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18 mai 2010
L’argent destructeur Voici la traduction de mon entretien originellement en allemand avec le Dr. Stefan Fuchs qui a été diffusé de 9h30 à 10h00 sur Deutschlandfunk le 9 mai. Les germanophones peuvent toujours écouter le podcast ici
J’accueille toujours avec reconnaissance les entretiens longs parce qu’ils permettent de développer, sans devoir tronquer une partie des arguments, une véritable démonstration.
Traduction française : j’ai pris comme base essentiellement la traduction de Johannes Finckh, la plus proche des mes propos originels en français. Merci à lui, merci aussi à Timiota et Fleurbleue qui avaient unis leurs efforts dans une traduction parallèle.
L’exemple que j’avais donné de trois personnes se prêtant mutuellement de l’argent n’a manifestement pas été compris par le traducteur allemand, qui m’a « corrigé » en parlant d’un triplement de la somme au lieu d’un doublement. J’ai réexpliqué l’exemple, en lui rendant sa cohérence, et du coup, sa rigueur.
L’argent destructeur
Enseignements de l’hypercrise, deuxième partie : Entretien avec le chroniqueur économique Paul Jorion
Par Stefan Fuchs
La crise financière culmine depuis l’automne 2008 dans une crise du capitalisme global. Car la libéralisation débridée des marchés et l’expansion de la division internationale du travail n’ont pas pu tenir les promesses gigantesques de croissance et de prospérité.
Dans la deuxième partie de la série d’entretiens « « Enseignements de l’hypercrise », Stefan Fuchs a eu un entretien avec Paul Jorion sur l’effet destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique du journal français « Le Monde ». Economiste structuraliste, il critique la mise sur le même plan de l’argent et du crédit comme une pure idéologie. Le capitalisme actuel serait selon lui à l’agonie.
Stefan Fuchs: Monsieur Jorion, vous étiez parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine de « subprimes ». Vous-même travailliez aux États-Unis dans le secteur du crédit, et vous prédisiez dès 2004 une grave crise de ce capitalisme financier américain. L’élément déclenchant de l’hypercrise est selon votre analyse un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle se développait dans le dernier tiers du 20ème siècle et qui a eu pour effet une concentration de plus en plus forte de l’argent en peu de mains. Comment décrivez-vous ce mécanisme qui conduisit presque à un tarissement de la circulation monétaire et qui déclencha cette crise extrême qui saisit ensuite aussi l’économie réelle ?
Paul Jorion: En comparant la crise de 1929 qui avait débuté aux États-Unis pour devenir alors une crise économique mondiale et la crise à laquelle nous avons affaire depuis 2007, on observe une parenté stupéfiante : la concentration de la richesse économique entre les mains d’une minuscule minorité. En vertu d’un mécanisme économique très simple. Lorsque l’argent n’est pas là où il est nécessaire, soit pour produire dans une entreprise soit dans les ménages pour acquérir des biens durables, ou bien encore parce que le salaire est insuffisant pour vivre du fait que les salaires réels stagnent ou sont même en recul, il faut alors se le procurer par le crédit. C’est une loi aussi implacable que logique : la concentration de la richesse est un processus qui s’autoalimente. Lorsque l’argent est réparti inégalement dans un système économique, cette répartition inégale s’accentuera avec le temps toujours davantage. C’est ce que nous vivons. L’argent n’est pratiquement jamais là où il est nécessaire, ni dans la production industrielle, ni dans la consommation. On doit toujours se le procurer via le crédit. L’argent et son prix ont aujourd’hui un rôle prédominant et qui va se renforçant continuellement. Le système financier dispose d’une omniprésence quasi-divine qui ponctionne un profit sur chaque transaction. Du coup, une part croissante d’intérêts est contenue dans le prix de tous les produits et de tous les services.
Fuchs: Qu’est-ce qui explique cette baisse des salaires réels ? Qui selon vous est responsable de ce processus de concentration ? Est-ce un rapport de forces politique, ou alors y a-t-il des mécanismes économiques ? Qu’y a-t-il derrière cela ?
Jorion: Pour simplifier grossièrement, il y a trois groupes sociaux dans nos sociétés. C’est ainsi que l’on le concevait au 18ème et 19 ème siècle. Il y a les entrepreneurs qui ont le concept d’un nouveau produit. En cas de succès, ils peuvent faire travailler d’autres qui vendent leur force de travail : les ouvriers et les employés. Et puisque le capital n’est pas toujours là où se crée une entreprise, il doit provenir de crédits. Il y a donc ainsi un troisième groupe, celui des détenteurs de capitaux. Dès qu’un gain s’est constitué, généré par la production, il faut le répartir entre ces trois groupes. Le détenteur du capital percevra d’abord les intérêts qui lui sont dus. Il existe ainsi un antagonisme naturel entre détenteur de capitaux et entrepreneur, un rapport de forces, qui détermine la hauteur des intérêts. Quand l’économie va bien, l’entrepreneur abandonnera davantage d’intérêts et de dividendes au détenteur de capital, et moins quand l’économie va mal. Il doit partager le reste avec ses ouvriers. Il y a ici aussi un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas disposé à laisser à ceux qui travaillent pour lui plus qu’il n’est nécessaire. Quand ceux-ci sont organisés en syndicat, ils peuvent réduire la concurrence entre eux et présenter un front dans cet antagonisme.
Depuis le milieu des années 1970, il y a cependant eu un facteur qui, au moins dans les grandes entreprises, a modifié radicalement ce jeu de forces. On a introduit le système des « stock options ». La firme de conseil McKinsey menait alors des recherches sur la manière d’éliminer l’antagonisme entre entrepreneurs et capitalistes, comment en faire deux groupes d’alliés immédiats. La réponse : aligner les intérêts des dirigeants et ceux des investisseurs. Le moyen : gratifier les managers d’options sur les actions émises par l’entreprise. Un dirigeant d’entreprise peut exercer ses options au moment de son choix. Naturellement, il ne le fera que quand l’action aura atteint un cours élevé. Il consacrera toute son énergie à ce que le cours de l’action monte, même si cela n’est possible que dans une perspective à court terme ou qui nuit même aux intérêts à long terme de l’entreprise. Les “stock options” marquent le début d’une nouvelle forme du capitalisme accompagnée d’un glissement des rapports de force entre les groupes sociaux. Dès lors, les capitalistes et les entrepreneurs sont alliés. Les salariés se retrouvent face à eux bien seuls. Le rapport de forces ne leur était déjà pas favorable initialement, leur position est désormais affaiblie d’une façon déterminante.
Parallèlement, la financiarisation de l’économie devint massive. Le cours de l’action devient plus essentiel que la production proprement dite. La firme américaine Enron, aujourd’hui disparue, est un bon exemple de ce changement de paradigme. A un moment de son histoire, le produit proprement dit de l’entreprise était devenu le simple cours de ses actions. Grâce à un procédé comptable appelé « bootstrapping » [se soulever en tirant sur ses lacets], le succès de l’entreprise était directement lié au cours de l’action. Lorsqu’une action dépassait une valeur seuil, le profit enregistré par Enron s’accroissait. La production est devenue immatérielle à 100%. C’est le système des stock options qui rendit cela possible. Et parallèlement, il y avait stagnation, voire baisse des salaires réels qui ne croissaient plus avec le taux d’augmentation de la productivité.
Dans ce contexte, le crédit est devenu, surtout aux Etats-Unis, une sorte de salaire d’appoint appelé à protéger contre la chute du niveau de vie et aussi contre un effondrement total de la demande. Mais les crédits signifient le paiement d’intérêts. 5 pour cents ne semblent a priori pas énormes, mais quand on doit payer un crédit immobilier à 5,3% sur trente années, comme cela est courant aux USA, on aura payé en fin de période le prix de la maison deux fois. Pendant ce temps-là, la spéculation poussait toujours davantage les prix immobiliers à la hausse. La valeur d’une maison pour une famille en était venue à correspondre à trente années de revenu disponible. Un prix véritablement astronomique.
Justifiant tout cela se trouvent les théories de l’ordolibéralisme économique qui croit fermement à une autorégulation des marchés et n’autorise à l’État que des interventions minimales dans leur déroulement. Dans la pratique, l’instauration de ce système n’avait été, comme nous sommes obligés de le constater maintenant dans le contexte de la crise, qu’une avancée par essais et erreurs, quasiment une vaste expérimentation de laboratoire sur l’économie mondiale. On dérégule et on verra bien ce qui se passe. Les effets apparaissent avec un certain décalage dans le temps, et quand on peut les observer, il est alors beaucoup trop tard. Il n’y a pas que dans le cas de la catastrophe climatique que l’on à affaire à des phénomènes irréversibles, c’est vrai aussi dans le champ économique.
Dans les années 1980, quand ces théories avaient été mises en pratique, on n’a pas eu une conscience claire de ceci : un système économique bâti sur le crédit multiplie les risques. Dans un système économique piloté par le crédit se constituent des chaînes d’emprunteurs, A doit à B qui doit à C et ainsi de suite. Quand un crédit fait défaut, toute la chaîne s’effondre à partir de celui qui fait défaut, comme des dominos. Contre le risque, l’industrie financière avait développé, avec son inventivité inépuisable, des instruments nouveaux, les fameux et problématiques “credit default swaps” ou CDS, des assurances de défaut du crédit. Mais, au lieu de contrôler ainsi les risques, ces instruments génèreront à leur tour des risques nouveaux. Car on peut les utiliser pour spéculer, on peut par exemple parier sur le fait que les obligations grecques se déprécieront. Tant pis pour celui qui aura mal spéculé. Exemple l’assureur US “AIG”. Perte pour le contribuable américain : 182 milliards de dollars, du même ordre que le sauvetage de “Fannie Mae” et “Freddie Mac”.
Fuchs: Je voudrais revenir sur la perspective de la majorité de la population. Dans un tel contexte, elle est mise à contribution deux fois, une première fois parce que sont déjà inclus dans les prix une grande part d’intérêts, et une deuxième fois en raison des crédits qu’elle doit souscrire afin de compléter un salaire insuffisant, ce qui signifie qu’on la fait payer à deux reprises.
Jorion: Dans les faits, débute à la même période, autour de 1975, l’introduction de la micro-informatique qui rendait possible une véritable explosion de la productivité. Mais cet accroissement de la productivité, les salariés n’en bénéficient pas. Leurs revenus resteront toujours davantage en retrait par rapport à l’évolution économique. La productivité est aussi augmentée partiellement par des rationalisations, autrement dit parce que les gens perdent leur emploi. En même temps, les prix augmentent parce que les intérêts et la spéculation les poussent à la hausse. Rien que dans l’essence et le gazole est contenu un bon tiers de gains spéculatifs. La majorité des Américains doit de ce fait compléter ses revenus grâce à du crédit alors que l’industrie financière prospère insolemment : les gains de productivité vont dans sa poche, les intérêts de toute manière aussi. C’est cela l’absurdité de la discussion autour des paiements des bonus des banquiers. Le pouvoir politique veut les limiter, et il fait valoir cela comme une régulation décisive du secteur bancaire. Or c’est un pur effet de surface. Ces bonus sont des commissions : un faible pourcentage des profits réellement générés par l’industrie financière. Quand des millions vont dans les poches des traders, c’est seulement parce qu’ils ont récolté des milliards pour l’établissement qui les emploie. Pourquoi les banques gagnent-elles de telles sommes ? Tout simplement parce que cet argent a cessé d’être redistribué aux salariés.
Fuchs: Vous faites partie de ces experts économiques structuralistes qui critiquent l’assimilation du crédit à la monnaie comme quelque chose d’idéologique au plus haut point et qui est responsable de l’invisibilité du processus de concentration de la richesse dont nous venons de parler. En quoi consiste l’erreur quand on dit que la monnaie en espèces et la monnaie scripturale seraient la même chose ?
Jorion: On parle de masses ou d’agrégats monétaires et de la création monétaire par les banques commerciales. Dans un calcul usuel, on additionne la quantité de monnaie liquide et ce dont les gens disposent sur leurs comptes et livrets d’épargne. On constate alors que le total croît continuellement, que la richesse croît constamment. On oublie alors que la monnaie liquide et la monnaie scripturale sont deux choses fondamentalement différentes. Supposons par exemple trois personnes qui ont, chacune, 10 euros en poche. Elles se prêtent cet argent l’une à l’autre. Si on calcule maintenant selon la manière conventionnelle, la somme a doublé. En effet, chacun des trois – en tant que prêteur – possède une créance de 10 euros en poche, et – en tant qu’emprunteur – possède 10 euros en espèces. Ce n’est pas une erreur de calcul, c’est la méthode prônée par le « science » économique. On parle de masses monétaires M1, M2, etc. L’économiste théoricien Schumpeter a très bien justifié pourquoi il conviendrait d’additionner la richesse réelle et la richesse « négative » que sont les dettes. C’est seulement en cas de crise que l’on reprend douloureusement conscience de la différence. La valeur d’un billet de 10 euros est 10 euros. Son pouvoir d’achat peut varier quand les prix montent, mais sa valeur reste fondamentalement la même. Quant à une reconnaissance de dette, son cas est tout à fait différent. Il faut l’évaluer en fonction du risque, selon la probabilité que le remboursement ait lieu réellement. Lors des crédits hypothécaires qui avaient déclenché la crise aux USA, leur valeur tombait à zéro. Et les masses monétaires M1, M2 fondaient soudainement comme neige au soleil. Où est passé l’argent, se demandait-on naïvement ? La monnaie liquide est toujours là, mais tous les crédits et reconnaissances de dettes ont disparu. Les économistes n’ont certes pas inventé ces calculs douteux uniquement pour faire plaisir au secteur bancaire. Objectivement, ceux-ci sont cependant très commodes pour l’industrie financière. Mais les économistes se sont trompés, on ne peut pas simplement additionner ces deux types de quantités. L’un des chiffres est réel, l’autre est virtuel.
Fuchs: La ligne de défense du secteur bancaire est que l’argent public employé pour leur sauvetage ne serait que des garanties et que cet argent ne serait en réalité pas réellement perdu et qu’il pourrait, dans certaines circonstances, être aussi bien restitué, que faut-il en penser ?
Jorion: Prenons par exemple une “mortgage-backed security”, un titre garanti par des hypothèques. Y sont contenus les crédits hypothécaires de 3000 propriétaires de maisons. Chaque fois qu’ils paient une mensualité, de l’argent parvient aux titulaires du titre (investisseurs). Si le titre papier est émis en 2007 et si certains débiteurs ont cessé de payer leurs mensualités, ce titre ne vaut peut-être plus que 83 cents par dollar (investi). Les banquiers disent alors que si les autres débiteurs continuent à payer, il n’y a pas de raison de décoter encore davantage ce titre, il suffit de le conserver sans s’inquiéter jusqu’à sa maturité. Mais ceci est ridicule, car rien ne vient soutenir la supposition que la situation s’améliorera nécessairement l’année prochaine ou dans deux ans. Sous-tend cet type d’argumentation la méthode de valorisation “mark to model” qui renvoie à la représentation d’une situation idéale où toutes les difficultés du présent auront été éliminées. Le taux de chômage par exemple ne varie pas brusquement d’une semaine à l’autre. Il est soumis à des cycles long. Aux USA, on a ainsi fêté dans l’euphorie le fait qu’en mars avaient été créés 162.000 nouveaux emplois. En y regardant de plus près, on constate qu’un tiers des emplois étaient des embauches provisoires pour le recensement décennal de la population, et un autre tiers avait été postulé à partir des fluctuations historiques de création et de disparitions d’entreprises aux USA. Ce qui veut dire que 50.000 seulement de ces emplois sont réellement nouveaux. On sait cependant que l’Amérique aurait besoin, pour confirmer son rétablissement économique, de 250.000 emplois neufs par mois pour les cinq années à venir. On peut bien sûr être un optimiste incorrigible qui image que demain au réveil tout se retrouvera miraculeusement comme avant la crise.
Fuchs: Est-ce à dire que les tristement célèbres “bad banks” sont des tombes où l’on a enterré de l’argent ?
Jorion: La probabilité d’une réanimation est en effet aussi élevée que dans un cimetière. En mars 2008, le ministre des finances américain Henry Paulson avait orchestré le rachat de Bear Stearns par JP Morgan. Il déclara par la suite à plusieurs reprises publiquement que ce sauvetage était unique et qu’il ne serait pas possible de le répéter. Il le redisait encore quand survint, 6 mois plus tard, la faillite de Lehman Brothers. On avait enfoui les déchets financiers toxiques de Bear Stearns et vissé par dessus un couvercle comme s’il s’agissait d’un deuxième Tchernobyl. Personne ne devait y toucher, personne ne devait savoir ce qui s’y cachait. Seule l’insistance des médias, de Bloomberg et de Fox News, a fait que le contenu a dû être dévoilé. On a dévissé le couvercle pour jeter un coup d’œil dans le sarcophage, et on a pu constater que ce qui s’y trouvait n’avait absolument aucune valeur.
Fuchs: Si je vous ai bien compris, vous attribuez à une sorte de perversion de la nature de l’argent, à un fétichisme de l’argent, le véritable arrière-plan historique et culturel de ce à quoi nous assistons maintenant sous sa forme extrême. On a fait, à partir d’un instrument destiné à l’échange, à savoir l’argent en tant qu’instrument de la circulation, un instrument d’accumulation de la valeur. En quoi est-ce un mésusage de l’argent, car, enfin, la formule de l’intérêt est pour nous, depuis la renaissance, liée à l’usage de l’argent ?
Jorion: On peut dire que l’argent est un instrument neutre qui n’a comme tel un effet ni positif ni négatif. Il constitue un simple substitut du troc : une marchandise spécialement conçue pour l’échange. Une image tout à fait différente émerge cependant au plan historique. A l’origine, les sociétés féodales étaient dominées par la caste des guerriers qui s’appropriait les terres par la force. Ils sont ce que Hegel nomme les “Maîtres”. En face d’eux se tient la majorité de la population, les « esclaves » devenus “serfs” par la suite. Les uns travaillent, les autres règnent sur eux. Pour pouvoir faire circuler les produits issus de cette division du travail, il fallait les marchands. Ils vont de pays en pays, vendent leurs marchandises et vivent de leur profit. Pour ce commerce, on a besoin de l’argent comme instrument de la circulation. Au moyen âge et surtout pendant la renaissance, les régnants font une découverte surprenante. Ils n’ont plus besoin de la violence comme base de leur règne. L’argent rend le même service. Avec lui, on peut amener quelqu’un à travailler pour soi, sans autre violence. La révolution française et sa nouvelle redistribution du pouvoir n’a rien changé à cela. Les aristocrates ont vite compris qu’il pouvaient renoncer à leurs privilèges seigneuriaux s’ils possédaient suffisamment d’argent. L’épée ou le sabre ne sont plus nécessaires, on peut arranger tout cela de la même manière avec de l’argent. Aristote avait reconnu cet aspect de l’argent comme l’héritier de la violence sociale. L’argent reflète le rapport de domination et remplace l’instrument de la violence.
Fuchs: Que devrait-on donc faire pour neutraliser cet effet antidémocratique renforçant les dominations dans nos sociétés, pour l’affaiblir voir l’annuler ?
Jorion: Ce qui avait été fait en 1929, a été refait en 2007 : attendre jusqu’à ce que la concentration de la richesse sociale devienne telle que tout le système s’effondre. C’est alors seulement que l’on repense soudain à la redistribution. Dans les années trente, ce sont des instruments redistributifs que Keynes avaient proposés en Angleterre et qui furent appliqués également aux États-Unis. Pour Keynes, le plein-emploi était l’objectif primordial. Il faut se souvenir que l’on assistait alors en Angleterre à une montée en puissance parallèle du fascisme et du communisme. L’enjeu devenait crucial. La démocratie était menacée sur deux flancs par des idéologies totalitaires. Pour Keynes, il fallait combattre le mécanisme de concentration de la richesse. Il fallait que l’argent soit redistribué de manière plus équitable. Pour que les gens consomment à nouveau et puissent aussi acheter les marchandises produites par eux, il fallait avant tout leur donner du travail et rémunérer celui-ci d’une manière adéquate.
L’instrument de la redistribution par l’imposition qui accompagne l’État keynésien, est, hélas, aujourd’hui émoussé. On a permis en particulier aux entreprises de l’économie réelle de se transformer en entreprises quasi virtuelles. Elles distribuent leur chaîne de création de richesse sur un grand nombre de pays, et bénéficient de la concurrence mondiale existant entre eux pour les derniers emplois restants. On permet à la richesse socialement produite de se réfugier dans un espace virtuel et quasi transnational. Il ne faut pas négliger non plus l’influence de l’argent sur la politique. Il est plus aisé de se faire élire à un poste politique quand on appartient à un parti soutenu par l’industrie financière. Cela a conduit aux États-Unis à un système qui se rapproche de l’ancien système électoral censitaire. La cour suprême des États-Unis a récemment suspendu pour les entreprises toute limitation des dons politiques. Et ce en invoquant le principe de la libre expression ! Naturellement, les entreprises ont des ressources financières d’un tout autre ordre que l’individu moyen. Avec de l’argent, on s’achète de l’influence sociale. Un coup d’état n’est donc pas nécessaire, pas besoin d’envoi de troupes. Une fois encore : l’argent procure le même type de service.
Fuchs: Il y a une autre proposition de Keynes que vous préconisez, c’est la monnaie synthétique mondiale qu’il appela le “bancor” et qu’il a proposée à Bretton Woods, mais qui ne fut pas retenue. Dans quelle mesure cela pourrait-il nous venir en aide dans le contexte actuel ?
Jorion: Il faudrait vérifier si le bancor pourrait vraiment constituer une solution. Dans son principe, il ressemble beaucoup aux droits de tirage spéciaux que le Fonds Monétaire International a institués. La crise grecque et de l’euro a très nettement souligné qu’une monnaie devrait correspondre à un espace économique poursuivant une politique économique intégrée. Les États-Unis ont ancré dans leur constitution la solidarité économique entre les états de la fédération. La Californie et ses excédents d’exportation doit pouvoir répondre de la Géorgie beaucoup moins riche. Cela ne pourrait pas fonctionner autrement. On ne peut revendiquer tous les avantages d’un espace monétaire unique et sans risque de change pour son industrie domestique d’exportation et en même temps refuser toute responsabilité pour le déséquilibre économique au sein de cette zone économique. Je parle évidemment du champion du monde de l’exportation, l’Allemagne, et, au niveau de l’économie mondiale, de son concurrent, la Chine. On ne peut pas en tant qu’économie nationale, qui s’est quasi spécialisée dans l’exportation, reprocher aux autres qu’ils n’exportent pas autant. Vers où doivent-ils exporter ? Tant que la planète Mars ne s’ouvre pas comme un nouveau marché vierge, il n’y a pas d’issue. Le commentateur en chef du Financial Times, Martin Wolf, a très bien décrit cela. Les Allemands ont renié la parole du philosophe Immanuel Kant : un principe moral doit toujours valoir pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent devenir champions du monde de l’exportation.
Keynes a reconnu ce problème. Il était à la recherche d’un système qui serait en mesure de compenser des déséquilibres dans les bilans commerciaux. Le noyau de son plan bancor était de créer une monnaie de compte qui sanctionne les excédents aussi bien que les déficits commerciaux. Car les deux sont nuisibles dans le cadre d’une économie mondiale durable. Malheureusement, sa conception n’a pas pu s’imposer à Bretton Woods. Son concept général, il faut le mentionner, n’était pas neuf. Un système d’accords bilatéraux équilibrés entre l’Allemagne et d’autres pays avait été mis au point par Hjalmar Schacht qui avait été président de la Reichsbank et ministre de l’économie d’Hitler. Schacht a été jugé après la guerre à Nuremberg pour complicité dans la mise sur pied de la machine de guerre allemande. Il a été acquitté. Quoi qu’il en soit, Keynes n’a jamais fait mention de la parenté intellectuelle entre son propre projet et des applications d’inspiration commune dans l’Allemagne vaincue. Cela aurait jeté la suspicion sur leur bien-fondé dans la période d’après guerre et aurait pu compromettre toute chance de leur mise en application.
Fuchs: Le mainstream économique a déjà évacué la crise : « Des signes positifs se pointent à l’horizon », « Le pire est derrière nous ». Vous êtes beaucoup plus pessimiste, vous croyez au “double plongeon”, ce profil en forme de W où la deuxième jambe sera beaucoup plus dramatique que la première. Cette seconde partie, sur quelle champ se joue-t-elle ? Sera-ce une crise de l’endettement public ? Sera-ce une crise de la demande déclenchée par l’épargne ? Donc une crise déflationniste, se produira-t-elle?
Jorion: Je pose d’abord une première question : où se trouve donc ce mainstream dont vous parlez ? Il s’agit de quelques journaux, de quelques stations de télévision, certainement pas la majorité des opinions exprimées ! Il y a eu en avril un sondage en France. On demandait aux gens s’ils croyaient que la crise état terminée. 75 % ont répondu non.
Ce qui se profile devant nous, c’est la maladie japonaise : une période de stagnation se traînant en longueur, accompagnée d’une déflation. Pour Keynes, la déflation était le plus grand des dangers. Plus personne ne dépense, car tout pourra être obtenu demain encore meilleur marché. L’économie se fige, le chômage monte en flèche, et on assiste à la paupérisation de large couches de la population.
La récession va reprendre en vigueur, les états nationaux ont épuisé leurs munitions. Ils sont incapables de recharger leurs armes. Le sauvetage du secteur bancaire a épuisé les dernières réserves. Pour lui, les États ont dépensé plus qu’ils n’avaient. Dans leur grande majorité, ils sont tout aussi insolvables que la Grèce. La tentation est grande de réduire la charge de la dette par l’inflation. Mais l’inflation, c’est incendier la plaine, c’est un processus qu’il est impossible de maîtriser.
On me pose souvent la question si nous sommes en train de vivre la crise finale du capitalisme. C’est en effet à une sorte d’agonie que nous assistons. Il ne mourra peut-être pas pour les raisons que Marx avait prédites. Mais cela n’y change rien. Le système peut être mortellement blessé, alors même que Marx se serait trompé.
Il faut agir sans tarder, il faut empêcher l’industrie financière de causer davantage de dégâts. Depuis trois ans, je plaide pour l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix. Mais rien ne bouge. Des sommes énormes sont soustraites à l’économie par des tours de passe-passe spéculatifs. Tout ça est très très dangereux.
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http://trends.rnews.be/fr/economie/actualite/banque-et-finance/marc-fiorentino-le-public-doit-savoir-que-les-marches-sont-manipules/article-1194734790073.htm
17 mai 2010
Marc Fiorentino : «Le public doit savoir que les marchés sont manipulés !» Fortis ? «On a fait paniquer les gens pour qu'elle puisse être ‘ramassée à la casse’.» La Grèce ? «C'est un test avant la ‘mère des batailles’ sur la dette américaine.» Qu'est-ce qui arrêtera les spéculateurs ? Morceaux choisis de Marc Fiorentino, l'un des gourous les plus courus de la place financière parisienne, qui prédit l'implosion prochaine de l'économie chinoise.
Marc Fiorentino © Antoine Moreno
Marc Fiorentino est un financier qui s'assume mais qui n'assume pas pour autant tout ce que la finance fait. Sa deuxième vie, à côté de la finance, est l'écriture. Ce Français de souche tunisienne est en effet aussi, «à titre accessoire », l'auteur comblé de véritables bestsellers - le dernier en date étant Pour tout l'or du monde (1). Fortune faite mais pas « rangé des voitures » pour autant, il dit avoir écrit son dernier roman avec la volonté de raconter et de vulgariser ce qui peut se passer réellement dans les coulisses du secteur financier, un monde qu'il connaît au demeurant fort bien pour y travailler lui-même depuis maintenant 26 ans. Morceaux choisis d'une rencontre dans son bureau parisien, au siège de ses sociétés (Euroland, Allofinance...), basé... rue Balzac.
Que pensez-vous de la situation en Grèce ?
Marc Fiorentino : C'est la genèse de mouvements beaucoup plus forts. C'est un « test » avant de mener un jour « la mère de toutes les batailles », celle sur la dette américaine. Le grand public doit donc comprendre que les marchés sont en fait manipulés. Pour l'instant, les fonds spéculatifs fourbissent leurs armes sur des cibles plus petites. Et tout comme Hitler a envahi la Pologne et la Tchécoslovaquie avant de s'en prendre finalement à la France, les fonds spéculatifs s'en prennent pour l'instant à la Grèce avant de s'en prendre par la suite aux Etats-Unis !
Mais de là à imaginer que les Américains accepteront de se (sou)mettre au régime sec du FMI...
Les Américains n'auront pas envie de se défendre et, à la limite, ils en appelleraient presque de leur voeux une attaque sur la dette américaine !
Pourquoi ?
Dans le langage populaire, on dit aux Etats-Unis que « ce qui est bon pour General Motors est aussi bon pour l'Amérique ». Et GM est en... chapter 11 [NDLR : en concordat] ! Bref, les Américains finiront un jour par dire : « On vous doit 100 mais on ne vous remboursera que 60. Ainsi, on restera debout et on sera toujours vos clients ! » La mentalité des Américains est ainsi faite qu'ils n'ont pas la même idée que nous, Européens, de la cessation de paiements. Là-bas, ne dit-on d'ailleurs pas qu'il faut avoir fait faillite deux fois avant de réussir ?
Pensez-vous que les Chinois vont laisser faire ?
Le monde aura en tout cas à se préparer à un nouveau Bretton Woods. Dans les faits, on permettra certainement aux Etats très endettés d'annuler une partie de leurs dettes, tout comme ce fut d'ailleurs le cas avec l'Amérique du Sud dans les années 1980. Quant à la Chine, elle a évidemment tout intérêt à laisser l'économie américaine debout. Ne serait-ce déjà que pour pouvoir continuer à y écouler ses produits...
Peut-on dès lors imaginer dans la foulée une flambée du cours de l'or ?
Avant d'arriver à une solution de réalignement international, il y aura au bas mot une année de pourparlers mais, en cas de crise, l'once d'or pourrait, qui sait ? monter jusqu'à 2 000 à 3 000 dollars...
Quand verriez-vous ce scénario se dérouler ?
D'ici à deux ans au maximum. Le plus paradoxal est que les problèmes viendront selon moi de... la reprise économique !
Pourquoi ?
La reprise économique provoquera immanquablement une hausse des taux d'intérêt, donc une hausse du coût de la dette. Cette situation sera particulièrement difficile à supporter pour les Etats déjà surendettés, avant que l'inflation ne vienne tout de même réduire le poids réel de cette dette. Cela étant, ce que d'aucuns oublient un peu vite, c'est que si l'inflation augmente, les taux d'intérêt augmenteront à leur tour aussi, et donc le poids de la charge de la dette. Et quand on sait que, pour beaucoup de pays, c'est déjà le principal poste budgétaire...
Nous vivons dans un monde globalisé. La crise des subprimes nous l'a suffisamment démontré. Quid alors, selon vous, des répercussions chez nous ?
Chez nous, la situation est différente : historiquement, les Etats se sont endettés pour rendre des services aux ménages, services qu'ils ne payaient pas. Les ménages ont donc ainsi eu de quoi épargner. En France, l'épargne des ménages est égale au volume de la dette de l'Etat. On vit donc dans une sorte d'autarcie financière. Si, demain, le monde financier devait exploser, l'Etat français pourrait se financer auprès des ménages. En fait, notre chance, c'est de vivre sur un continent d'épargnants, moins dépendant qu'on ne l'imagine des marchés étrangers.
En Grèce, le remède de cheval imposé par le FMI et l'Union européenne a mis les gens dans la rue. Imaginerait-on « demain » pareil scénario chez nous ?
Le jour où les gens ont peur, on peut leur demander n'importe quoi ! En 2008, en contrepartie de la garantie sur leurs dépôts bancaires, les gouvernements auraient par exemple pu demander aux gens de travailler 3 ans de plus ! Ils ont loupé là l'opportunité de demander des sacrifices à la population sans révolte sociale en corollaire !
Est-ce cependant normal et acceptable de voir la spéculation in fine acculer les populations à de si lourds sacrifices ?
Notre système social est en fait utopique. Les Etats européens ne peuvent plus assurer le vieillissement de la population et assumer leur responsabilité en termes de sécurité sociale. En l'état actuel des choses, le financement structurel des retraites est impossible. Ne vous trompez pas, je ne dis pas que c'est bien, je vous fais juste part de la réalité face à laquelle on va se retrouver. Vous savez, en Europe, les gens continuent à croire que l'Etat est une sorte de deus ex machina, bref, une sorte de création divine où l'argent viendrait du ciel. Or l'argent vient de la poche des gens et tout est fait a priori pour fonctionner en circuit fermé. Si on sort du modèle, on se retrouve alors dans une situation à la grecque avec, à la clé, un dur rappel à la réalité. En deux mots, le modèle européen - du fait du vieillissement de sa population - ne fonctionne plus et les politiciens n'ont pas le courage affiché de le remettre en cause. Ils n'ont évidemment pas envie d'avoir une grève générale alors qu'il y a toujours une phase d'élection en ligne de mire. Ils attendront donc patiemment que le système explose, comme en Grèce. Et ils finiront par dire aux gens : « C'est comme ça ou bien on ne nous prête plus d'argent ! »
Et la Chine dans tout cela ?
La Chine ne sera pas « attaquée », elle va carrément imploser !
Qu'est-ce qui vous amène à cette affirmation ?
Cela fait plus de vingt ans que je m'intéresse aux « bulles ». J'ai une check-list de 20 critères qui font qu'on est ou non dans un phénomène de « bulle ». Pour la Chine, j'ai déjà coché au bas mot 15 des 20 cases de ma liste ! Ce pays entretient le mensonge permanent. Ainsi, contrairement aux Etats-Unis et à l'Europe, la Chine n'accepte pas la chute de son PIB. Du coup, elle maintient artificiellement sa croissance économique au-dessus des 8 % fatidiques. Et pour cela, elle a pourri - c'est le terme - le bilan de ses banques. Obligées de prêter à des régions, à des collectivités pour des projets qui ne seront jamais rentables, les banques chinoises croulent aujourd'hui sous les mauvaises créances. Cela étant, prestige oblige, si la Chine fera tout pour tenir jusqu'au terme de l'Exposition universelle de Shanghai, je n'ai cependant pas le moindre doute sur l'implosion prochaine de l'économie chinoise !
Concrètement ?
Ce sera pour elle un retour cinq ans en arrière, comme ce fut le cas au Japon dans les années 1980. Et il lui faudra cinq à sept ans pour revenir dans la course. Géopolitiquement, il y a du positif là derrière. En effet, depuis des années, en donnant l'impression qu'elle a vraiment d'immenses réserves de change (en occultant une dette tout aussi abyssale), la Chine a politiquement renforcé des Etats « peu fréquentables », tels l'Iran, le Soudan et nombre de dictatures africaines. Là aussi, des cartes vont être redistribuées.
La crise financière de 2008 nous a démontré que la finance est mondialisée. Faut-il ici rappeler à quel point nous avons souffert en Europe - et singulièrement en Belgique - des conséquences des défaillances sur les prêts hypothécaires américains ?
Tout cela a été une énorme arnaque ! On s'est servi d'une crise extérieure - qui nous a certes touchés mais pas autant qu'on l'a dit - pour provoquer une panique qui a permis à certains de redistribuer les cartes, décrochant le gros lot au passage. En Belgique, on a fait volontairement paniquer les gens sur Fortis, histoire que Fortis puisse être « ramassée à la casse » et que les actionnaires soient « nettoyés ». Je ne suis pas là dans la théorie du complot. Je m'inscris juste dans la logique de l'industrie où on profite des circonstances pour acheter son concurrent à bon prix. Fortis était une très bonne affaire pour BNP Paribas !
Dans la foulée de la crise financière, les Etats s'étaient engagés à mieux réglementer le secteur financier. Où en est-on aujourd'hui entre « l'effet d'annonce » et « l'annonce des faits » ?
Nulle part ! Et le drame est dans l'hypocrisie des politiciens. Aux Etats-Unis, le président Obama avait clamé en arrivant au pouvoir : « Les bonus obscènes, c'est fini ! » Un an après, Citi, bien que détenue par l'Etat américain, a quand même versé de plantureux bonus ! En Grande-Bretagne, par contre, la taxe sur les bonus rapporte énormément d'argent. Le gouvernement anglais escomptait 500 millions de livres. Elle lui a finalement rapporté 2,8 milliards de livres ! En France, les discours de Sarkozy - qui se prend pour Besancenot - me fatiguent. Il nous a sorti 1 000 mesures pour relancer l'économie et seules 80 sont appliquées. Vous savez, les gens ne sont pas dupes. Voyez l'écart de popularité qui existe aujourd'hui entre un président qui ment et un Premier ministre qui parle vrai. La popularité va aujourd'hui à celui qui dit la vérité.
Un mot de conclusion à l'adresse des politiciens ?
Est-ce qu'il y a des gens qui gagnent à tous les coups ? Oui : les grands patrons des hedge funds, ces machines à faire de l'argent et qui ne font leur métier que sur le dos de la bêtise des gens. Ainsi, si on laisse fonctionner un marché des CDS (Credit Default Swaps) grecs sans réglementation, il ne faut pas se plaindre de voir ensuite les fonds gagner de l'argent en attaquant l'euro. Le métier des spéculateurs, c'est de gagner de l'argent, point. Et permettez-moi de rappeler au passage que dans les années 1980, la Fed [NDLR : la banque centrale américaine] et la Bundesbank [NDLR : son alter ego allemand] engageaient des traders et les payaient très cher. Leur objectif était alors de se battre avec les mêmes armes que ceux qui étaient en face d'elles. L'expérience fut concluante. Pourquoi n'envisagerait-on rien de comparable aujourd'hui ?
(1) Ed. Robert Laffont, 2010, 414 p.
Propos recueillis par Jean-Marc Damry (LeVif/L'Express), à Paris