http://www.voltairenet.org/article176613.html
italiano
Pourquoi une nouvelle guerre contre Gaza?
À nouveau Israël attaque Gaza et les médias internationaux relaient des images de désolation. Cependant la sidération que provoque l’horreur quotidienne de cette nouvelle guerre ne doit pas nous empêcher de l’analyser et d’en comprendre les objectifs. Thierry Meyssan répond à cette question.
Thierry Meyssan
Damas, 17 novembre 2012
Le 14 novembre 2012, les Forces armées israéliennes ont lancé l’opération « Colonne de Nuées »
contre les installations administratives et militaires du Hamas dans la
Bande de Gaza. Dès le premier jour, elles ont assassiné Ahmed Jaabari,
numéro 2 de la branche armée de l’organisation palestinienne. Elles
auraient également détruit des rampes de lancement souterraines de
missiles sol-sol Fajr 5.
« Colonnes de Nuées » a rapidement pris une grande ampleur,
l’aviation israélienne multipliant les bombardements. L’état-major
israélien a procédé au rappel de 30 000 réservistes, rapidement étendu à
75 000 hommes au risque de désorganiser l’économie. De la sorte, Israël
se met en capacité d’envahir la Bande de Gaza avec des troupes au sol. Cette situation appelle plusieurs explications.
Pourquoi maintenant ?
Tel-Aviv prend l’initiative alors que le pouvoir à Washington est
partiellement vacant. On attend la nomination de nouveaux secrétaires
d’État et à la Défense. Possiblement, il s’agirait de l’ambassadrice
Susan Rice et du sénateur John Kerry. Cependant, une âpre lutte, par
presse interposée, tente de disqualifier Mme Rice. Quoi qu’il en soit,
les secrétaires d’État et à la Défense sortants sont affaiblis et leurs
successeurs ne sont pas encore nommés.
Identiquement Tel-Aviv avait pris une initiative similaire, l’opération « Plomb durci », lors de la période de transition entre les présidents Bush Jr. et Obama.
Certains commentateurs évoquent aussi la proximité des élections
législatives israéliennes et laissent entendre que Benjamin Netanyahu et
Avigdor Lieberman cherchent à parfaire leur image de faucons
intransigeants.
C’est peu probable. En effet, ils lancent cette attaque sans en
connaître à l’avance le résultat. Or, en 2008-2009, l’échec de « Plomb durci » fut fatal au gouvernement d’Ehud Olmert.
Dans quel but ?
Traditionnellement les Forces armées israéliennes adaptent leurs objectifs de guerre aux occasions qui se présentent.
Au minimum, il s’agit d’affaiblir la Résistance palestinienne en
détruisant infrastructures et administrations dans la Bande de Gaza,
comme cela est fait à intervalles plus ou moins réguliers. Cependant,
l’affaiblissement du Hamas sera automatiquement profitable au Fatah en
Cisjordanie ; et ce dernier ne manquera pas de pousser un peu plus loin
sa revendication de reconnaissance d’un État palestinien par les Nations
Unies.
Au maximum, « Colonne de Nuées » peut ouvrir la voie à un
vieux plan sioniste : la proclamation de la Jordanie comme État
palestinien, le transfert de la population de Gaza (voire aussi de
Cisjordanie) en Jordanie, et l’annexion des territoires vidés. Dans ce
cas, l’opération militaire ne doit pas viser indistinctement tous les
responsables du Hamas, mais uniquement ceux qui sont opposés à l’ancien
chef politique de l’organisation, Khaled Mechaal. Ce dernier étant
appelé à devenir le premier président d’un État palestinien de Jordanie.
Les troubles en Jordanie sont-ils liés ?
La guerre de Syrie a étouffé l’économie jordanienne. Le Royaume s’est
rapidement endetté. Le gouvernement a annoncé le 13 novembre
(c’est-à-dire la veille du déclenchement de « Colonne de Nuées »)
une hausse des prix de l’énergie allant jusqu’à 11 % pour les
transports publics et 53 % pour le gaz domestique. Cette nouvelle a
alimenté un mouvement de contestation qui existe à l’état rampant depuis
le début de l’année. Immédiatement, environ la moitié des 120 000
professeurs des écoles publiques ont fait grève.
Vendredi 16, plus de 10 000 personnes ont manifesté au cœur d’Amman aux cris de : « La liberté vient de Dieu ! », « Abdallah ton temps est révolu ! », « Le peuple veut la chute du régime ! ». Le cortège est parti de la mosquée Husseini et était encadré par les Frères musulmans.
Les Frères musulmans, qui ont conclu un accord avec le département
d’État US et avec le Conseil de coopération du Golfe, sont déjà au
pouvoir au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Égypte, et à Gaza. En outre,
ils contrôlent la toute nouvelle Coalition nationale syrienne. Ils
ambitionnent de gouverner la Jordanie avec ou sans le roi Abdallah II.
Le plus célèbre des Frères musulmans jordanien est Khaled Mechaal,
ancien chef de la branche politique du Hamas. Mechaal a vécu en exil de
2001 à 2012 à Damas, sous la protection de l’État syrien. En février
2012, il a soudain accusé le gouvernement de Bachar el-Assad de réprimer
son propre peuple et a choisi de déménager au Qatar où l’émir Hamad
al-Thani s’est montré particulièrement généreux avec lui.
Les troubles en Syrie sont-ils liés ?
En juin dernier, un accord de paix a été conclu à Genève par les
grandes puissances. Toutefois, il a été immédiatement saboté par une
faction US qui a organisé des fuites dans la presse à propos de
l’implication occidentale dans les événements, forçant ainsi le
médiateur Kofi Annan à démissionner. Cette même faction a alors par deux
fois tenté d’en finir militairement en organisant deux attaques
massives de Damas, le 18 juillet et le 26 septembre. Au vu de ces
échecs, l’administration Obama est revenue à l’accord initial et s’est
engagée à le mettre en œuvre après l’élection présidentielle et le
changement de cabinet.
L’accord prévoit le déploiement d’une Force de paix des Nations
Unies, principalement composée de contingents de l’Organisation du
Traité de sécurité collective (OTSC). Cette force aurait pour mission de
séparer les belligérants et d’arrêter les jihadistes étrangers
introduits en Syrie. En laissant la Russie se réinstaller au
Proche-Orient, Washington espère se soulager du fardeau de la sécurité
d’Israël. La Russie veillerait à ce que l’État sioniste ne soit plus
attaqué et à ce qu’il n’attaque plus personne. Le retrait militaire US
du Proche-Orient pourrait donc se poursuivre et Washington retrouverait
une marge de manœuvre qu’il a perdue du fait de son tête-à-tête
permanent avec Tel-Aviv.
Dans cette perspective, les partisans de l’expansionnisme israélien
doivent agir à Gaza, et éventuellement en Jordanie, avant le déploiement
russe.
Quels sont les premières conclusions de la guerre en cours ?
La guerre a mis à l’épreuve la défense anti-aérienne israélienne.
L’État sioniste a investi plusieurs centaines de millions de dollars
dans la création du « Dôme d’acier », un système capable d’intercepter toutes les roquettes et missiles tirés depuis Gaza ou le Sud du Liban.
Ce dispositif est apparu inopérant lorsque le Hezbollah a envoyé un
drone survoler la centrale de Dimona ou lorsqu’il a testé des missiles
sol-sol Fajr-5.
Durant les trois premiers jours de « Colonne de Nuées », le Hamas et le Jihad islamique ont riposté aux bombardements israéliens par des salves de roquettes et missiles. Le « Dôme d’acier »
serait parvenu à intercepter 210 tirs sur un peu plus de 800. Cependant
cette statistique ne signifie pas grand chose : le dispositif ne semble
capable d’intercepter que des roquettes assez primitives, comme les
Qassam, et être inadapté à tout armement un tant soit peu sophistiqué.
No comments:
Post a Comment