône et aurait désigné Sohrab Sobhani comme Premier ministre.
Dans cette perspective, Reza Pahlavi a publié en février un livre d’entretiens avec le journaliste français Michel Taubmann. Celui-ci est directeur du bureau d’information parisien d’Arte et préside le Cercle de l’Observatoire, le club des néo-conservateurs français.
On se souvient que Washington avait prévu identiquement le rétablissement de la monarchie en Afghanistan. Mohammed Zaher Shah devait reprendre son trône à Kaboul et Hamid Karzai devait être son Premier ministre. Malheureusement, à 88 ans, le prétendant était devenu sénile. Karzai devint donc président de la République. Comme Karzai, Sobhani est double national états-unien. Comme lui, il travaille dans le secteur pétrolier de la Caspienne.

Côté propagande, le dispositif initial était confié au cabinet Benador Associates. Mais il a évolué sous l’influence de l’assistante du secrétaire d’État pour l’Éducation et la Culture, Goli Ameri. Cette iranienne-états-unienne est une ancienne collaboratrice de John Bolton. Spécialiste des nouveaux médias, elle a mis en place des programmes d’équipement et de formation à l’internet pour les amis de Rafsandjani. Elle a aussi développé des radios et télévisions en langue farsi pour la propagande du département d’État et en coordination avec la BBC britannique.

La déstabilisation de l’Iran a échoué parce que le principal ressort des « révolutions colorées » n’a pas été correctement activé. MirHussein Mousavi n’est pas parvenu à cristalliser les mécontentements sur la personne de Mahmoud Ahmadinejad. Le Peuple iranien ne s’est pas trompé, il n’a pas rendu le président sortant responsables des conséquences des sanctions économiques états-uniennes sur le pays. Dès lors, la contestation s’est limitée à la bourgeoisie des quartiers nord de Téhéran. Le pouvoir s’est abstenu d’opposer des manifestations les unes contre les autres et a laissé les comploteurs se découvrir.
Cependant, il faut admettre que l’intoxication des médias occidentaux a fonctionné. L’opinion publique étrangère a réellement cru que deux millions d’Iraniens étaient descendus dans la rue, lorsque le chiffre réel est au moins dix fois inférieur. Le maintien en résidence des correspondants de presse a facilité ces exagérations en les dispensant de fournir les preuves de leurs imputations.

Ayant renoncé à la guerre et échoué à renverser le régime, quelle carte reste-t-il dans les mains de Barack Obama ?

Thierry Meyssan est analyste politique, fondateur du Réseau Voltaire. Dernier ouvrage paru : L’Effroyable imposture 2 (le remodelage du Proche-Orient et la guerre israélienne contre le Liban).

[1] Les multiples rapports et documents publiés par ces commissions sont disponibles en ligne sur le site The Assassination Archives and Research Center. Les principaux extraits des rapports ont été traduits en français sous le titre Les Complots de la CIA, manipulations et assassinats, Stock, 1976, 608 pp.
[2] « Les New York Intellectuals et l’invention du néo-conservatisme », par Denis Boneau, Réseau Voltaire, 26 novembre 2004.
[3] « La NED, nébuleuse de l’ingérence démocratique », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 22 janvier 2004.
[4] « L’Albert Einstein Institution : la non-violence version CIA », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 janvier 2005.
[5] « Tienanmen, 20 ans après », par le professeur Domenico Losurdo, Réseau Voltaire, 9 juin 2009.
[6] À l’époque, la NED s’appuie en Europe orientale sur la Free Congress Foundation (FCF), animée par des républicains. Par la suite, cette organisation disparaît et cède la place à la Soros Foundation, animée par des démocrates, avec laquelle la NED fomente de nouveaux « changements de régime ».
[7] Soucieux d’apaiser les relations franco-US après la crise irakienne, le président Jacques Chirac tente de se rapprocher de l’administration bush sur le dos des Géorgiens, d’autant que la France a des intérêts économiques en Géorgie. Salomé Zourabichvili, n°2 des services secrets français, est nommée ambassadrice à Tbilissi, puis change de nationalité et devient ministre des Affaires étrangères de la « révolution des roses ».
[8] « Les dessous du coup d’État en Géorgie », par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 7 janvier 2004.
[9] « Géorgie : Saakachvili jette son opposition en prison » et « Manifestations à Tbilissi contre la dictature des roses », Réseau Voltaire, 12 septembre 2006 et 30 septembre 2007.
[10] L’administration Bush espérait que ce conflit ferait diversion. Les bombardiers israéliens devaient simultanément décoller de Géorgie pour frapper l’Iran voisin. Mais, avant même d’attaquer les installations militaires géorgiennes, la Russie bombarde les aéroports loués à Israël et cloue ses avions au sol.
[11] « Opération manquée au Venezuela », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 mai 2002.
[12] Llaguno Bridge. Keys to a Massacre. Documentaire d’Angel Palacios, Panafilms 2005.
[13] « Birmanie : la sollicitude intéressée des États-Unis », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 5 novembre 2007.
[14] « Les bonnes raisons d’intervenir en Iran », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 12 février 2004.
[15] « L’Institut américain de l’entreprise à la Maison-Blanche », Réseau Voltaire, 21 juin 2004.
[16] « Les trucages de la Foundation for the Defense of Democracies », Réseau Voltaire, 2 février 2005.
[17] « Les Moudjahidin perdus », par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 17 février 2004.
[18] « Le Jundallah revendique des actions armées aux côtés des Moudjahidines du Peuple », Réseau Voltaire, 13 juin 2009.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
teheran: cia alone in the street

The grassroots takeover technique


http://www.voltairenet.org/article160764.html

« Color revolution » fails in Iran

by Thierry Meyssan*

Tehran’s « green revolution » is the latest version of the « color revolutions » which have allowed the United States to impose subservient governments in several countries without needing to use force. Thierry Meyssan, who advised two governments facing this type of crisis, analyses this method and the reasons for its failure in Iran.


27 June 2009


From
Beirut (Lebanon)

« Color revolutions » are to revolutions what Canada Dry is to beer. They look like the real thing, but they lack the flavor. They are regime changes which appear to be revolutions because they mobilize huge segments of the population but are more akin to takeovers, because they do not aim at changing social structures. Instead they aspire to replace an elite with another, in order to carry out pro-American economic and foreign policies. The « green revolution » in Tehran is the latest example of this trend. Origin of the concept This concept appeared in the 90s, but its roots lie in the American public debate of the 70s-80s. After a string of revelations about CIA instigated coups around the world, as well as the dramatic disclosures of the Church and Rockefeller Senate Committees [1], admiral Stansfield Turner was given the task by President Carter to clean up the agency and to stop supporting « local dictatorships ». Furious, the American Social Democrats (SD/USA) left the Democratic party and sided with Ronald Regan. They were brilliant Trotskyist intellectuals [2], often linked to Commentary magazine. After Regan was elected, he charged them with pursuing the American interference policy, this time using different methods. This is how the National Endowment for Democracy (NED) was created in 1982 [3] and the United States Institute for Peace (USIP) in 1984. Both of these institutions are organically intertwined: NED administrators sit on the USIP board of directors and vice versa. Legally the NED is a not-for-profit organization under US law, financed by an annual grant voted by Congress as part of the State Department budget. In order to operate, this organization is co-financed by the US Agency for International Development (USAID), which is part of the State Department. This legal structure is used jointly as a cover by the American CIA, the British MI6 and the Australian ASIS (and occasionally by Canadian and New Zealand secret services). The NED presents itself as an agency promoting democracy. It intervenes either directly or using one of its four tentacles: one designed to subvert unions, the second responsible for corrupting management organizations, the third for left-wing parties and the fourth for right-wing parties. It also intervenes through friendly foundations, such as the Westminster Foundation for Democracy (UK), the International Center for Human Rights and Democratic Development (Canada), the Fondation Jean-Jaurès and the Fondation Robert-Schuman (France), the International Liberal Center (Sweden), the Alfred Mozer Foundation (Netherlands), the Friedrich Ebert Stiftung, the Friedrich Naunmann Stiftung, the Hans Seidal Stiftung and the Heinrich Boell Stiftung (Germany). The NED thus claims to have corrupted over 6000 organizations throughout the world over roughly 30 years. All of this, of course, under the disguise of training and assistance programs. As for the USIP, it is an American national institution. It is financed annually by Congress as part of the Defense Department budget. Contrary to the NED which serves as a cover for the three allied states, the USIP is exclusively American. Under the guise of political science research, it can pay salaries to foreign politicians. As soon as it commanded resources, the USIP financed a new and discrete structure, the Albert Einstein Institution [4]. This small association for the promotion of nonviolent action was initially charged with designing a form of civil defense for the populations of Western Europe in case of an invasion by the Warsaw Pact. It quickly became autonomous and designed a model following which a state, whatever its nature, can lose its authority and collapse. First attempts The first attempted « color revolution » failed in 1989. The goal was to overthrow Deng Xiaoping by using one of his close collaborators, the Chinese Communist Party secretary-general Zhao Ziyang, in order to open Chinese markets to American investors and to bring China into the US orbit. Young supporters of Zhao invaded Tiananmen square [5]. They were presented in the Western media as unpoliticized students fighting for freedom against the party’s Conservative wing, when in fact this was infighting within the Deng entourage between pro-American and nationalist factions. After having ignored provocations for a long time Deng decided to use force. Depending on sources, the repression ended with 300 to 1000 dead. 20 years later, the Western version of this failed coup has not changed. Western media which recently covered the anniversary of that event presented it as a « popular uprising » and expressed surprise that people in Beijing do not remember the event. This is because there was nothing « popular » about this struggle for power within the Party. This was not a concern for people. The first successful « color revolution » succeeded in 1990. As the Soviet Union was disintegrating, state secretary James Baker went to Bulgaria to participate in the electoral campaign of the pro-American party, heavily financed by the NED [6]. However, despite pressure from the UK, the Bulgarians – afraid of the social consequences induced by the transformation from soviet union to market economy – made the unforgivable mistake to elect in Parliament a post communist majority. While European community observers testified to the legality of the voting process, the pro-American opposition screamed that electoral fraud had occurred and took to the streets. They set up camp in the center of Sofia and threw the country into chaos for the following six months, until pro-American Zhelyu Zhelev was elected president by the parliament. « Democracy » : selling your country to foreign interests behind the people’s back Since then, Washington has kept instigating regime changes everywhere in the world, using street unrest rather than military juntas. It is important here to understand what is at stake. Behind the soothing rhetoric of « the promotion of democracy », Washington’s actions aim to impose regimes that are opening their markets to the US without conditions and which are aligning themselves to their foreign policy. However, while these goals are known by the leaders of the « color revolutions », they are never discussed and accepted by the mobilized demonstrators. In the event when these takeovers succeed, citizens soon rebel against the new policies imposed on them, even if it is too late to turn back. Besides, how can opposition groups who sold their country to foreign interests behind their populations’ backs be considered « democratic »? In 2005, the Kyrgyz opposition contested the legislative elections and brought to Bishkek demonstrators from the south of the country. They toppled President Askar Akayev. This was the « Tulip Revolution ». The national assembly elected Kurmanbek Bakiyev as president. Unable to control his supporters who were looting the capital, he announced having chased the dictator and pretended that he intended to create a national union government. He pulled General Felix Kulov (former Bishkek Mayor) out of prison and named him prime minister. After the situation was back under control, Bakiyev got rid of Kulov and sold the country’s few resources to US companies with no invitation to tender but with significant backhanders. He set up a US military base in Manas. The population’s standard of living had never been lower. Felix Kulov offered to get the country back on its feet by federating it to Russia as it used to be. He was quickly sent back to jail. A blessing in disguise? It is sometimes objected that for states which were subjected to repressive regimes, even if these « color revolutions » only bring the appearance of democracy, they nonetheless constitute an improvement for their populations. Experience shows however that this is far from certain. The new regimes can turn out to be far more repressive than the old ones. In 2003, Washington, London and Paris [7] organized the « Rose Revolution » in Georgia [8]. According to a classic scheme, the opposition blew the whistle about electoral fraud during legislative elections and took to the streets. The demonstrators forced president Eduard Shevardnadze to flee and they seized power. His successor, Mikheil Saakashvili, opened the country to US economic interests and broke off from his Russian neighbor. The economic aid that Washington promised to replace Russian aid never came. The already weakened economy collapsed. In order to continue to please his backers, Saakashvili needed to impose a dictatorship [9]. He shut down the media and filled up the prisons, which did not prevent Western media from continuing to describe him as a « democrat ». Continuing on his collision course, Saakashvili decided to bolster his popularity by engaging in a military adventure. With the help of the Bush administration and of Israel to which he rented air bases, he ordered the bombing of the population of South Ossetia, killing 1600 people, most of whom also held Russian citizenship. Moscow stroke back. American and Israeli advisers fled [10]. Georgia was left devastated. Enough! The main mechanism of the « color revolutions » consists in focusing popular anger on the desired target. This is an aspect of the psychology of the masses which destroys everything in its path and against which no reasonable argument can be opposed. The scapegoat is accused of all the evils plaguing the country for at least one generation. The more he resists, the angrier the mob gets. After he gives in or slips away, the normal division between his opponents and his supporters reappears. In 2005, in the hours following the assassination of former prime minister Rafik Hariri, a rumor spread in Lebanon according to which he was killed by « the Syrians ». The Syrian army, which had been maintaining order since the end of the civil war according to the Taëf agreement, was now booed. Syrian president Bashar al-Assad was personally accused by the US authorities, which was as good as proof for the public opinion. To those who noted that Rafik Hariri, despite stormy episodes, had always been useful to Syria and that’s his death deprived Damas of a central collaborator, it was answered that the « Syrian regime » is so fundamentally evil that it cannot help but killing even its friends. The Lebanese people were calling for the G.I.s to come and get rid of the Syrians. But to everyone’s surprise, Bashar al-Assad, considering that the costly deployment of his army was not welcome in Lebanon any longer, decided to pull it back. Legislative elections were organized in which the « anti-Syrian » coalition triumphed. This was the « Cedar Revolution ». After the situation calmed down everyone realized that even if Syrian generals had looted the country in the past, the departure of the Syrian army did not change anything to the country’s economic situation. Furthermore, the country was now in danger: it was not able to defend itself from the expansionism of the Israeli neighbor. The main « anti-Syrian » leader, general Michel Aoun, thought better of it and joined the opposition. Furious, Washington multiplied assassination plans to get rid of him. Michel Aoun formed an alliance with Hezbollah on a patriotic platform. It was about time: Israel attacked. In every case, Washington prepared the « democratic » government in advance, which confirms that these are takeovers in disguise. The names composing the new team are kept secret for as long as possible. This is why the pointing out of the scapegoat is always done without suggesting a political alternative. In Serbia, young pro-US « revolutionaries » chose a logo that belonged to the Communist popular imagination (the raised fist) to hide their subordination to the United States. They used « he is done! » as a slogan, which federated the anger against the personality of Slobodan Milosevic, who was held responsible for the bombing of the country even though it was done by NATO. This model was replicated numerous times, for example by the Pora! group in Ukraine, or by Zubr in Bielorussia. The deceiving appearance of nonviolence The PR staff members of the State Department maintain the non-violent image of the « color revolutions ». They all put forward the theories of Gene Sharp, who founded the Albert Einstein Institution. Yet nonviolence is a combat method used to persuade authorities to a political change. In order for a minority to seize power and to exercise it, it must always use violence at some point. All « color revolutions » did. In 2000, Slobodan Milosevic called for anticipated elections despite still having a year to run as president. After the first round, neither he nor his principal opponent, Vojislav Koštunica, had secured a majority of the votes. Without waiting for the second round, the opposition claimed voting fraud and took to the streets. Thousands of demonstrators walked on the capital, including the miners from Kolubara. Their daily salaries were paid indirectly by the NED, without them realizing that they were paid by the United States. The pressure from the demonstration was insufficient so the miners started attacking buildings with bulldozers that they had brought, hence the name « bulldozer revolution ». In cases when the tension is just dragging on, and when counterdemonstrations are being organized, the only solution for Washington is to throw the country into chaos. Inciting agents are then placed in both camps to fire on the crowd. Each party can then observe that the others are shooting while they are peacefully advancing. The confrontation spreads. In 2002, Caracas’ upper-class took to the streets to protest the social policies of President Hugo Chavez [11]. Using clever manipulation, private TV stations created the impression of a human tidal wave. There were 50,000 people according to observers and 1 million according to the press and the State Department. Then there was the Llaguno Bridge incident. TV stations clearly showed armed pro-Chavez supporters firing on the crowd. In a press conference, the National Guard general and vice minister of domestic security confirmed that the « Chavez militias » fired and killed 19 people. He resigned and called for the dictator to be overthrown. The president was quickly arrested by military rebels. However millions of people descended in the capital’s streets and constitutional order was restored. A subsequent journalistic investigation went over the details of the massacre of the Llaguno Bridge. It brought to light a deceptive picture manipulation, where chronological order was modified as proved by the protagonists’ watch dials. In reality, the pro-Chavez supporters were under attack and after having fallen back, they were trying to escape by using their weapons. The inciting agents were local policemen trained by a US agency [12]. In 2006, the NED reorganized the opposition to Kenyan President Mwai Kibaki. It funded the creation of the Orange party of Raila Odinga. He received the support of Senator Barack Obama, who was accompanied by destabilization experts (Mark Lippert, current chief of staff for the national security adviser, and general Jonathan S. Gration, current US special envoy to Sudan). During a meeting with Odinga, the Illinois Senator invented a vague family relationship with the pro-US candidate. However Odinga was defeated during the 2007 legislative elections. Supported by Senator John McCain as president of the IRI (the NED’s Republican pseudopod), he disputed the validity of the vote and called for his supporters to take to the streets. This is when anonymous text messages were sent en masse to ethnic Luo voters. « Dear Kenyans, the Kikuyu have stolen the future of our children… we must treat them in the only way that they understand… with violence ». The country, despite being one of the most stable in Africa, suddenly erupted in violence. After days of rioting, president Kibaki was forced to accept the mediation of Madeleine Albright as president of the NDI (the NED’s Democrat pseudopod). A prime minister position was created and offered to Odinga. Since the hate text messages had not been sent from the Kenyan installations, one can wonder which foreign power was behind them. Mobilizing the international public opinion During the last few years, Washington had the opportunity to instigate « color revolutions » with the understanding that they would fail to seize power but that they would help manipulate public opinion and international institutions. In 2007, many Burmans were up in arms because of the domestic fuel price increase. Demonstrations spread as Buddhist monks took a leading role in the protest. This was the « Saffron Revolution » [13]. Washington could not care less about the Rangoon regime; however they were interested in orchestrating the people of Burma in order to exercise pressure on China which holds strategic interests in Burma (pipelines and military bases for electronic intelligence gathering). It was therefore crucial to distort people’s perception of reality. Pictures and films shot on mobile phones started to appear on YouTube. They were anonymous, impossible to verify and without context. It was precisely their lack of reliability that gave them authority, and allowed the White House to fit them with their interpretation of the situation. More recently, a 2008 student demonstration brought Greece to a grinding halt following the murder of a 15 year old young man by a policeman. Hoodlums were soon seen rioting. They had been recruited in neighboring Kosovo and brought in by bus. The city centers were devastated. Washington was trying to scare foreign investors away in order to secure a monopoly on the investments in the gas terminals that were being built. The weak Karamanlis government was portrayed as being iron fisted. Facebook and Twitter were used to mobilize the Greek Diaspora. Demonstrations spread to Istanbul, Nicosia, Dublin, London, Amsterdam, The Hague, Copenhagen, Frankfurt, Paris, Rome, Madrid, Barcelona, etc. The Green Revolution The operation conducted in 2009 in Iran belongs to the long list of pseudo revolutions. First, a 400 million dollar budget was voted in 2007 by Congress to orchestrate a « regime change » in Iran. This was in addition to the ad hoc budgets of the NED, the USAID, the CIA & Co. How this money is being used is unclear, but the three main recipients are the following: the Rafsanjani family, the Pahlavi family and the People’s Mujahedin of Iran. The Bush Administration decided to instigate a « color revolution » in Iran after confirming a decision by the Joint Chiefs of Staff not to conduct a military attack of that country. This choice was then approved by the Obama Administration. The plans for a « color revolution » which had been drawn up by the American Enterprise Institute in 2002 with Israel were then reopened. I had published an article at that time regarding this plan [14]. In it, one can identify the current protagonists: that plan has not changed much since then. A Lebanese chapter was added which predicted an uprising in Beirut in case of a victory of the patriotic coalition (Hezbollah, Aoun), but it was later cancelled. The script included huge support for the candidate chosen by Ayatollah Rafsanjani, the disputing of the presidential election results, widespread bombings, the toppling of president Ahmadinejad and of Supreme Leader Ayatollah Khamenei, setting up a transition government headed by Mousavi, restoring the Monarchy and creating a government headed by Sohrab Sobhani. According to the 2002 plans, the operation was overseen by Morris Amitay et Michael Ledeen. It mobilized in Iran the Irangate network. Here is a necessary quick historical background: the Irangate (Iran–Contra affair) was an illegal arms deal. The White House wished to supply weapons to the rebels in Nicaragua (to fight against Sandinistas) and to Iranians (in order to drag the Iran-Iraq war for as long as possible), but was prevented from doing so by Congress. Israelis then offered to act as subcontractors for both operations. Ledeen, who has both US and Israeli citizenships, served as a link in Washington, while Mahmoud Rafsanjani (the brother of the Ayatollah) was his counterpart in Tehran. This took place over a background of widespread corruption. When the scandal broke out in the United States, an independent inquiry committee was headed by Senator Tower and General Brent Scowcroft (Robert Gates’ mentor) to investigate. Michael Ledeen is an old fox involved in many secret operations. He could be found in Rome during the assassination of Aldo Moro. He also appears to have been linked to the fake Bulgarian connection after the assassination attempt on John Paul II, or more recently to the fake claims of Nigerian uranium supply to Saddam Hussein. He currently works for the American Enterprise Institute [15] (with Richard Perle and Paul Wolfowitz) and for the Foundation for the Defense of Democracies [16]. Morris Amitay is a former director of the American Israel Public Affairs Committee (AIPAC). He is today the vice president of the Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA) and the director of a consulting company for the weapon industry. On April 27, Morris et Ledeen held a seminar on Iran with Senator Joseph Lieberman at the American Enterprise Institute, regarding the Iranian elections. On May 15, a new seminar was held. The public part of the event consisted of a round table discussion headed by Senator John Bolton about the « haggling » over Iran: would Moscow agree to end its support of Tehran in exchange for Washington renouncing its missile shield project in Central Europe? French expert Bernard Hourcade took part in the debates. At the same time, the Institute launched a website, intended for the press, about the coming crisis: IranTracker.org. The website includes a section on the Lebanese elections. In Iran, the responsibility for overthrowing old rival Ayatollah Khamenei rested on Ayatollah Rafsanjani. Born in a family of farmers, Hashemi Rafsanjani built his fortune on real estate speculation during the time of the Shah. He became the main pistachio dealer in Iran, and increased his wealth during the Irangate. His assets are estimated to several billion dollars. After he became the wealthiest man in Iran, he became successively president of the parliament, president of the Republic, and now chairman of the Assembly of Experts (an arbitration body for the parliament and the Guardian Council of the Constitution). He defends the interests of Tehran’s merchant class. During the electoral campaign, Rafsanjani required Mir-Hossein Mousavi, his former adversary who became his protégé, to promise he would privatize the oil sector. With no connection to Rafsanjani, the People’s Mujahedin of Iran have been used by Washington [17]. This organization, protected by the Pentagon, is considered a terrorist organization by the State Department and has been considered as such by the European Union. Indeed, it is responsible for dreadful operations in the 80s, including a huge bombing which killed Ayatollah Beheshti, four department heads, six department head assistants and one fourth of the parliamentary group of the Islamic Republic party. The People’s Mujahedin of Iran is headed by Massoud Rajavi, who first married the daughter of former President Abol-hassan Banisadr and then the cruel Maryam. Its headquarters are located outside of Paris and its military bases in Iraq, first under the orders of Saddam Hussein, are now under the Defense Department. The People’s Mujahedin provided the logistics for the bombing attacks which took place during the electoral campaign [18]. They were responsible for instigating clashes – which they probably did – between Pro Ahmadinejad supporters and their opponents. Should chaos have followed, the Supreme Leader could have been overthrown. A transition government, headed by Mir-Hossein Mousavi, would have privatized the oil sector and brought back the Monarchy. The son of the former Shah, Reza Cyrus Pahlavi, would have ascended to the throne and would have nominated Sohrab Sobhani as prime minister. With this in mind, Reza Pahlavi published in February a number of interviews with French journalist Michel Taubmann, the director of Arte’s information office in Paris, and who presides the Cercle de l’Observatoire, the club for French neo conservatives. It is useful to remember that Washington had made similar plans for the restoration of the Monarchy in Afghanistan. Mohammed Zahir Shah was supposed to ascend to the throne again and Hamid Karzai would have become prime minister. Unfortunately, at age 88, the pretender had become senile. Karzai thus became president. Both Sobhani and Karzai hold United States citizenships. Both were involved in the Caspian sea’s oil sector. As far as propaganda was concerned, the initial plan had been given to Benador Associates, a public relations firm. But it evolved with the influence of Goli Ameri, the United States Assistant Secretary of State for Educational and Cultural Affairs. This American Iranian woman is John Bolton’s former colleague. As a new media specialist, she implemented infrastructure and Internet training programs for Rafsanjani’s friends. She also developed radio and television programs in Farsi for the State Department propaganda, in conjunction with the BBC. Iran’s destabilization failed because the main drive behind the « color revolutions » was not appropriately initiated. Mir-Hossein Mousavi did not manage to make Mahmoud Ahmadinejad the focus of popular anger. The Iranian people did not fall into the trap; they did not hold the outgoing president responsible for the United States’ economic sanctions against the country. Therefore the protests were limited to the northern suburbs of Tehran. The authorities refrained from creating counter demonstrations, and let the plotters expose themselves. However, it must be noted that the propaganda was successful with the Western media. International public opinions really believed that two million Iranians took to the streets, when the real figure was ten times lower. The fact that foreign correspondents were under house arrest facilitated these exaggerations because they were exempt from having to provide evidence for their allegations. Having given up war, and having failed at overthrowing the regime, what is Barack Obama’s remaining option? Thierry Meyssan
Journalist and writer, president of the Voltaire Network.

English version by J.C.

[1] The numerous reports and documents published by these committees are available online on the following website: The Assassination Archives and Research Center.
[2] « New York Intellectuals and the invention of neo-conservatism », Denis Boneau, Voltaire Network, November 26 2004.
[3] « The NED, the networks of democratic interferenceVoltaire Network, January 22 2004. », Thierry Meyssan,
[4] « The Albert Einstein Institution: non-violence according to the CIA », Thierry Meyssan, Voltaire Network, January 4 2005.
[5] « Tiananmen, 20 ans après », professor Domenico Losurdo, Réseau Voltaire, June 9 2009.
[6] At the time, the NED was relying in Eastern Europe on the Free Congress Foundation (FCF), operated by Republicans. Later on, this organization disappeared and was replaced by the Soros Foundation, operated by Democrats, with the assistance of which the NED would plot new « regime changes ».
[7] Concerned with smoothing out relations between France and the US, French president Jacques Chirac tried to establish better relations with the Bush Administration on Georgia’s back, all the more because of French economic interests in Georgia. Salomé Zourabichvili, number 2 in the French secret services, was nominated as ambassador in Tbilisi. She then switched nationalities and became the Foreign Secretary for the « Rose Revolution ».
[8] «The Secrets of the Georgian Coup», Paul Labarique, Voltaire Network, January 7 2004.
[9] « Géorgie : Saakachvili jette son opposition en prison » (Georgia: Saakachvili jails the opposition) et « Manifestations à Tbilissi contre la dictature des roses » (Protests in Tbilisi against the dictatorship of the roses), Réseau Voltaire, September 12 2006 and September 30 2007.
[10] The Bush Administration was hoping that this conflict would act as a smoke screen. Israeli bombers were supposed to take off simultaneously to strike neighboring Iran. But even before attacking Georgian military installations, Russia bombed the airports that had been rented out to Israel, pinning its planes to the ground.
[11] « Opération manquée au Venezuela » (Failed operation in Venezuela), Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, May 18 2002.
[12] Llaguno Bridge. Keys to a Massacre. Documentary by Angel Palacios, Panafilms 2005.
[13] « Birmanie : la sollicitude intéressée des États-Unis » (Burma: United States’ selfish concern), Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, November 5 2007.
[14] « False reasons to intervene in Iran », Thierry Meyssan, Voltaire Network, February 12 2004. [15] « The American Enterprise Institute in the White House », Voltaire Network, June 21 2004.
[16] « Les trucages de la Foundation for the Defense of Democracies » (The Foundation for the Defense of Democracies’ tricks), Réseau Voltaire, February 2 2005.
[17] « Les Moudjahidin perdus » (The lost Mujahedin), Paul Labarique, Réseau Voltaire, February 17 2004.
[18] « Le Jundallah revendique des actions armées aux côtés des Moudjahidines du Peuple » (The Jundallah claims responsibility for actions with the People’s Mujahedin), Réseau Voltaire, June 13 2009.

No comments:

Post a Comment