Friday, 8 May 2009

bailout: injection dans le cac40

http://www.la-chronique-agora.com/articles/20090508-1793.html

Huit semaines de hausse du CAC 40 : attention, danger !

par Philippe Béchade

Vendredi 08 Mai 2009

** Au soir du 30 avril, le marché parisien venait d'engranger 30% en huit semaines, sans avoir matérialisé la moindre consolidation. Ce rally haussier était historique, tant par sa forme que par son amplitude. Mais ce n'était qu'un hors-d'oeuvre puisque le mois de mai débute sur une hausse de 6% supplémentaires avec un CAC 40 qui s'envolait jeudi midi de 2,1% supplémentaires à 3 354 points -- avant de retomber sous 3 260 points.

De nombreux analystes s'interrogeaient depuis déjà une quinzaine de jours sur la formation d'une bulle boursière, l'expression "phase haussière maniaque" était même sur beaucoup de lèvres fin avril. Beaucoup de nos correspondants -- aussi bien traders que gérants d'OPCVM -- parlent désormais d'un rouleau compresseur dont on aurait retiré le frein et bloqué le levier de vitesse sur puissance maximum.

** Mais certains intervenants tiennent en aparté un tout autre discours ! Le très politiquement correct "le marché poursuit son rattrapage avec une vigueur rarement observée" se transforme vite au fil de la conversation en "c'est un truc de dingue, les vendeurs se font étriper, il n'y a pas de volumes mais ça monte comme lorsqu'on traitait 10 milliards d'euros par jour... jamais vu un marché grimper de cette façon linéaire, sans acheteurs". Ceci est une de synthèse de plusieurs commentaires, mais les extraits sont authentiques.

Même son de cloche du côté des analystes techniques. Officiellement, nous assistons à une tendance en ligne d'une durée exceptionnelle. Aucun indice de retournement ne se dessine, bien au contraire, la tendance haussière se renforce de nouveau et c'est tout bénéfice pour les acheteurs puisque "the trend is our friend" ["la tendance est votre amie", en français].

Traduit off the record, cela donne plutôt ceci : le pouvoir de prédiction de l'analyse technique tire sa substance de la psychologie du marché... mais la réalité aujourd'hui, c'est qu'il n'y aucune psychologie à analyser.

** Cette hausse est réglée comme du papier à musique, ou plutôt comme un programme informatique. Le plus singulier, c'est que des divergences baissières apparaissent mais le taux d'échec est de 100%, du jamais vu !

De tels mouvements d'expansion indiciels n'existent pas sans accroissement des volumes, or nous n'en détectons pas. Les acheteurs qui volent traditionnellement au secours de la victoire -- ce qui marque souvent l'imminence d'un retournement à la baisse -- ne se manifestent pas.

Tout fonctionne comme si n'y avait qu'un seul acheteur -- il pourrait s'agir de la catégorie des investisseurs institutionnels -- bien déterminé à tirer les cours le plus haut possible, en totale déconnection avec toute forme de réalité économique ou d'anticipation conjoncturelle plausible.

L'optimisme linéaire, cela n'existe pas et cela n'a jamais existé. Même si la confiance des investisseurs est au zénith pendant une période aussi longue que deux mois, les indices subissent des consolidations ponctuelles et proportionnelles à l'ampleur des mouvements de cours les ayant précédés, certaines catégories d'opérateurs mettant en place des stratégies de couverture, arbitrant au profit d'autres classes d'actifs, etc.

Rien de tel ne se passe cette fois-ci. A force de vouloir orchestrer la hausse parfaite, ceux qui tiennent le marché dans le creux de leur main démontrent paradoxalement qu'il n'y a justement plus de véritable marché et que les cours de Bourse n'ont plus aucune autonomie. La manipulation indicielle qui était l'exception -- il fallait des circonstances particulières pour que cela fonctionne sans anicroche -- est apparemment devenue la règle... car plus rien ne semble s'y opposer.

** Nous avons multiplié les interviews, les tables rondes, les coups de fil à droite et à gauche, nous ne trouvons aucun correspondant qui se déclare acheteur. Comme nous l'expliquions hier, les particuliers restent hors jeux, les gérants de portefeuille ne rentrent pas dans un marché où ne s'ouvre aucune fenêtre après 25% ou 30% de progression et les assureurs -- privés de marges de manoeuvre par l'hémorragie vers les Livrets A -- courent après l'argent...

Alors d'où vient-il, ce précieux argent ? Nous sommes incapables de trouver en France un intervenant qui déclare avoir investi dans les actions les liquidités qu'il conservait "au cas où".

La réponse ne vous surprendra guère : cet argent, c'est celui des contribuables américains et dont quelques très grosses banques américaines sont inondées.

C'est donc de l'argent emprunté et pour le restituer à leurs légitimes propriétaires, il va falloir trouver de bonne âmes -- nous redoutons qu'il s'agisse plutôt de pigeons -- pour racheter au prix fort ce que les brasseurs d'argent sponsorisés par le Trésor US vont bientôt tenter de revendre.

En d'autre temps, ils auraient pu compter sur le troupeau -- c'est-à-dire les éternels suiveurs de tendance, secondés par les malchanceux qui opèrent toujours à contretemps --, mais le troupeau a été tondu très ras depuis la mi-octobre 2007.

Ils se retrouvent donc tous seuls face à une salle de spectacles déserte. Il n'y a plus qu'à attendre que le rideau tombe sur la version 2009 de "Neuf semaines et demie". Les acteurs de cette pantalonnade boursière n'ont plus qu'à aller se rhabiller.

Philippe Béchade,
Paris

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