http://www.voltairenet.org/article169786.html
source: reseau Voltaire
Thierry Meyssan répond au « Monde »
17 mai 2011
Beyrouth
Dans son édition datée du 7 mai 2011, Le Monde réagit par une chronique à mes « Réflexions sur l’annonce officielle de la mort de Ben Laden », paru sur le site internet du Réseau Voltaire.
La journaliste brocarde mon œuvre en général et la qualifie de manière désobligeante. C’est sa libre opinion. Mais lorsqu’il lui faut étayer son humeur par des faits, elle multiplie les erreurs factuelles. J’en retiendrai quatre :
La chroniqueuse affirme que mon « nouveau job [est] conseiller en communication du Hezbollah à Beyrouth ». Ce n’est pas une information, c’est son imagination.
Elle rappelle que, en 1999, j’avais mis en lumière des liens étroits entre le service d’ordre du Front National (DPS) et la présidence de la République. Pour tourner en dérision cette enquête, elle assure que je m’étais appuyé pour toute preuve sur le fait que son directeur travaillait dans le même lieu que la maîtresse du président. Le fond du sujet était ailleurs : nombre de cadres du DPS servaient aussi de mercenaires en Afrique et en Tchétchénie lors d’opérations commanditées par les services secrets français. Mon travail fut considéré comme suffisamment sérieux à l’époque pour susciter une Commission d’enquête parlementaire et pour que le FN décide lui-même de faire le tri parmi ses collaborateurs.
La chroniqueuse résume mon livre L’Effroyable imposture —qu’elle a par ailleurs abondamment commenté depuis neuf ans, mais dont elle semble toujours ignorer le contenu— en assurant faussement que j’ai attribué les attentats du 11-Septembre à la CIA. En réalité, j’y attribue ces attentats à une faction du complexe militaro-industriel. Cette brève réponse n’est pas le lieu pour résumer mes arguments, mais ils sont suffisamment pertinents pour avoir convaincu des centaines de millions de gens de par le monde. Au point que, le 23 septembre dernier, le président iranien demande à l’Assemblée générale des Nations unies de constituer une commission d’enquête internationale pour clarifier les faits et convoque dans quelques jours une conférence internationale à Téhéran sur ce sujet.
Enfin, la chroniqueuse revient sur mon travail sur le « Printemps arabe ». Elle relève que j’ai évoqué plusieurs manipulations de la CIA, mais elle en rend compte comme si j’assimilais ces révolutions anti-impérialistes et antisionistes à des manipulations états-uniennes. C’est le contraire : j’ai écrit sur les manipulations de la CIA et d’autres agences pour détourner ces révolutions de leur buts légitimes au profit d’une contre-révolution favorable au système de domination actuel.
C’était d’ailleurs précisément le sens de mes réflexions sur l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden : elle était à mon sens devenue indispensable, en termes de communication, depuis que ses jihadistes se battent aux côtés de l’OTAN en Libye et aux côtés de Frères musulmans en Syrie.
Thierry Meyssanhttp://carolinefourest.wordpress.com/2011/05/09/ben-laden-chez-elvis/
Ben Laden chez Elvis
Caroline Fourest
Le Monde
07.05.11
Ben Laden n’est pas mort. Il sirote une bière sans alcool avec Elvis. Quelque part dans un coin paumé de l’imaginaire conspirationniste. Un univers de sceptiques, gavés jusqu’au cortex de films hollywoodiens, mais méfiants jusqu’à l’os lorsque l’Amérique fait une annonce officielle. Que ce soit à propos des ovnis ou du 11-Septembre. Les théories les plus fumeuses sur l’attentat du World Trade Center les ont régalés. La mort sans photo de Ben Laden devrait les tenir en haleine une bonne décennie.
A peine l’allocution de Barack Obama terminée, le Web enflait de rumeurs folles. La palme du scénario le plus original revient à Thierry Meyssan, déjà remarqué pour son synopsis sur le 11-Septembre. Un best-seller qui porte bien son nom,L’Effroyable Imposture (Carnot), et dont la couverture proclame : « Aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone ! » Beaucoup pensaient que la mystification se dévoilerait d’elle-même. C’était mal connaître l’époque et son besoin de croire en une vérité cachée. Surtout si elle arrange certains régimes. Grâce à son livre, Thierry Meyssan a connu une carrière internationale fulgurante. L’homme ne sait plus où donner de la tête, entre les invitations de son ami Hugo Chavez, les réceptions dans les ambassades iraniennes, les contacts avec la Chine, ses voyages en Syrie et surtout son nouveau job : conseiller en communication du Hezbollah à Beyrouth.
Drôle de trajectoire tout de même. Dans les années 1990, le même homme défendait la laïcité et la liberté d’expression contre l’intégrisme. A l’époque, il militait au Parti radical de gauche, au sein d’associations gays et se revendiquait franc-maçon. La gauche laïque raffolait de ses « billets » sur l’extrême droite catholique, bien que souvent faux ou romancés. Le Réseau Voltaire, sa petite agence d’information, prenait la suite du Projet Ornicar, une association défendant la liberté sexuelle contre la censure et l’ordre moral.
Etonnante reconversion, déjà, puisque Meyssan avait milité dans sa jeunesse au Renouveau charismatique, un mouvement moraliste inspiré du pentecôtisme américain. A l’en croire, son mariage avait même été « annulé » par l’Eglise pour homosexualité. Désormais, le voilà aux côtés des gardiens de la Révolution islamique, qui pend les homosexuels. Qui peut encore le croire ?
Véritable Picasso du conspirationnisme, Meyssan n’a cessé de changer de style et de versions pour vendre ses complots en kit, selon ses inspirations et la tête du client. Longtemps, la marotte du Réseau Voltaire fut l’Opus Dei. Puis ce fut l’ère du grand « complot mitterrandien », qu’il voyait partout. Y compris derrière le DPS, le service d’ordre du Front national ! La preuve ? Son chef de l’époque, Bernard Courcelle, avait travaillé au musée d’Orsay… où travaillait également Anne Pingeot, la maîtresse cachée de Mitterrand. Mais c’est bien sûr !
Depuis, notre Sherlock Holmes a trouvé une « machine à fantasmes » qui se vend bien mieux, surtout à l’international : la CIA. D’après le Réseau Voltaire, c’est elle qui a orchestré le 11-Septembre, mais aussi la prise d’otages de Beslan (Ossétie du Nord). Elle encore qui manipule le « printemps arabe ». Les Arabes ne sont déjà pas capables de détourner des avions, alors penser une révolution… D’ailleurs, ce n’est pas Bachar Al-Assad qui fait tirer sur la foule. Meyssan se demande si ces miliciens en voiture ne seraient pas plutôt des Américains. Il en est persuadé : la CIA en veut à sa vie. Mais ne croit pas une seconde que l’Amérique vient de tuer Ben Laden. Et pour cause, il le donne déjà mort en 2001.
En fait, la CIA ferait semblant d’avoir tué un homme qu’elle a déjà tué… Pour manipuler les islamistes sunnites contre les régimes iranien et syrien. Les nouveaux amis du Réseau Voltaire. Autant dire ses producteurs. Dommage que Thierry Meyssan n’assume pas sa vraie vocation : scénariste.
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