Thursday, 19 November 2009

canada: mensonges sur la torture en afghanistan

Par Marie Vastel,

LA PRESSE CANADIENNE

OTTAWA - Tous les prisonniers transférés par le Canada aux Afghans en 2006-2007 auraient été torturés, alors que plusieurs d'entre eux étaient fort probablement innocents, a affirmé un diplomate canadien, mercredi, au cours d'un témoignage percutant.

Selon Richard Colvin, en poste en Afghanistan pendant 18 mois à cette époque, les autorités canadiennes n'ont rien voulu entendre lorsqu'il a tenté de tirer la sonnette d'alarme.

Et il est presque impossible que les hauts dirigeants canadiens, tant dans la sphère politique qu'au niveau militaire, n'aient pas été mis au courant de ces informations, a-t-il plaidé.

Car M. Colvin a affirmé que des hauts placés tels que le sous-ministre délégué aux affaires étrangères de l'époque, David Mulroney, l'ex-conseillère nationale du premier ministre pour la sécurité, Margaret Bloodworth, ainsi que l'ancien chef d'état-major, le général Rick Hillier, et le lieutenant-général Michel Gauthier, alors en poste en Afghanistan, étaient au courant des allégations de torture.

M. Colvin faisait état, dans des rapports envoyés en 2006, de problèmes "sérieux" et "alarmants" quant au traitement des détenus.

Mais à l'époque, le premier ministre Stephen Harper et son ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay (aujourd'hui à la Défense nationale), ont maintenu pendant des mois qu'ils n'avaient aucune information crédible à cet effet.

Les conservateurs n'ont pas perdu de temps pour tenter de discréditer le témoignage de M. Colvin devant le comité spécial des Communes sur la mission canadienne en Afghanistan.

Le diplomate a expliqué aux membres du comité, lors d'un témoignage qui en a laissé plusieurs bouche bée, qu'un nombre important de ces prisonniers transférés par les Canadiens ont été battus, soumis à des chocs électriques ou agressés sexuellement.

"Pour les interrogateurs à Kandahar, il s'agissait là d'une procédure de routine standard", a-t-il lancé, dénonçant ce qu'il a constaté sur le terrain.

Ces Afghans arrêtés n'avaient pourtant pas de "grande valeur" sur le plan des renseignements secrets. Même si certains pouvaient être des combattants, plusieurs d'entre eux n'étaient que des gens locaux, des fermiers, des paysans, des personnes qui se sont "trouvées à la mauvaise place, au mauvais moment", a souligné M. Colvin.

"En d'autres mots, nous avons détenu et transféré vers un endroit où ils ont subi de la torture sévère beaucoup de gens innocents", a-t-il conclu.

Les forces canadiennes ont d'ailleurs arrêté bien plus d'Afghans que l'ont fait les militaires des autres pays de l'OTAN présents sur le terrain, soit "environ six fois plus que les forces britanniques, et 20 fois plus que les Pays-Bas", a-t-il noté.

Les députés conservateurs ont cependant fait valoir que M. Colvin n'avait pas été lui-même témoin d'actes de torture, plaidant que les prisonniers auraient pu s'infliger eux-mêmes leurs blessures et qu'ils étaient "entraînés à mentir".

Le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense, le député Laurie Hawn, a dénoncé les nombreuses "hypothèses" et "allégations" mises de l'avant par le diplomate, tandis que sa collègue Cheryl Gallant a soutenu que son témoignage n'aurait aucun poids devant un tribunal.

"Les juges n'ont jamais de preuves directes, ils ne voient jamais les crimes au moment où ils sont commis", a rétorqué le critique libéral en matière de défense, Ujjal Dosanjh, à sa sortie du comité.

La déclaration de M. Colvin, d'une vingtaine de minutes, était néanmoins incomplète à certains égards, le diplomate ayant notamment avoué qu'il ne savait pas si les détenus qu'il a rencontrés dans une prison afghane avaient été transférés aux autorités par les soldats canadiens. Ses allégations portent pourtant sur ces détenus en particulier, ont argué les conservateurs.

Les partis d'opposition ont par ailleurs été unanimes à reprocher au gouvernement Harper de tenter de camoufler des informations dans ce dossier. Alors que tous bombardent les conservateurs de questions sur ce sujet depuis des semaines, aux Communes, le Nouveau Parti démocratique (NPD) tentera d'ordonner à son tour au gouvernement de s'expliquer, lors d'un point de presse prévu jeudi matin.

Dans son compte-rendu sur le traitement des prisonniers, M. Colvin a d'autre part révélé que la Croix Rouge avait tenté pendant trois mois, en 2006, d'aviser l'armée canadienne en poste à Kandahar de ce qui se déroulait, mais personne "n'a répondu à leurs appels téléphoniques", a-t-il déploré.

M. Colvin a également indiqué qu'on lui avait ordonné de ne mettre aucune information à cet effet sur papier. Peu après, les rapports provenant du terrain des opérations ont commencé à être "censurés", a-t-il précisé.

Quant à savoir si M. MacKay avait eu connaissance des mémos qu'il a rédigés sur le sujet, M. Colvin s'est dit incapable de répondre à la question. Mais à son avis, il est fort possible que l'information ait été étouffée avant même d'atteindre les rangs politiques et le bureau du ministre.

Selon M. Colvin, certains gestes posés par des Canadiens à Kandahar, dont "la complicité à la torture", ont miné les efforts de l'armée canadienne sur le terrain.

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Canada ignored Afghan torture allegations: diplomat

19 November 2009 - 04H32

AFP - Canadian troops handed Afghan detainees to local authorities in the knowledge they would be tortured, and later tried to silence critics of the practice, a senior Ottawa diplomat told lawmakers.

"According to our information, the likelihood is that all the Afghans we handed over were tortured," Richard Colvin, former number two at the Canadian embassy in Kabul told a parliamentary committee probing allegations of torture.

He said most of the detainees were not "high-level targets" or even Taliban, but wrongly-detained peasants and farmers.

"In other words, we detained, and handed over for severe torture, a lot of innocent people," he testified.

Colvin also claimed his warnings, first delivered in spring 2006, were ignored by senior military commanders and government officials until prisoner mistreatment allegations were reported in the media a year later.

After that, he said, diplomats were instructed by top members of the foreign affairs department not to keep written records of discussions of torture allegations.

Colvin worked for Canada's Foreign Affairs department in Kandahar in 2006 and was later promoted to second-in-command at the Canadian embassy in Kabul until late 2007.

In both jobs, he visited detainees transferred by Canadian soldiers to Afghan prisons and reported his findings to Ottawa.

The Canadian government, which has thousands of troops in Afghanistan, has denied there is any firm evidence that detainees transferred by its officials were indeed tortured.

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