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Obama II : la purge et le pacte
Thierry Meyssan
Réseau Voltaire
Damas, 27 novembre 2012
Disposant d’une légitimité renforcée par sa
réélection, le président Barack Obama se prépare à lancer une nouvelle
politique étrangère : tirant les conclusions de l’affaiblissement
économique relatif des États-Unis, il renonce à gouverner seul le monde.
Ses forces poursuivent leur départ d’Europe et leur désengagement
partiel du Moyen-Orient pour se positionner autour de la Chine. Dans
cette perspective, il veut à la fois distendre l’alliance russo-chinoise
en formation et partager le fardeau du Moyen-Orient avec la Russie. Il
est par conséquent prêt à appliquer l’accord sur la Syrie, conclu le 30
juin à Genève (déploiement d’une Force de paix de l’ONU principalement
composée de troupes de l’OTSC, maintien au pouvoir de Bachar el-Assad
s’il est plébiscité par son peuple).
Cette nouvelle politique étrangère se heurte à de fortes résistances à
Washington. En juillet, des fuites organisées dans la presse avaient
fait capoter l’accord de Genève et avaient contraint Kofi Annan à la
démission. Le sabotage semble avoir été ourdi par un groupe d’officiers
supérieurs qui n’admettent pas la fin de leur rêve d’empire global.
À aucun moment cette problématique n’a été évoquée lors de la
campagne électorale présidentielle, les deux principaux candidats
s’accordant sur le même virage politique et ne s’opposant que sur la
manière de le présenter.
Aussi Barack Obama a t-il attendu le soir de sa victoire pour donner
le signal d’une purge discrètement préparée depuis des mois. La
démission du général David Petraeus de ses fonctions de directeur
général de la CIA a été largement médiatisée, mais elle n’était que le
hors d’œuvre. Les têtes de bien d’autres officiers supérieurs vont
rouler dans la poussière.
La purge touche d’abord le Commandeur suprême de l’OTAN et commandant
de l’EuCom (amiral James G. Stravidis), qui termine son tour, et son
successeur prévu (le général John R. Allen). Elle se poursuit avec
l’ex-commandant de l’AfriCom (général William E. Ward) et son successeur
depuis un an (général Carter Ham). Elle devrait emporter également le
patron du Bouclier antimissile (général Patrick J. O’Reilly) et d’autres
encore de moindre importance.
Chaque fois, les officiers supérieurs sont soit accusés d’affaires de
mœurs, soit de détournements de fonds. La presse US s’est rassasiée de
détails sordides sur le triangle amoureux impliquant Petraeus, Allen et
la biographe du premier, Paula Broadwell, en passant sous silence que
celle-ci est lieutenant colonel du Renseignement militaire. Selon toute
vraisemblance, elle a été infiltrée dans l’entourage des deux généraux
pour les faire tomber.
La purge à Washington a été précédée, en juillet, de l’élimination de
responsables étrangers qui s’opposaient à la nouvelle politique et
étaient impliqués dans la Bataille de Damas. Tout s’est passé comme si
Obama avait laissé faire le ménage. On pense par exemple à la mort
prématurée du général Omar Suleiman (Égypte) venu effectuer des examens
dans un hôpital états-unien, ou à l’attentat contre le prince Bandar ben
Sultan (Arabie saoudite), sept jours plus tard.
Il reste à Barack Obama à composer son nouveau cabinet en trouvant
des hommes et des femmes capables de faire accepter sa nouvelle
politique. Il compte surtout sur l’ancien candidat démocrate à
l’élection présidentielle et actuel président de la Commission des
affaires étrangères du Sénat, John Kerry. D’ores et déjà Moscou a fait
savoir que sa nomination serait bienvenue. Surtout, Kerry est connu pour
être « un admirateur de Bachar el-Assad » (The Washington Post) qu’il a souvent rencontré dans les années précédentes [1].
Reste à savoir si les démocrates peuvent accepter de perdre un siège
au Sénat, et si Kerry prendra le secrétariat d’État ou celui de la
Défense.
Dans le cas, où il prendrait le département d’État, la Défense
échoirait à Michèle Flournoy ou à Ashton Carter qui poursuivraient les
restrictions budgétaires en cours. Dans le cas ou Kerry prendrait la Défense, le département d’État
reviendrait à Susan Rice, ce qui ne manquerait pas de poser quelques
problèmes : elle s’était montrée fort discourtoise lors des derniers
veto russe et chinois, et ne paraît pas avoir le sang froid pour ce
poste. Au demeurant, les Républicains tentent de lui faire barrage.
John Brennan, connu pour ses méthodes particulièrement sales et
brutales, pourrait devenir le prochain directeur de la CIA. Il serait
chargé de tourner la page des années Bush en liquidant les jihadistes
qui travaillèrent pour l’Agence et en démantelant l’Arabie saoudite qui
n’est plus d’aucune utilité. À défaut, la mission serait confiée à
Michael Vickers, voire à Michael Morell, l’homme de l’ombre qui se
tenait aux côtés de George W. Bush un certain 11-Septembre et lui dicta
son comportement.
Le sioniste et néanmoins réaliste Antony Blinken pourrait devenir
conseiller national de sécurité. Il pourrait réveiller le plan qu’il
avait élaboré, en 99 à Shepherdstown, pour Bill Clinton : faire la paix
au Proche-Orient en s’appuyant sur… les Assad.
Avant même la nomination du nouveau cabinet, le virage politique
s’est déjà concrétisé avec la reprise des négociations secrètes avec
Téhéran. En effet, la nouvelle donne exige d’abandonner la politique
d’isolement de l’Iran et de reconnaître enfin la République islamique
comme une puissance régionale. Première conséquence : les travaux de
construction du gazoduc qui reliera South Pars, le plus grand champ
gazier du monde, à Damas, puis à la Méditerranée et à l’Europe ont
repris ; un investissement de 10 milliards de dollars qui ne pourra être
rentabilisé qu’avec une paix durable dans la région.
La nouvelle politique étrangère d’Obama II va bouleverser le
Moyen-Orient en 2013 dans le sens inverse de celui annoncé par les
médias occidentaux et du Golfe.
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