Sarkozy veut dépecer la RDC
20 janvier 2009, Kinshasa
Le président français a jeté un pavé dans la mare en proposant une restructuration de la région des Grands Lacs en faveur du Rwanda et au détriment de la république démocratique du Congo. Celle-ci n'apprécie guère.
Lors de son message de vœux au corps diplomatique, le président français a fait un tour d'horizon général des grandes questions internationales. Abordant le chapitre de l'Afrique, et plus particulièrement de la région des Grands Lacs, Nicolas Sarkozy a tenu exactement ces propos : "Quant à la région des Grands Lacs, la violence s'est une nouvelle fois déchaînée. L'option militaire n'apportera aucune solution aux problèmes de fond qui se posent de façon récurrente depuis dix ans. Cela met en cause la place, la question de l'avenir du Rwanda, avec lequel la France a repris son dialogue, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite. Cela pose la question de la république démocratique du Congo, pays à la superficie immense et à l'organisation étrange des richesses frontalières. Il faudra bien qu'à un moment ou un autre il y ait un dialogue qui ne soit pas simplement un dialogue conjoncturel mais un dialogue structurel :
comment, dans cette région du monde, on partage l'espace, on partage les richesses et on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d'adresse et qu'il faut apprendre à vivre les uns à côté des autres ?"
Le journal Le Monde, dans son édition du 18 janvier 2009, reprend ce discours en allant en profondeur pour confirmer l'existence du plan Sarkozy comme initiative de paix qu'il compte discuter avec les autorités de Kinshasa lorsqu'il s'y rendra, au mois de mars. Il propose "l'exploitation en commun par la RDC et le Rwanda des richesses du Nord-Kivu". Sarkozy va plus loin en proposant le "partage" de l'espace et des "richesses naturelles". Quel espace doit-on partager ? Le Kivu ? Pourquoi ? Pourquoi seulement les richesses du Kivu ? Qu'est-ce que le Rwanda donne en échange pour partager avec la RDC ?
Si les choses traînent, c'est parce que le Rwanda brandit toujours la question sécuritaire. Or le président français ne devrait pas oublier que la république démocratique du Congo compte près de 450 ethnies qui ne se sont jamais fait la guerre. Mais depuis des décennies, le Rwanda, qui ne compte que DEUX ethnies, est toujours en guerre et a connu le génocide de 1994 – où la France est intervenue avec l'opération Turquoise –, qui a exporté la rivalité interethnique au Congo.
Ce plan Sarkozy viserait-il à dédouaner la France de son dialogue avec le Rwanda ? C'est une affaire franco-rwandaise qui ne concerne nullement la RDC. Elle ne peut servir de voie de sortie. Pire, le président français qualifie d'"organisation étrange" les institutions et les dirigeants de la RDC. Ces propos sont pour le moins étonnants quand on sait que des "conseillers occidentaux" sont à la base de cette organisation étrange. A quoi servent alors tous ces appuis et encouragements des ambassadeurs français accrédités en RDC ? De la poudre aux yeux ?
Encore un "faux pas de Sarkozy" après celui de Dakar [le discours de Dakar, en juillet 2007, avait suscité un tollé en Afrique – il parlait notamment de "l'homme africain [qui n'était pas] entré dans l'Histoire"] ? Que ce plan soit publié quatre jours avant l'entrée en fonction de Barack Obama, cela suscite des interrogations et n'est pas gratuit. La RDC considère la France comme un "Etat partenaire naturel". Depuis de Gaulle jusqu'à Chirac, en passant par Giscard d'Estaing et Mitterrand, la France a toujours été aux côtés des opprimés, et particulièrement avec la RDC, en se distinguant par une coopération dynamique et multisectorielle. Si la France de Sarkozy veut "changer" le monde, il ne lui appartient pas de transformer le Kivu en Proche-Orient.
Le Potentiel
http://www.lepotentiel.com/
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Mardi 20 Janvier 2009
Kigali-Kinshasa: Ennemi commun
Par Gaël VAILLANT
leJDD.fr
Les armées congolaise et rwandaise interviennent conjointement depuis mardi dans l'Est de la République démocratique du Congo. Les autorités veulent mettre un terme à la rébellion hutue, alors que les tutsis de Laurent Nkunda ont annoncé "la fin de la guerre". Kigali et Kinshasa font un pied de nez à Nicolas Sarkozy, qui a émis plusieurs idées sur le conflit du Nord-Kivu vendredi dernier.
Selon des sources militaires, l'armée rwandaise est entrée mardi matin dans la région de Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Elle aurait pour objectif de pourchasser les rebelles hutus, rassemblés au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Cette intervention de l'infanterie rwandaise, et ses 1500 à 2000 hommes, se fait en collaboration avec Kinshasa, selon un accord défini le 5 décembre dernier. "La Monuc prend note de ce dernier développement et surveille très attentivement la situation", a déclaré un porte-parole de la force de l'ONU, déployée en RDC mais qui ne participe pas à l'opération.
Combattre les groupuscules hutus, c'est favoriser indirectement les autres rebelles, tutsis, rassemblés dans le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda. Une organisation combattue pendant trois mois par l'Etat congolais. Mais le CNDP a annoncé vendredi soir dernière la fin des hostilités avec les forces gouvernementales, envisageant même la signature d'un traité. Alors que les rebelles hutus sont de plus en plus isolés, le conflit dans l'est congolais semble en voie de résolution.
Un interventionnisme déprécié?
Vendredi dernier, Nicolas Sarkozy a dévoilé, lors de ses voeux au corps diplomatique, ses idées sur le conflit dans l'Est congolais. Pour ramener la paix dans cette région, le chef d'Etat est resté très évasif. Il a prôné "un dialogue non seulement conjoncturel mais aussi structurel", qui inclurait la question du "partage de l'espace et des richesses". Il a décrit le Rwanda comme un "pays à la démographie dynamique et à la superficie petite", et la RDC comme "un pays à la superficie immense" avec une "organisation étrange des richesses frontalières".
Résultat, les trois propositions françaises -l'exploitation commune des ressources minières frontalières, une réforme foncière et une réflexion approfondie sur le problème des minorités- n'ont pas été prises en compte par les autorités congolaises ou rwandaises. Plusieurs députés des deux pays se sont même indignés contre l'interventionnisme français. Mboso N'Kodia Pwanga, élu dans la province de Bandundu, s'est ainsi ému dans le quotidien congolais Le Phare: "A quel titre nous allons cogérer nos richesses nationales, inaliénables donc, avec un pays voisin?" Face à cette levée de boucliers, Pierre Jacquemot, ambassadeur de France en RDC, a dû démentir dans le quotidien L'Avenir "l'existence d'un plan français": "Nicolas Sarkozy a seulement lancé des idées pour sortir de cette crise", a-t-il justifié, après une réunion d'urgence avec le ministre de la communication congolais. Mais, au vu des derniers événements, les
autorités ne semblent pas avoir besoin de Nicolas Sarkozy, en voyage officiel en RDC début mars prochain, pour régler le conflit.
Vieux démons
Toutefois, il est peu probable que les propositions de l'Elysée aient provoqué la décision du CNDP, dont l'un des dirigeants, Bosco Ntangada, a annoncé vendredi soir "la fin de la guerre" contre les forces régulières de RDC. Laurent Nkunda, à la tête du mouvement, a dû confirmer l'information lundi matin: "Puisque nous allons désormais tous [avec l'armée congolaise] tirer dans la même direction, la guerre est terminée", a-t-il déclaré sur RFI. C'est plutôt l'union des forces rwandaises et congolaises, actées le 5 décembre dernier, qui a convaincu les rebelles tutsis d'arrêter les combats. Le CNDP, fragilisé par des luttes internes entre Bosco "Terminator" Ntangada et Laurent Nkunda, préfère la négociation, plutôt qu'être pris entre deux feux.
Le CNDP se mettant à disposition de la RDC, les armées officielles vont concentrer leurs efforts sur les rebelles hutus du FDLR. La présence de ces derniers est la principale source de tension entre la RDC et le Rwanda. Ils sont, pour la plupart, des anciens membres des milices considérées comme les responsables du génocide de 1994. Pris en étau, les rebelles hutus ne devraient pas tenir longtemps face au nombre écrasant de combattants issus du CNDP ou des troupes régulières de RDC et du Rwanda. Ce règlement de crise mettrait fin aux négociations de paix de Nairobi, qui resteront ainsi en échec. Les tutsis emmenés par Laurent Nkunda devraient même sortir grand gagnants du conflit: en échange de la paix, ils devraient obtenir, selon Radio Okapi, une amnistie totale couvrant tous les "faits de guerre" depuis 1994, massacres compris...
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The Cohen plan:
December 16, 2008
Op-Ed Contributor
Can Africa Trade Its Way to Peace?
By HERMAN J. COHEN
Washington
THE conflict in eastern Congo over the past 12 years has been as much a surrogate war between Congo and neighboring Rwanda as an internal ethnic insurgency, as a United Nations report underscored last week. The only way to end a war that has caused five million deaths and forced millions to flee their homes in Congo’s two eastern provinces is to address the conflict’s international dimensions. The role of Rwanda — which borders the provinces and which denied the accusations in the United Nations report over the weekend — is of prime importance.
The international community has worked hard to resolve the conflicts among the various parties: the sovereign states of Rwanda and Congo as well as the assorted militias and private armies that are sponsored by these two governments and by opportunistic local warlords. But despite the deployment of 17,000 United Nations peacekeepers, and many efforts at mediation with constructive American support, the situation appears intractable.
The failure of international diplomacy is related to the economic roots of the problem, which began with the 1994 genocide in Rwanda. Until the economic conundrum is addressed, there is little prospect for a solution.
The genocidal war between the majority Hutu and the minority Tutsi in Rwanda spilled into Congo, and the eastern part of that vast country has been unstable ever since. When Tutsi rebel forces took power in Rwanda in June 1994, more than a million Hutu fled to Congo, where they settled into refugee camps on the Rwandan border.
After two years of cross-border raids from the refugee camps by exiled Hutu soldiers who had participated in the genocide, the Rwandan Army attacked and destroyed the camps, with the quiet but unambiguous approval of the United States in the absence of another solution to the violence. Most of the Hutu refugees returned to Rwanda, but about 100,000 of them, along with the exiled Hutu soldiers, moved westward as a disciplined group into Congo’s interior.
The Rwandan Army pursued the escaping Hutu and caught up with them near the city of Kisangani at the headwaters of the Congo River. The refugees were massacred, but the former Hutu soldiers escaped to neighboring countries.
The move against the refugee camps was the first step in a well-planned action by Rwanda in 1996 and 1997 to overwhelm the weak Congolese Army and, with the help of the Congolese opposition, overthrow the 30-year dictatorship of Mobutu Sese Seko. With logistical support from Uganda and Angola, the military action succeeded in less than three months. A new government in Congo was installed under President Laurent Kabila, an exile handpicked by the Rwandans.
And from 1996 to today, the Tutsi-led Rwandan government has been in effective control of Congo’s eastern provinces of North and South Kivu. This control has been maintained through intermittent military occupation and the presence of Congolese militias financed and trained by the Rwandan Army.
During these 12 years of Rwandan control, the mineral-rich provinces have been economically integrated into Rwanda. During this time, Congo’s governments have been preoccupied with internal and external wars elsewhere, and have been unable to combat foreign control of the eastern provinces, a thousand miles from the capital, Kinshasa.
But two years ago, Congo held multiparty elections that were judged to be transparent and credible by international observers. For the first time in a decade, there was hope for stability. President Joseph Kabila (the son of Laurent Kabila, who was assassinated in 2001) turned his attention to trying to gain control of the eastern provinces.
Unfortunately, this has led to increased conflict and suffering. The main source of the current violence is an insurgent force of ethnic Congolese Tutsi commanded by Laurent Nkunda, a former general in the Congolese Army. He claims to be fighting to defend the Tutsi community from discrimination and from the former Rwandan Hutu fighters who have returned from neighboring countries and now operate in the forested hills of eastern Congo.
General Nkunda’s military operations, however, are aimed mainly against the Congolese Army’s efforts to restore Congo’s sovereignty over its eastern provinces. His force is well armed and financed by the Rwandan government. The armed Hutu presence in the provinces provides the Rwandan government with a pretext to justify its interference there.
Having controlled the Kivu provinces for 12 years, Rwanda will not relinquish access to resources that constitute a significant percentage of its gross national product. At the same time, Congo’s government is within its rights to take control of the resources there for the benefit of the Congolese people. This economic conflict must be taken into account.
This provides an opportunity for the incoming Obama administration. Acts of war and military occupation aside, there is a natural economic synergy between eastern Congo and the nations of East Africa, including Rwanda, Burundi, Tanzania and Uganda. The normal flow of trade from eastern Congo is to Indian Ocean ports rather than the Atlantic Ocean, which is more than a thousand miles away.
After his inauguration, Barack Obama should appoint a special negotiator who would propose a framework for an economic common market encompassing Congo, Rwanda, Burundi, Kenya, Tanzania and Uganda. This agreement would allow the free movement of people and trade. It would give Rwandan businesses continued access to Congolese minerals and forests. The products made from those raw materials would continue to be exported through Rwanda. The big change would be the payment of royalties and taxes to the Congolese government. For most Rwandan businesses, those payments would be offset by increased revenues.
In addition, the free movement of people would empty the refugee camps and would allow the densely populated countries of Rwanda and Burundi to supply needed labor to Congo and Tanzania.
If such a common market could be negotiated, Rwanda and Congo would no longer need to finance and arm militias to wage war over the natural resources in Congo’s eastern provinces. Without government backing, the fighting groups would either dissolve on their own or be integrated into legitimate armed forces.
If undertaken with enough will and persistence, an American-led mediation to create a common market in East Africa could end the war and transform the region.
Herman J. Cohen was the assistant secretary of state for Africa from 1989 to 1993.
Copyright 2008 The New York Times Company
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