Friday, 5 September 2008

interview avec thierry meyssan

.
source réseau Voltaire

http://www.voltairenet.org/article157950.html

http://www.voltairenet.org/article157952.html

Entretien avec Thierry Meyssan

Un humaniste face à l’impérialisme

L’association Reopen 911, qui milite pour la réouverture de l’enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, a réalisé un entretien avec Thierry Meyssan à l’occasion du 7e anniversaire ce cet événement. L’auteur de L’Effroyable imposture y répond avec une franchise déconcertante. La publication de ce dialogue à bâtons rompus a suscité de vives polémiques sur le forum de l’association, de sorte qu’un second entretien a été organisé peu après. Nous publions l’intégrale de cette interview peu ordinaire.

2 septembre 2008

Depuis
Beyrouth (Liban)


ReOpen911 : Suite à la parution de L’Effroyable Imposture, « on » (Gérard Miller, Pascal Bruckner, Pierre Marcelle, Alain Finkelkraut, Caroline Fourest, liste non exhaustive…) vous a souvent présenté comme un « révisionniste », vous comparant même à M. Faurisson ; outre que cela permet à moindres frais d’éviter de répondre aux questions et aux points pertinents que soulèvent vos analyses, cela a ancré, par amalgame, dans les esprits d’un grand nombre de nos concitoyens l’idée fausse que vous seriez antisémite.

Vous avez pendant longtemps préféré ne pas vous expliquer sur des injures aussi odieuses qu’infondées et autres calomnies (quiconque peut le constater par soi-même en lisant vos livres ou en consultant le site du Réseau Voltaire de fond en comble : il n’y a pas le moindre propos antisémite, évidemment). Cependant, ne pas y répondre, c’est aussi laisser le champ libre à vos détracteurs ; baisser la garde, n’est-ce pas faire le jeu de ces « salauds », pour reprendre l’élégante formule que M. Fabrice Nicolino (Politis du 11 avril 2002) avait eu à votre égard ?

Thierry Meyssan : Mes détracteurs jouent sur les mots. Comme l’a noté Pierre Vidal-Naquet, le terme « révisionniste » s’applique à tout historien qui fait son travail, celui de réviser les préjugés. Aussi refusa-t-il d’utiliser ce mot pour qualifier ceux qui nient le massacre des juifs d’Europe et lui préféra-t-il celui de « négationnistes ». Cependant mes détracteurs créent une confusion dans l’esprit du public en me traitant de « révisionniste » et en faisant allusion simultanément au professeur Faurisson, condamné maintes fois pour antisémitisme. Ainsi, sans l’avoir dit, ils suggèrent que je suis antisémite.

Je suis humaniste et j’ai lutté —bien plus que ceux qui m’insultent— contre toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme. En qualité de président du Projet Ornicar, j’ai même reçu les félicitations du Mémorial Yad Vashem, la plus haute autorité morale en la matière. En qualité de président du Réseau Voltaire, j’ai animé le Comité national de vigilance contre l’extrême droite, qui a réuni chaque semaine pendant plusieurs années les 45 plus importantes organisations de gauche (partis politiques, syndicats, associations, loges maçonniques).

Lors de la campagne médiatique organisée contre moi, en 2002, j’ai porté plainte pour diffamation contre une douzaine de journaux qui avaient suggéré que j’étais antisémite. J’étais défendu par Me Bernard Jouanneau, qui est précisément l’avocat à l’origine de la jurisprudence contre les « négationnistes ». Globalement, pour des propos quasi-identiques, j’ai gagné les procès à Versailles et perdu ceux à Paris. La Cour d’appel de Paris a reconnu que j’avais été diffamé, mais a considéré que je l’avais bien cherché et qu’il n’y avait pas matière à appliquer la loi et à condamner mes adversaires.

Un pas a été franchi par Pierre Rigoulot. Le co-auteur du Livre noir du communisme a écrit dans son livre sur L’Antiaméricanisme que je niais qu’il y ait eu un attentat contre le Pentagone. Et il m’a attribué entre guillemets une citation antisémite avec référence en bas de page. Il a été condamné pour cela. Depuis, personne ne s’est avisé d’inventer d’autres citations de ce type.

ReOpen911 : Pourquoi ne vous défendez-vous pas contre ces suspicions d’antisémitisme ? Comment convaincre les ReOpenistes et au-delà les sympathisants de l’objectif que s’est fixé cette association, que le Réseau Voltaire n’est pas antisémite. M. Meyssan, que faites-vous concrètement, personnellement et/ou au travers de voltairenet.org, pour combattre cette image d’antisémitisme, qui vous est attribuée par vos détracteurs. Par exemple, avez-vous des contacts avec les communautés juives de France ?

Thierry Meyssan : Comme je vous l’ai dit à l’instant, mon action passée est la preuve de mon humanisme. Il n’y a de place à une suspicion d’antisémitisme que pour des gens de mauvaise foi. Au demeurant, je ne m’intéresse pas à démentir que je sois antisémite, mais à agir contre l’antisémitisme. Je n’ai pas de contact avec les communautés juives de France en tant que telles, ni avec aucune communauté religieuse quelle qu’elle soit, car je suis laïc et ne pense pas que les problèmes politiques doivent se régler ainsi.

Une explication est ici nécessaire. Mes convictions humanistes me conduisent à condamner identiquement toute forme de discrimination fondée sur l’appartenance réelle ou supposée à un groupe de population. Je condamne donc à la fois non seulement l’antisémitisme et le sionisme, mais aussi l’amalgame entre les juifs et les crimes perpétrés par l’État d’Israël. Or, profitant du fait que toute personne reconnue comme juive par l’État d’Israël est éligible à la nationalité israélienne, le mouvement sioniste tente d’assimiler anti-sionisme et antisémitisme.

Dès sa création, en 1994, le Réseau Voltaire a combattu toutes les formes d’intolérance. Il y avait unanimité entre nous lorsque nous avons mené campagne contre les idées racistes de l’extrême droite. Dans l’affaire du DPS (Département protection sécurité), nous avons pris de grands risques, travaillé avec l’ambassade d’Israël et suscité une commission d’enquête parlementaire. Jean-Marie Le Pen et le Front national m’ont poursuivi en justice avec le Réseau Voltaire parce que j’avais évoqué la préparation d’une « nuit de cristal ». Aucun avocat n’ayant accepté de nous défendre, j’ai plaidé moi-même ma défense. J’ai gagné. Cependant, tout a changé lorsque, à partir de 1999, nous avons étendu notre action à l’étranger. J’ai eu la surprise de constater que certains de nos administrateurs, sincèrement engagés dans la lutte contre le racisme, défendaient des principes opposés lorsqu’il
s’agissait du Proche-Orient. Là-bas, ils se satisfaisaient très bien de l’apartheid israélien. Notre conseil d’administration est devenu un champ de bataille. En définitive, les administrateurs sionistes ont été mis en minorité. Ils ont démissionné, les uns après les autres, non sans insulter avec un acharnement particulier un de nos administrateurs qui est juif antisioniste. Ils ont répandu, via Internet, des calomnies contre lui dans l’espoir de ruiner son entreprise, ce qu’ils ne sont pas parvenus à faire.

Dans la situation politique internationale actuelle, je pense que le meilleur moyen d’agir contre l’antisémitisme, c’est de dénoncer la prétention illégitime de l’État d’Israël à représenter les juifs dans leur ensemble et à les rendre responsables des crimes du sionisme. Je l’écris de manière récurrente dans mes articles.

ReOpen911 : Vos 2 livres L’Effroyable Imposture puis Le Pentagate ont permis d’amorcer le débat et suscité une énorme controverse sur le sujet. Ils ont aussi eu pour conséquence de vous disqualifier dans tous les médias dominants : votre nom ne peut plus être prononcé sans que se déchaînent des passions le plus souvent irrationnelles ; vous êtes devenu une sorte de « pestiféré » du journalisme à tel point que nous ne pouvons plus vous citer sans prendre le risque de devenir inaudibles. Avec le recul de ces 6 années, changeriez-vous de stratégie si vous aviez à réécrire ces livres et modifieriez-vous votre argumentaire ?

Thierry Meyssan : Non, je ne changerais rien du tout.

Beaucoup de gens me disent que mes livres sont mal écrits, que mon travail n’était ni fait, ni à faire, et que si j’avais suivi leurs conseils il en serait autrement. Toutefois aucun d’entre eux n’a fait quoi que ce soit pour faire éclater la vérité. La stratégie que j’ai choisie était la seule que j’étais capable de mettre en œuvre. Je l’ai fait et je l’assume. Je suis fier d’avoir ouvert cette polémique et d’avoir ouvert les yeux de centaines de millions de gens. J’en paye le prix, c’est normal. On ne peut pas défier le plus grand empire de l’Histoire sans conséquences.

Au demeurant, si je suis un « pestiféré du journalisme », comme vous dites, dans les pays de l’OTAN, il n’en est pas de même ailleurs où l’on m’attribue au contraire des distinctions.

ReOpen911 : L’attaque sur le Pentagone reste l’un des sujets les plus mystérieux du dossier du 11/9 ; la théorie du missile que vous avez soutenue avec Pierre Henri Bunel, reste d’ailleurs très débattue à l’intérieur même du Truth Movement et jusqu’au sein de ReOpen911 également. De nombreux membres (du Forum ou de l’association) continuent de réfléchir à ce sujet, quelle est votre opinion sur ce sujet précis aujourd’hui ? A-t-elle évoluée ces dernières années ? Dans les deux cas, pourquoi ?

Thierry Meyssan : Dans L’Effroyable Imposture 1, je me suis contenté de noter que l’explication gouvernementale de ce qui s’est passé au Pentagone est idiote. À l’évidence aucun avion de ligne ne s’est écrasé à cet endroit. C’est ce point qui était important pour moi, car la théorie du Boeing a été utilisée par les États-Unis pour justifier devant le Conseil de sécurité de l’ONU l’attaque de l’Afghanistan.

J’ai été très étonné des réactions. Particulièrement lorsque j’ai lu le dossier du Monde assurant avec force vocabulaire scientifique qu’il est parfaitement normal qu’un avion se dématérialise. Je ne pensais pas que des gens éduqués nous feraient le coup du « Pentagone des Bermudes ». Je trouve plus subtil le travail de Pilar Urbano en Espagne. Cette célèbre journaliste a préféré reconnaître l’évidence et broder sur de possibles motifs de Sécurité nationale qui auraient obligé l’administration Bush à mentir sur ce point. De cette manière, elle a élaboré un argumentaire pour concilier la réalité avec le mythe du complot islamique mondial.

En définitive, j’ai proposé la théorie du missile lors de la conférence que j’ai présentée aux ambassadeurs de la Ligue arabe à Abou Dhabi. Je l’ai développée dans Le Pentagate, dont Pierre-Henri Bunel a bien voulu rédiger un chapitre. Je suis ouvert à toute autre hypothèse, mais pour le moment, celle-ci est la seule crédible.

ReOpen911 : Que pensez vous du mouvement pour la vérité sur le 11-Septembre aujourd’hui et quel avenir lui voyez-vous ? Comment évaluez-vous ses chances d’aboutir dans son combat ? Quel conseil de stratégie donneriez-vous au Truth Movement ?

Thierry Meyssan : Je suis enthousiasmé en voyant des citoyens de divers pays occidentaux, de plus en plus nombreux, refuser de gober la propagande impériale et chercher à se faire par eux-mêmes leur opinion sur les choses. C’est le signe d’une renaissance démocratique. Je ne m’étonne donc pas que le système ne cesse de minimiser leur action ou de les faire passer pour des cinglés. C’est le lot normal des dissidents dans les systèmes totalitaires.

Ce mouvement ne pourra aboutir que lorsqu’il aura terminé sa révolution copernicienne. Il y a beaucoup de gens qui continuent à croire que les institutions des États-Unis sont démocratiques et que le problème actuel est un incident de parcours imputable à la seule administration Bush. Je pense que c’est malheureusement faux et que nous devons affronter un impérialisme prédateur pour lequel tous les coups sont permis. Le 11-Septembre n’est pas un incident de parcours, c’est la nature même du système poussée à son paroxysme.

Cela dit, je m’interdis de donner des conseils à quiconque, car je ne sais pas ce qu’il en coûterait à chacun de les appliquer. Je m’efforce quant à moi de persévérer et de pousser toujours plus loin l’analyse politique.

ReOpen911 : À la page 51 de L’Effroyable Mensonge de MM. Dasquié et Guisnel, on apprend que ce H.M.-V. que vous remerciez à la fin de votre livre n’est autre qu’Hubert Marty-Vrayance, commissaire à la direction centrale des Renseignements généraux ! D’après les deux auteurs, il serait le « promoteur déterminé du complot, n’hésitant pas à avancer les éléments les plus irrationnels pour convaincre ses collègues ainsi que l’auteur ». Ce dernier s’en défend. À la page 65, on apprend dans un entretien (4 avril 2002) qu’il dit ne tirer ses informations qu’au travers de la presse… Pouvez-vous nous en dire plus sur M. Hubert Marty-Vrayance, ses idées, son rôle exact dans l’aide qu’il vous a apportée ?

Thierry Meyssan : Hubert Marty-Vrayance était le patron des Renseignements généraux dans la Nièvre. François Mitterrand avait souvent recours à lui pour mener hors hiérarchie des enquêtes sensibles. Il a pris contact avec moi, en 1990, dans le cadre d’une de ces enquêtes. Comme il avait fini par le connaître bien, il a été par la suite chargé par le directeur central Yves Bertrand, de me surveiller. Nous nous rencontrions de temps à autre et discutions afin que ses rapports sur mon activité prennent en compte mon point de vue.

Il se trouve qu’en 2001, il était comme moi et les deux auteurs que vous citez, membre d’une liste de discussion sur Internet consacrée à l’actualité du renseignement. Des centaines de professionnels y participaient, des magistrats, policiers, militaires et journalistes. Nous avons eu sur cette liste des échanges à propos des attentats du 11-Septembre. Il était sur la même ligne que moi. Il se peut que sa conviction se soit appuyée sur des éléments couverts par le secret Défense, d’autant qu’il travaillait alors au Secrétariat général de la Défense nationale, l’organisme rattaché au Premier ministre qui coordonne les services français de renseignement. En tout cas, il n’en a pas fait mention dans ces échanges et s’est borné, dans le respect de son statut, à ne citer que des sources ouvertes (presse et rapports publics).

J’ai utilisé certaines des références qu’il avait mentionnées et j’ai trouvé amusant de remercier en fin d’ouvrage le fonctionnaire chargé de me surveiller. J’ai eu tort, car au même moment les services français ont été traversés par un regain de tension entre atlantistes et gaullistes. Le commissaire Marty-Vrayance, qui jouait un rôle particulier dans plusieurs services à la fois, a été éjecté et érigé en bouc émissaire. Par la suite Nicolas Sarkozy s’est acharné sur lui et, en tant que ministre de l’Intérieur, l’a révoqué par décret de la fonction publique. Il a été accusé à tort de toutes sortes de crimes et incarcéré avant d’être blanchi de ce dont on l’accusait et d’être relaxé. Sur procès-verbal, il a été établi que la personne qui avait témoigné contre lui, avait menti à la demande d’un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Cet individu n’a pas été sanctionné.

ReOpen911 : Puisqu’apparemment vous avez vos entrées dans le monde du renseignement, pourriez-vous dire quelle est la tendance générale qui s’y dessine au sujet de la thèse officielle ? Avez-vous connaissance de politiques ou de journalistes qui, « en off », remettent en cause la version officielle du complot islamiste ?

Thierry Meyssan : On se méprend à propos de mes contacts dans les milieux du renseignement. Il se trouve que j’ai été élevé, adolescent, dans ce milieu. J’ai toujours connu des espions et je me suis toujours senti à l’aise parmi eux. Je connais leurs codes et leur dureté.

Quoi qu’il en soit, vivant désormais hors de la zone OTAN, je n’ai pas pu poursuivre les contacts dont je disposais dans le renseignement français. En revanche, au cours de mes voyages, j’ai eu l’occasion de rencontrer de très nombreux responsables du renseignement dans d’autres pays. Vu le niveau de mes relations politiques, il est normal que les responsables du renseignement en charge du 11-Septembre et de la politique US établissent des contacts avec moi lorsque je me rends dans leur pays.

J’ai observé, au cours des dernières années, que les nouveaux directeurs des principaux services de renseignement des États non alliés à Washington étaient souvent ceux qui avaient été en charge des enquêtes sur le 11-Septembre et qui, par conséquent, étaient les mieux informés sur le fonctionnement de l’empire US. En suivant les nominations dans les bulletins spécialisés, j’ai ainsi reconnu le nom de fonctionnaires qui étaient venu me voir lors de mes voyages et avec qui je suis parfois resté en relation.

ReOpen911 : Depuis des années, des dizaines de satellites scrutent le sol depuis l’espace, 24 heures sur 24. Le temps était dégagé aux USA ce 11 septembre 2001. Logiquement, on devrait avoir des images satellites des détournements… Que savez-vous à ce sujet ?
Disposez-vous d’informations précises que vous puissiez divulguer ?

Thierry Meyssan : Comme vous le savez, plusieurs exercices militaires avaient lieu ce 11-Septembre aux États-Unis, notamment une simulation d’attaque par des bombardiers nucléaires russes via le Canada. Toutes les puissances qui ont des moyens d’observation satellitaires avaient donc positionné leurs matériels pour suivre l’exercice et l’analyser.

Cependant, il ne suffit pas d’avoir des images. Il faut aussi avoir les bonnes questions pour les interpréter. Je pense que la Russie a été l’un des premiers États à reprendre ces images pour vérifier la version bushienne des événements. La plupart n’ont examiné ces images dans ce but qu’après la publication de mon livre.

Les armées s’interdisent de diffuser des images prises par leurs satellites espions de manière à maintenir un flou intimidant sur leurs capacités de surveillance. Avec le temps, cet impératif disparaît. Il y a un moment où il sera possible de les rendre publiques et où ce sera jugé opportun de le faire.

ReOpen911 : L’ancien chef d’état-major russe Leonid Ivashov, participait à la conférence Axis for Peace. D’après vous, comment se porte le mouvement du 11/9 en Russie ? Est-il toléré voire soutenu par les autorités ? Est-il restreint à un groupe de spécialistes (journalistes, experts) ou est-il popularisé dans la société civile par des livres, des magazines ou des reportages télévisés comme c’est le cas au Japon par exemple ? Y a-t-il sur ce sujet plus de liberté en Russie qu’en France ?

Thierry Meyssan : Le général Ivashov était en poste le 11 septembre 2001. Avec son état-major, il observait l’exercice militaire US quand les attentats sont survenus. Sa première préoccupation était d’éviter une méprise, de faire passer le message à son homologue US que la Russie n’était impliquée dans les attentats et que la troisième guerre mondiale n’était pas déclenchée. On sait que le Président Vladimir Poutine n’a cessé de tenter de joindre son homologue ce jour-là, mais que le Président George W. Bush n’a pas répondu à ses appels, comme s’il savait à quoi s’en tenir.

Dans les jours suivants, le général Ivashov a demandé diverses vérifications. Ses services lui ont rapidement indiqué qu’il s’agissait d’un complot intérieur et non extérieur. Le premier point qui les a alertés est l’effondrement des trois tours du World Trade Center. Les experts militaires ont rapidement conclu qu’elles étaient piégées avec des explosifs. Je vous rapporte ici les propos du général.

En Russie, la question du 11-Septembre continue à faire débat. En décembre dernier, alors que je faisais une présentation audiovisuelle devant différents responsables russes, le général Anatoly Koulikov (ancien ministre de l’Intérieur) m’a pris à partie. Il refusait en bloc mon travail, sans argument précis, uniquement parce que la remise en cause du mythe du complot islamique mondial remettait aussi en cause son traitement de la question tchétchène.

Quoi qu’il en soit, notre point de vue est aujourd’hui celui du Président Dmitry Medvedev, du Premier ministre Vladimir Poutine et du directeur du FSB, Alexander Bortnikov.

Ce sujet a été largement abordé dans les médias. J’ai participé à des émissions de radio et de télévision à Moscou dès 2002. Cependant, le souci de maintenir de bonnes relations avec les États-Unis poussait les hommes politiques et journalistes russes à la prudence. Cette retenue n’a plus lieu d’être depuis l’agression états-uno-israélienne contre l’Ossétie du Sud, par Géorgie interposée. On pourra le constater dans les prochaines semaines.

ReOpen911 : L’identification de Mohammed Atta en tant qu’agent de la CIA par la cellule Able Danger est-elle un signe de « complot interne » (inside job) impliquant la cellule des P2OG de Rumsfeld et de William Schneider ?

Thierry Meyssan : Les États-Unis essayent à la fois de nous convaincre qu’ils ont été surpris par les attentats (ce qui explique qu’ils n’ont pas su les empêcher) et qu’ils savaient tout d’al-Qaïda (ce qui confirme rétrospectivement le complot islamique mondial). Ils ne cessent donc de multiplier les informations contradictoires sur ces sujets.

Après le 11-Septembre, Washington a essayé de donner de l’épaisseur à al-Qaïda. Jusque-là, il s’agissait uniquement d’une appellation générique pour désigner des mercenaires musulmans. Les hommes de ben Laden avaient servi sous les ordres de la CIA en Afghanistan contre les Soviétiques. On les avait vu par la suite créer la légion arabe en Bosnie-Herzégovine, puis l’émirat de Tchétchénie. Avec l’aide de l’Allemagne, ils avaient été intégrés à l’état-major de l’OTAN durant la guerre du Kosovo. On les a même vu appuyer les Géorgiens contre les Ossètes. Cependant, après le 11-Septembre, on les a désigné comme des ennemis tout en continuant à les utiliser, mais de manière beaucoup plus structurée. Par exemple, ici au Liban, ils ont vainement tenté de faire jouer la solidarité sunnite et de soulever les réfugiés palestiniens contre le Hezbollah, avant d’être écrasés au camp de Nahr-el-Bared par
l’armée libanaise, équipée par la Syrie. Ou encore, ces jours-ci, ils essayent de mobiliser les Ouïghours en multipliant les attentats au Xinjiang chinois. Dans tous ces cas, les branches locales d’al-Qaïda se résument à des mercenaires recrutés dans les milieux intégristes sunnites, formés au Pakistan ou en Jordanie et rémunérés par le prince Bandar d’Arabie saoudite pour le compte de la CIA ou du Pentagone. Peu importe que ces mercenaires croient servir les États-Unis ou les combattre. Qu’ils en soient conscients ou que ce soit à leur insu, leur chaîne de commandement remonte à Washington.

Simultanément, le Comité des Six, présidé par Condoleezza Rice, a ordonné enlèvements et tortures. En 7 ans plus de 80 000 personnes ont été « traitées » dans les prisons secrètes de la CIA et dans les 17 prisons offshore de la Navy. 26 000 sont encore séquestrées.

Ces gens n’ont pas été arrêtés et jugés par des tribunaux judiciaires à l’issue de débats contradictoires. Ils ont été happés par une gigantesque machine à broyer les vies. Les techniques d’interrogatoire déterminées par le Comité des Six n’ont pas pour but d’obtenir des informations. Elles sont fondées sur les recherches du professeur Albert D. Biderman. Leur but est d’inculquer des réponses aux victimes, jusqu’à ce qu’ils s’accusent de crimes qu’ils n’ont pas commis et qu’ils en soient convaincus eux-mêmes. Beaucoup sont réfractaires à ce lavage de cerveau, mais vu le nombre de sujets, on dispose maintenant de quantité d’aveux imaginaires. Des gens qui ont perdu la raison s’accusent de tout et de n’importe quoi et sont prêts à en témoigner. Cependant, on doit recourir à des juridictions d’exception pour les tenir à distance de leurs avocats, car leur propos délirants ne résistent pas à un
contre-interrogatoire.

Dans ces conditions, la théorie du complot interne et celle du complot externe se rejoignent. Pour Washington, oser produire des aveux de cette nature, c’est s’accuser soi-même. Paradoxalement, c’est la raison pour laquelle les « grandes âmes » occidentales ne s’indignent pas de ces horreurs. Bernard Henri-Lévy s’est même rendu à Guantanamo pour jouer le témoin de moralité des tortionnaires et en a fait un livre abject. S’ils dénonçaient cette machine, ils devraient reconnaître qu’elle a été créée pour poursuivre l’imposture du 11-Septembre.

ReOpen911 : Pensez-vous que le néo-conservatisme occidental a les moyens d’atteindre ses objectifs d’hégémonie globale sur le reste du monde ? Dans ce contexte, pensez-vous que dans la stratégie de remodelage du grand Moyen-Orient « l’étape iranienne » puisse être franchie avant les prochaines élections présidentielle US ?

Thierry Meyssan : L’empire a surdéployé ses troupes et négligé son économie intérieure. C’est un colosse aux pieds d’argile qui peut s’effondrer en quelques années et disparaître, comme l’Union soviétique l’a fait.

Les États-Unis sont un prédateur qui a besoin de guerre pour se nourrir. Mais, ils n’ont plus les moyens de confrontations d’envergure. Ils ne peuvent plus se permettre d’attaquer l’Iran et ils ont laissé tomber la Géorgie.

Comme je l’ai expliqué dès la fin 2007, le tandem Bush-Cheney a perdu la main. Les forces armées des États-Unis obéissent désormais à un groupe d’officiers supérieurs réunis autour du secrétaire à la Défense Robert Gates. Ces mutins ont parfaitement conscience que l’attaque de l’Iran serait l’aventure de trop. Ils s’y sont opposés et ils s’y opposeront.

Le projet de remodelage du Grand Moyen-Orient était de toute manière voué à l’échec depuis la défaite israélienne au Liban, comme je l’ai expliqué dans L’Effroyable Imposture 2.

ReOpen911 : Vous avez quitté la France en affirmant que votre sécurité n’était plus assurée ; peut-on en conclure que sous la présidence de M. Chirac vous aviez bénéficié d’une protection que le nouveau Président n’a pas souhaité maintenir ?

Thierry Meyssan : Correct.

ReOpen911 : Votre sécurité est-elle bien assurée aujourd’hui ? Quelle est aujourd’hui votre liberté de mouvement ?

Thierry Meyssan : Je fais attention à ne pas entrer dans la zone OTAN et à ne pas prendre de compagnies d’aviation de pays de l’OTAN. Washington surveille néanmoins mes allées et venues et me le rappelle quand cela est possible. Par exemple, il y a quelques mois, j’ai été brièvement interpellé par la police à Vienne, alors que l’Autriche est un État neutre, afin de relever sur mon passeport l’ensemble de mes visas et les dates de mes déplacements.

Le risque est permanent. En décembre, la police vénézuélienne m’a évacué en force lors d’une conférence dans un ministère pour éviter qu’il ne m’arrive malheur. Je ne vous en dirai pas plus : pour être efficaces, les mesures de sécurité ne doivent pas être discutées en public.

ReOpen911 : Comment expliquez-vous que les champions français de la défense des droits de l’homme, toujours prêts à voler au secours d’un Redeker ou d’un Sifaoui, ne se soient jamais prononcés sur votre départ forcé, et pourquoi avoir préféré partir plutôt que de médiatiser les menaces qui pèsent sur vous ?

Thierry Meyssan : Les gens auxquels vous faites allusion ne défendent pas les droits de l’homme. Ils instrumentalisent cet idéal pour défendre la puissance dominante. Je n’attends rien d’eux.

Normalement, j’aurais dû à la fois porter plainte pour menaces de mort proférées par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions et ameuter les médias. Mais ces fonctionnaires se considèrent en service commandé et les médias ne cessent de me traiter de paranoïaque. J’ai pris la décision de m’exiler en pensant avoir du temps devant moi. J’ai commencé à boucler mes affaires sans me presser. Puis j’ai compris que cela devenait dangereux. J’ai appelé mes amis à l’aide. Les premiers à m’avoir répondu sont des Syriens. J’ai fait mes bagages et je suis parti à Damas. En définitive, je viens de me fixer à Beyrouth.

ReOpen911 : Votre article explosif de juillet 2008 dans lequel vous revisitez la fabrication de M. Sarkozy par les services US est une attaque frontale violente. Une démonstration implacable de qui gouverne la France ! Faut-il comprendre que vous livrez à M. Sarkozy un combat à mort, et que votre retour d’exil est impossible tant qu’il sera au pouvoir ?

Thierry Meyssan : Mon retour ne sera pas possible tant que la France sera aux mains de traîtres.

ReOpen911 : Le CSIS (Center for Strategic and International Studies) de Ray Clyne (ancien patron de Christine Lagarde, actuelle ministre de l’Économie) est-il un outil d’entrisme et d’ingérence dans la souveraineté de la France ? Le traité européen dit simplifié (ou encore « mini traité ») a-t-il pour but de détruire les institutions françaises et de lui ôter sa capacité de vote au Conseil de sécurité de l’ONU ?

Thierry Meyssan : Le CSIS est un think-tank états-uno-saoudien, lié à la famille Bush. Nous lui devons Christine Lagarde qui fait aujourd’hui rédiger les notes de ses collaborateurs à Bercy en anglais et coupe les ailes de l’industrie française.

Le maxi traité européen présenté par Nicolas Sarkozy visait en premier lieu à poursuivre la transformation de l’Union européenne en une zone de libre échange toujours plus vaste, tout en la diluant politiquement. Puis, à rendre ses institutions compatibles avec celles de l’Accord de libre-échange nord-américain, [l’ALENA], en vue d’une fusion ultérieure au sein d’un vaste marché transatlantique, politiquement dominé par Washington.

Même si ce projet est pour le moment interrompu, des institutions transatlantiques fonctionnent déjà, hors traité. Ainsi en est-il des centaines d’enlèvements perpétrés par la CIA dans l’Union européenne au cours des dernières années avec l’assentiment du Conseil européen et parfois la complicité active des gouvernements européens. Washington ordonne, les gouvernements européens obéissent au mépris de leurs lois nationales. La France de Chirac a résisté à cet asservissement, aucun cas d’enlèvement n’est connu durant ses mandats. Il n’en est pas de même avec la France de Sarkozy : voyez l’enlèvement en plein Paris de Mohammed As-Siddik en mars dernier, sans aucune réaction du gouvernement français. De même, l’Assemblée transatlantique, qui n’a aucune base juridique, a commencé ses travaux. À titre expérimental des députés délégués par le Parlement européen ont siégé l’an dernier avec des membres du
Congrès états-unien dans une assemblée d’opérette.

Comprenez bien : depuis le rapport Wolfowitz de 1991, les États-Unis considèrent comme une priorité d’empêcher l’Union européenne d’entrer en compétition avec eux. Ils acceptent qu’elle soit un géant économique, mais veulent la tailler comme un bonzaï et en faire un nain politique.

ReOpen911 : Pensez-vous que la sortie des USA du traité ABM, juste après le 11-Septembre soit une coïncidence ou peut-il s’agir d’un des objectifs des attentats ? Cette obsession flagrante est visible dans le PNAC et perdure depuis la création de l’IDS de Reagan. Delmart Vreeland en parle lors d’un entretien avec Mike Ruppert, mais sans connaître la portée stratégique du bouclier anti-missiles. Cette initiative stratégique de défense est-elle constitutive d’un retour de la guerre froide et présage-t-elle d’un futur affrontement USA-Europe contre Russie-Chine ?

Thierry Meyssan : Bien sûr, la sortie du traité ABM se situe dans le projet du PNAC et dans la logique des attentats du 11-Septembre. Ceux-ci ont d’ailleurs été évoqués pour rompre unilatéralement le traité.

Bien que MM. McCain et Obama soient partisans d’un affrontement avec la Russie, je ne pense pas que les États-Unis en aient les moyens. Comme on vient de l’observer dans le Caucase, ils ont sous-estimé leur compétiteur.

Washington pensait que malgré le redressement économique russe, Moscou n’avait pas retrouvé les moyens de sa puissance. Certes ses troupes spatiales et aériennes sont remarquables, mais sa marine est faible et son armée de Terre ne s’est pas relevée de l’effondrement de l’URSS, assurait-on. La Géorgie n’étant pas membre de l’OTAN, Washington a sous-traité son encadrement militaire à Israël. Un Israélien a été nommé par le Président Saakashvili, ministre de la Défense. Il a équipé l’armée géorgienne d’armes israéliennes et des sociétés israéliennes sont venues dispenser une formation aux militaires géorgiens. Il y a deux semaines, les Israéliens se sont retirés de manière à pouvoir nier toute responsabilité dans l’attaque, à défaut de pouvoir la nier dans sa préparation. Moscou a informé Washington des préparatifs géorgiens et a demandé à l’administration Bush de retenir ses alliés. Mais la
Maison-Blanche, sûre de son coup, a donné un feu vert à Saakashvili. Les troupes géorgiennes, appuyées par 2 500 mercenaires, ont attaqué l’Ossétie du Sud et massacré 1 600 personnes. Les Russes, qui se tenaient prêts, sont immédiatement venus rétablir l’ordre en vertu des accords internationaux. Ils ont pris le contrôle de la totalité du pays en quelques heures, s’abstenant de prendre Tbilissi pour ne pas donner l’impression d’annexer le pays. C’est une nouvelle défaite militaire pour les conseillers israéliens (il s’agit des généraux qui ont perdu la guerre de 2006 contre le Liban) et une première défaite politique pour les États-Unis. Le vent est en train de tourner.

L’extension de l’OTAN à l’Est est une menace pour la paix. Cette organisation aurait dû être dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. Bush père en avait pris l’engagement auprès de Mikhaïl Gorbatchev. C’est sa conseillère de l’époque, Condoleezza Rice qui a manigancé ce marché de dupes. Elle a organisé la réunification allemande de sorte que l’Allemagne de l’Est est entrée dans l’OTAN sans avoir à le dire. Puis, elle a orchestré le glissement à l’Est.

Les États-Unis n’ont pas cessé d’attaquer la Russie depuis la fin de l’Union soviétique. Ils ont cherché à la démanteler à son tour en créant l’émirat de Tchétchénie (qui a servi de modèle à celui des Talibans en Afghanistan), ils ont organisé son pillage économique par des oligarques, ils l’ont encerclée via l’OTAN, ils la menacent avec des missiles offensifs joliment nommés « bouclier » par leur propagande, ils détournent les voies d’acheminement des hydrocarbures pour qu’elles s’éloignent du territoire russe, etc. À n’en pas douter, l’amputation de la Serbie et la création artificielle d’un Kosovo sous tutelle de l’Union européenne auront été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cela aura montré que la guerre de l’OTAN au Kosovo était bien une guerre de conquête, et que les Européens comme les États-uniens et Israël se moquent du droit international et de la souveraineté des
peuples.


Entretien avec Thierry Meyssan (seconde partie)
Un humaniste dans la Résistance

L’entretien réalisé par ReOpen911 avec Thierry Meyssan a suscité bien des critiques sur le forum de cette association. Sans remettre en cause les propos du président du Réseau Voltaire, certains lecteurs s’interrogeaient sur sa crédibilité au regard des révélations des grands médias sur ses fréquentations. Une seconde session de questions-réponses a donc été organisée au cours de laquelle les membres de ReOpen911 ont pu vider leur sac et Thierry Meyssan leur répondre avec la même franchise. Suite et fin de ce dialogue décapant.
--------------------------------------------------------------------------------



ReOpen911 : M. Meyssan, vous terminiez notre précédent entretien par ces mots : « Je vous invite à renouveler [ce type d’]échange si vous continuez à vous interroger sur les prises de position que m’attribuent les médias. Je serais heureux de les préciser, de les expliquer et de lever de possibles malentendus. » Bien que ReOpen911 n’ait nullement pour vocation de devenir votre tribune, il nous apparaît effectivement essentiel de le faire tant les malentendus sont nombreux, d’autant plus que ReOpen911 y a été associée ! Pour commencer, et lever toute « ambiguïté » à ce sujet, quelles sont vos relations avec l’extrême droite, ses idées, le Front National et plus précisément avec son nouveau conseiller culturel, M. Alain Soral que vous avez rencontré à plusieurs reprises ?

Thierry Meyssan : Je ne m’attendais pas à ce que vous saisissiez la balle au bond et que vous demandiez un nouvel entretien dans un si bref délai. En revanche, je ne doutais pas que vous souhaiteriez une clarification de mes positions politiques, vu les âneries que l’on véhicule à mon sujet.

Cette clarification exige que votre question elle-même soit claire. Or, vous placez au même plan un homme, un parti, un courant politique et une idéologie. Je me réclame de la pensée des Lumières et du radicalisme. À ce titre, je veux développer le débat démocratique, y défendre mes idées et en réfuter d’autres. Précisément, le débat démocratique ne se développe que lorsque l’on accepte de se confronter aux gens dont on ne partage pas les idées.

J’ai toujours activement combattu les idéologies d’exclusion, que ce soit le racisme ou l’antisémitisme, l’apartheid ou le sionisme, etc. Ceci m’a conduit à publier de nombreux articles polémiques et à participer à quantité d’émissions de radio et de télévision où je me suis notamment opposé à des représentants du Front National.

Jusqu’à la guerre du Kosovo, l’action du Réseau Voltaire en général et la mienne en particulier ont été unanimement reconnues à gauche au point que les principaux partis politiques, syndicats, associations et loges maçonniques de gauche m’ont confié à plusieurs reprises l’animation du Comité national de vigilance contre l’extrême droite.

Pour mener à bien ce combat idéologique, j’ai mis en place au sein du Réseau Voltaire un observatoire des extrêmes droites. Nous avons analysé en détail la plupart de leurs discours et de leurs publications et nous avons élaboré des argumentaires pour leur répondre. Pour compléter nos analyses, j’ai interviewé de nombreux leaders d’extrême droite. Je me suis efforcé de comprendre leur point de vue et d’apprécier leurs qualités humaines. Cela n’a jamais modifié en quoi que ce soit mes convictions, mais m’a conduit à changer mon regard sur eux.

Alors que certains médias et organisations faisaient campagne pour l’interdiction du Front National, j’ai au contraire milité pour une réforme du mode de scrutin qui lui permette de représenter ses électeurs à l’Assemblée nationale. Alors que certains s’efforçaient de diaboliser ce parti, j’ai milité pour que l’on prenne en considération les préoccupations de ses électeurs et qu’on y apporte des réponses conformes à nos valeurs. J’insiste sur ce point : une analyse précise du discours de Jean-Marie Le Pen m’a convaincu que son succès électoral n’avait rien à voir avec une épidémie de racisme, mais avec la détresse de ceux de nos concitoyens qui ont été les victimes de la colonisation et de la décolonisation, qui se sont sentis manipulés, puis abandonnés par l’État. A contrario, la diabolisation dont Jean-Marie Le Pen et ses électeurs ont fait l’objet prolonge la lâcheté d’une classe dirigeante
incapable d’assumer ses erreurs historiques.

Simultanément, j’ai considéré que nous devions réprimer les groupes paramilitaires qui s’étaient formés à l’intérieur et autour du Front National. Comme vous le savez peut-être, cette initiative a débouché sur la création d’une commission d’enquête parlementaire, la mise à jour de comportement illégaux, et en définitive l’éclatement du Front National entre lepénistes et mégrétistes. Cette démarche a été soutenue par mon parti, le PRG, mais perçue avec inquiétude par d’autres formations politiques.

Je regrette de ne pas avoir pu continuer cette lutte et d’avoir cédé devant des partis politiques qui trouvent un intérêt électoral à diaboliser le Front National pour affaiblir la droite. Ce faisant, non seulement ils laissent certaines idées se répandre faute de les avoir réfutées, mais surtout ils développent eux-mêmes l’intolérance qu’ils prétendent combattre. En définitive, je pense que les médias et les organisations qui ont manifesté pour l’interdiction du Front National représentent un danger pour la démocratie et j’observe que le Front National, lui, n’a pas inscrit dans son programme l’interdiction de partis politiques. Enfin, j’estime que si le Front National, ses électeurs et ses militants, étaient traités normalement, ils se sépareraient de certains éléments fanatiques et apporteraient une contribution légitime au débat parlementaire. Je ne vois pas comment on peut concevoir la démocratie si l’on
ne comprend pas cette position voltairienne.

Concernant, Alain Soral, j’ai fait sa connaissance à l’été 2006 lors d’un voyage de soutien au peuple libanais. Il n’avait pas encore rejoint le Front National et était étiqueté communiste. Il se montrait provoquant et la sympathie entre nous n’a pas été immédiate. Pourtant, j’ai vite apprécié son indépendance d’esprit et son courage. Nous avons traversé ensemble un pays en ruines, vécu des moments tendus dans lesquels chacun révèle le fond de lui-même, et nous sommes restés amis.

ReOpen911 : À l’identique, on vous reproche également vos relations avec Dieudonné. Votre voyage au Liban en sa compagnie (et celle de M. Soral) en été 2006, c’est-à-dire juste après l’intervention militaire de l’armée israélienne contre le Hezbollah. Cette compagnie, plus que le but de la visite même qui a été quasiment éclipsé, a étonné beaucoup de nos compatriotes, et a renforcé le sentiment chez certains que vous aviez rejoint le FN. Cette lecture simpliste des choses a par ailleurs été renforcée par des articles mensongers (on se souvient d’un article paru dans Libération auquel vous aviez répondu sur le Réseau Voltaire) qui annonçaient votre ralliement au FN. Apparemment, vous n’êtes pas conscient du « malaise » (en fait, plutôt de la haine) que suscitent ces liens ? Ou alors cela vous est égal. Mais ne croyez-vous pas qu’il est important d’être entendu pour être compris ?

Thierry Meyssan : J’ai croisé Dieudonné dans les années 1980, lorsque les partis de gauche fuyaient devant le Front National et qu’il s’est présenté à Dreux contre Marie-France Stirbois. Je l’ai revu après les attentats du 11-Septembre lorsqu’il a ridiculisé à la fois le discours sur ben Laden et celui de ben Laden. Après l’avoir ainsi vu se positionner contre le racisme et contre l’impérialisme, je l’ai vu s’opposer au sionisme. En 2005, je l’ai invité à la conférence Axis for Peace. Et c’est logiquement qu’à l’été 2006 j’ai envisagé avec lui d’organiser un voyage de leaders d’opinion au Liban pour y témoigner de ce qui s’y passait. En définitive, les personnalités qui s’étaient portées volontaires ont renoncé les unes après les autres à se rendre dans un pays en guerre. Lorsque le voyage a eu lieu, nous n’étions qu’un petit groupe et les hostilités venaient d’être interrompues.

Dieudonné n’est pas un politicien professionnel. C’est un bouffon qui se moque de nos incohérences et nous renvoie une image ridicule de nous-mêmes. Apparemment tout le monde n’a pas le sens de l’humour et n’accepte pas d’être remis en question par un saltimbanque. Il a fait à son tour l’objet d’une campagne de haine car le rire qu’il provoque met à mal l’hypocrisie et la langue de bois. Où qu’il se trouve, ses propos sont enregistrés et décortiqués. On leur attribue un sens répugnant en les sortant de leur contexte. Tout cela est bien loin de la démocratie.

Il m’a invité à son spectacle au Zénith. Je me suis trouvé assis au carré VIP parmi des personnalités de tous bords. Libération — qui avait publié 25 articles pour me descendre à la publication de L’Effroyable Imposture — a inventé de nouvelles âneries à cette occasion. Ce quotidien a prétendu à ses lecteurs que j’avais rejoint le Front National car j’avais serré la main d’un de ses députés européens ; le frontisme se transmettant probablement par simple contact cutané. Il s’agissait de Bruno Gollnisch que je croisais souvent par le passé au Parlement à Strasbourg ou à Bruxelles et que je respecte à la fois comme homme et comme élu du Peuple. Pour les fanatiques, la courtoisie est un crime, pour les démocrates c’est une vertu.

ReOpen911 : Permettez-nous d’insister, mais lorsque vous avez mené votre enquête au Liban, après les bombardements israéliens, pour écrire L’Effroyable Imposture 2, vous y êtes allés avec MM. Alain Soral et Dieudonné. À la fin de l’interview à la télévision syrienne que vous avez donnée en leur compagnie à cette occasion, Dieudonné a parlé de la présence de M. Le Pen au second tour des élections présidentielles comme d’une émancipation politique du peuple français. Il a par la suite demandé à Jean-Marie Le Pen d’être parrain au baptême de sa fille, ce que M. Le Pen a accepté. Et l’engagement de Soral au Front National est connu. Or les thèses remettant en cause la version officielle des attentats du 11/9 sont considérées par beaucoup à gauche comme étant celles de l’extrême droite antisémite. Vous devez donc être conscient du discrédit que votre apparition à la télévision syrienne jette sur votre
personne et, par voie de conséquence, sur la remise en cause de la version officielle des attentats du 11/9 dans la gauche française. Pourquoi avoir néanmoins accepté cette compagnie au Liban et ensuite à la télévision syrienne ?

Thierry Meyssan : Permettez-moi également d’insister. Dans la vie, les mots et les actes des gens se contredisent souvent. Les actes sont plus importants que les mots. J’aurais aimé que beaucoup de leaders d’opinion nous accompagnent au Liban pour témoigner des crimes de l’armée israélienne. Ils ont eu peur et ne sont pas venus. Plus que des bombes, ils ont eu peur pour leur carrière, car l’agresseur c’était Israël. Dieudonné et Alain Soral étaient là, et c’est tout à leur honneur.

Il n’y avait alors que deux moyens d’entrer au Liban, soit par un vol civil britannique placé sous contrôle militaire de l’occupant israélien, soit par voie terrestre depuis la Syrie. Nous avons choisi cette seconde solution. À notre retour, la télévision syrienne a recueilli nos impressions, chacun s’exprimant comme témoin, à titre personnel. Je n’avais aucune raison de refuser de participer à cette émission alors que nous étions venus précisément au Liban pour témoigner de ce qui s’y passait.

Par la suite, Alain Soral a rejoint le Front National et il a présenté Dieudonné à Jean-Marie Le Pen avec lequel il s’est lié d’amitié. C’est étonnant, mais ça n’a rien de criminel. Qu’est-ce qui vous choque ? Que Jean-Marie Le Pen ait accepté d’être le parrain d’un enfant noir ? Ou, plus simplement, que les gens qui partagent notre analyse du 11-Septembre ne soient pas nos amis, mais des adversaires idéologiques ? Moi aussi, cela me perturbe.

Lorsque j’ai publié L’Effroyable Imposture, je m’attendais à des réactions selon le clivage droite-gauche, parce que j’avais toujours vécu avec. Je me suis rendu compte qu’une autre ligne de partage apparaissait, que j’avais des amis et des adversaires dans tous les camps. Je pense que nous devons tous nous repositionner en fonction de la question principale, celle de la souveraineté des peuples face à l’impérialisme. Je milite au PRG, le parti de Jean Moulin, l’homme qui coordonna la Résistance française face à l’invasion nazie. Je m’inspire de son exemple : il accepta de travailler avec tous ceux qui voulaient défendre la liberté, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il n’exclua que les individus et les groupes qui avaient participé à la guerre d’Espagne aux côtés des phalangistes et fait couler le sang des républicains. De même, je suis prêt à travailler avec tout le monde, à l’exception de ceux
qui ont participé activement aux agressions impérialistes et fait couler le sang. Je pense aux sarkozystes qui ont envoyé les troupes françaises participer à la colonisation anglo-saxonne de l’Afghanistan.

Je suis étonné que vous soyez choqués par mes relations avec Alain Soral et Dieudonné, et que vous ne voyez rien à redire lorsque la totalité de la classe politique française se presse à des mondanités autour d’Al Gore ou de Condoleezza Rice. Qu’est ce qui est grave : témoigner des crimes israéliens au Liban ou semer la mort et la désolation de la Yougoslavie à l’Afghanistan ?

ReOpen911 : Pour terminer avec ce fameux voyage au Liban à l’été 2006, il vous a aussi été reproché d’être trop proche de la chaîne de télévision al-Manar, interdite en France (vous expliquez très bien dans quelles conditions dans L’Effroyable imposture 2), et un sympathisant du Hezbollah de M. Nasrallah, mouvement considéré par les médias occidentaux mais aussi par l’administration états-unienne, comme une organisation terroriste. Nous n’allons pas vous demander si vous êtes vous-même un terroriste, mais pouvez-vous expliquer votre position à nos lecteurs ?

Thierry Meyssan : Je ne suis pas simplement proche d’al-Manar, je prépare actuellement des émissions et des documentaires pour elle. Cette chaîne se définit comme la voix de la Résistance dans une région en guerre. Elle est devenue la seconde, en termes d’audience, dans le monde arabe. Contrairement aux allégations souvent colportées, elle n’a pas été interdite en France pour antisémitisme ainsi que le réclamait le CRIF, mais pour trouble à l’ordre public. Ce qui est injuste, mais pas faux car al-Manar pose un problème qu’il ne faut pas minimiser. Transposer en France sans explications les images de guerre du Proche-Orient, c’est introduire la guerre chez nous. On peut craindre que des Français découvrant soudain une réalité d’une extrême violence réagissent eux-mêmes d’une manière violente contre ceux qui en sont responsables et qui l’ont cachée. La solution n’est pas d’interdire al-Manar et de maintenir nos
concitoyens dans l’ignorance, mais au contraire de les informer, y compris par le biais d’al-Manar, et d’ouvrir le débat démocratique. Le problème ce n’est pas al-Manar, mais le fait que la population française soit sous-informée sur le conflit au Proche-Orient, les médias ayant adopté la problématique sioniste et ne donnant la parole aux protagonistes que dans ce cadre biaisé.

Je vous ai dit que je ne connais pas d’autres limites à mes alliances que celles voulues en leur temps par Jean Moulin pour créer le Conseil national de la Résistance. Je me sens donc proche du Hezbollah en tant que principal réseau de résistance au Proche-Orient. Jadis, Charles De Gaulle et la Résistance française étaient considérés comme « terroristes » par les médias de la collaboration et par le Reich ; aujourd’hui, Hassan Nasrallah et la Résistance libanaise sont considérés comme tels par la presse occidentale et par l’empire états-unien. C’est dans l’ordre des choses. Vous n’avez pas de raison d’en être troublés.

J’éprouve beaucoup d’admiration pour Hassan Nasrallah, parce qu’il n’est pas simplement un grand résistant, mais parce qu’il a une vision claire du conflit et une pensée généreuse. Alors que beaucoup de Libanais se contenteraient de bouter l’occupant israélien hors du territoire et de régler divers problèmes bilatéraux, il ne se satisferait pas, lui, d’une paix qui laisserait des millions de non-Libanais dans le désespoir. De plus, il est conscient que la paix est impossible au Proche-Orient tant qu’y persistera l’apartheid, comme Nelson Mandela était conscient que la paix était impossible en Afrique australe tant que l’apartheid persisterait en Afrique du Sud.

Certains s’imaginent que, s’ils parviennent à libérer le Proche-Orient, Sayed Hassan Nasrallah et le Hezbollah imposeront une dictature religieuse. Ils pensent que je suis naïf et que je ne devrais pas m’acoquiner avec des fanatiques qui attendent sournoisement le moment pour écraser les mécréants comme moi. C’est prendre la propagande pour la réalité. La même propagande expliquait jusqu’à l’été 2006 que le Hezbollah était un groupuscule terroriste de moins de 500 combattants. Quand il a repoussé l’armée israélienne, il a fallu admettre que c’était une véritable armée soutenue par la majorité de la population, quelle que soit son appartenance ou sa non appartenance religieuse. Le Hezbollah, c’est un réseau de résistance à l’occupation militaire israélienne qui s’est formé au sein du mouvement social de Moussa Sadr, l’imam des pauvres. La seule comparaison contemporaine possible est avec les guérillas
issues de la théologie de la libération en Amérique latine. Quand le père jésuite Camillo Torres dirigeait l’Armée nationale de libération en Colombie, il n’avait pas d’agenda caché pour instaurer une dictature religieuse. Il voulait simplement libérer son pays de l’impérialisme états-unien et des injustices sociales qu’il génère. Ce type d’accusation est un classique de la propagande : pendant des années, les médias occidentaux nous ont expliqué que Nelson Mandela voulait massacrer les Blancs et imposer une dictature communiste en Afrique du Sud. Aujourd’hui, les mêmes journaux célèbrent avec emphase son 90e anniversaire tandis que le président Bush s’est juste avisé, il y a quelques semaines, de le retirer de la liste des « terroristes » recherchés par les États-Unis.

ReOpen911 : Il est regrettable que le remarquable travail d’investigation et d’analyse géopolitique qui est le vôtre soit trop souvent discrédité jusque dans les milieux de gauche ou d’extrême gauche, pourtant au moins aussi anti-impérialistes que vous. Les sujets que vous abordez bouleversent tant les consensus habituels et vous déclenchez tant de polémiques qu’il devient difficile de discerner le vrai du faux concernant les bruits qui circulent sur vos sources d’information. Dans leur livre L’Effroyable Mensonge, Guillaume Dasquié et Jean Guisnel supposent que l’une de vos sources d’information sur le 11-Septembre serait Lyndon Larouche (par l’intermédiaire de Jacques Cheminade), qu’ils accusent d’appartenir à l’extrême droite. Larouche vous a-t-il réellement donné des informations sur le sujet ? Que pensez-vous de cette accusation fréquemment portée à son encontre d’appartenir à l’extrême droite ?

Thierry Meyssan : Nous revenons au processus de la diabolisation. Vous vous interdisez de penser quelque chose ou de discuter avec quelqu’un parce que vous craignez qu’il vous contamine. Vous vous interrogez sur l’origine de chaque idée avant de l’examiner. Vous enquêtez sur les relations de chaque personne à qui vous parlez pour vous assurer qu’elle n’est pas elle-même contaminée à son insu, comme le porteur sain d’une maladie. Finalement, votre paranoïa vous étouffe. Avant toute chose, désintoxiquez-vous, émancipez-vous.

Pour répondre à votre question, deux journalistes assurent dans un livre de commande que je serais un incapable et que L’Effroyable Imposture m’aurait été dicté par quelques individus, tous moins recommandables les uns que les autres. Parmi mes supposés mentors, ces journalistes imaginatifs citent le commissaire Hubert Marty-Vrayance que vous avez évoqué la dernière fois, puis Jacques Cheminade et Lyndon LaRouche que je ne connaissais pas à l’époque. Quelque peu surpris par cette élucubration, Jacques Cheminade m’a contacté à la parution de cet ouvrage. Je n’ai donné suite à son invitation qu’une fois le procès en diffamation contre ces auteurs terminé, c’est-à-dire deux ans plus tard. J’ai découvert un économiste de gauche, cultivé et généreux, avec lequel j’ai pris l’habitude de partager des analyses. Par la suite, il m’a présenté Lyndon LaRouche avec lequel j’ai moins accroché. J’ai lu les livres et
les principaux articles qui les présentent comme des militants d’extrême droite camouflés, particulièrement le pavé de Dennis King, et j’ai pris le temps de vérifier les documents cités. C’est simplement idiot.

Personne ne m’a dicté ce que j’ai écrit, mais je n’ai pas pour autant le monopole de la lucidité. Bien d’autres personnes que moi ont compris dès le début que George W. Bush mentait à propos du 11-Septembre. Jacques Cheminade et Lyndon LaRouche sont de ceux-là, tout autant qu’Andreas von Bülow et bien d’autres.

ReOpen911 : Au cours de notre précédente interview, vous avez encore déclaré que « vous condamniez l’antisémitisme et le sionisme ». Si pour l’antisémitisme les choses sont claires, pour le sionisme, elles semblent l’être moins. Ce mot employé souvent par des gens qui n’en connaissent pas le sens exact ni la portée politique, fait référence à l’ensemble des tendances et sensibilités politiques de la communauté juive, laïque ou religieuse qui à partir de la fin du XIXe siècle ont milité pour la création d’un État juif.

Après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, les conditions issues du choc psychologique de cet effroyable événement ont poussé la « communauté » internationale et les Anglais, sous la pression des sionistes, à la création de l’État d’Israël en 1948. Le sionisme par là même aboutissait dans son combat. La formidable injustice faite au peuple palestinien à cette occasion a produit ce qui était prévisible sinon calculé : 60 ans de guerre et de haine, des milliers de morts.Aujourd’hui lorsque vous déclarez condamner le sionisme, devons-nous comprendre que vous appelez, à la déconstruction de ce que la communauté juive, laïque ou religieuse, d’extrême gauche à l’extrême droite, rassemblée par cette idée d’un État laïc pour le peuple juif a obtenu en 1948 ? Si la réponse est oui, pensez-vous que cet appel soit aujourd’hui une stratégie viable pour une paix durable ? Ne pensez-vous pas qu’un partage équitable de
Jérusalem et la création d’un État palestinien sur un territoire viable serait une voie plus réaliste, le respect d’un principe d’équité fondement d’une paix durable ? Sinon qu’entendez-vous par « combattre le sionisme » ?

Thierry Meyssan : Premièrement, contrairement à ce que vous dites, et ainsi que je l’ai montré dans L’Effroyable Imposture 2, le sionisme n’est pas un mouvement nationaliste juif qui se serait développé au XIXe siècle en réaction à l’antisémitisme européen et aurait reçu l’appui de la communauté internationale après le massacre des juifs d’Europe par les nazis, comme on le prétend communément. La création de l’État d’Israël pour y regrouper les juifs dispersés est un projet des puritains anglo-saxons (appelés plus tard les « non-conformistes » et aujourd’hui les « évangéliques ») depuis le XVIIe siècle. Ce projet a été inscrit par les Britanniques à l’ordre du jour de la conférence diplomatique de Berlin en 1878, contre l’avis des communautés juives d’Europe qui y étaient alors fermement opposées. C’est effectivement à partir de Theodor Herzl et de Zeev Jabotinsky que des juifs européens s’y
sont progressivement ralliés. La Déclaration Balfour annonçant la création du « foyer national juif » en Palestine a été rédigée par le Royaume-Uni pour faciliter l’entrée des États-Unis dans la première guerre mondiale. Le président Wilson a alors confirmé que la création de l’État Israël (et de l’Arménie, mais c’est une autre histoire) étaient un des 14 objectifs de guerre des États-Unis. Si vous avez le moindre doute sur ces faits, je vous renvoie à mon livre où j’ai donné les références exactes de ces documents.

Cette mise au point est indispensable car on ne peut pas comprendre les relations actuelles de Washington et de Tel-Aviv et certains aspects de la politique internationale post-11-Septembre si l’on ne connaît pas la genèse réelle du sionisme.

Deuxièmement, à mes yeux, le problème actuel ne réside pas dans l’existence de l’État d’Israël, qui est devenu un sujet de droit international, mais dans la nature du régime politique en vigueur dans cet État. En 1947, la faction juive du mouvement sioniste était composée de nombreux groupes, inspirés par des idéologies diverses et antagonistes, mais en définitive, avec le temps, c’est la conception de la faction chrétienne du mouvement sioniste qui a façonné le régime politique de Tel-Aviv, comme elle avait façonné par le passé celui de Pretoria. Là encore, je vous renvoie à L’Effroyable Imposture 2, si vous ignorez l’histoire commune de l’apartheid sud-africain et de l’apartheid israélien.

Lorsque je vous ai dit, en tant qu’humaniste, combattre le sionisme, j’ai affirmé mon opposition résolue au système d’apartheid, rien d’autre. J’ai lu sur le forum de Reopen911 que l’un d’entre vous avait compris que je voulais éradiquer la population israélienne. C’est très insultant. Malheureusement, cela reflète le conditionnement auquel nous soumettent les grands médias. À les entendre, il n’y aurait que deux options : se résigner aux crimes de l’armée israélienne ou préconiser des crimes plus vastes encore ; il n’y aurait aucune possibilité de paix juste et durable. Ne vous laissez pas enfermer dans ces âneries.

Je reviens à mon propos. En l’état actuel des choses (et non pas au regard de la situation de 1947), je considère que la création d’un ou de deux États palestiniens à Gaza et en Cisjordanie privés des attributs de la souveraineté ne serait qu’une fiction, identique à celle des bantoustans d’Afrique du Sud, visant à la consolidation du régime d’apartheid. Je milite pour la reconnaissance de la citoyenneté israélienne des apatrides palestiniens, où qu’ils se trouvent, et la réforme du régime politique israélien sur la base « un homme, une voix ». C’est de cette manière que le problème sud-africain a été résolu et c’est ainsi qu’une paix juste et durable peut s’installer au Proche-Orient.

ReOpen911 : Nous n’allons pas nous appesantir sur cette pratique qui tend à accuser (ou à laisser planer la suspicion) d’antisémitisme, puisque vous avez déjà répondu sur ce sujet. Cependant, vous voyagez beaucoup, partout dans le monde, et donc d’après votre expérience personnelle, est-ce là une pratique généralisée ou peut-on parler de spécificité française ?

Thierry Meyssan : Partout en Occident, le souvenir des crimes du passé nourrit une crainte de voir resurgir l’antisémitisme. Mais il n’y a qu’en France et dans les pays anglo-saxons que cette inquiétude légitime ait été instrumentée pour discréditer les dissidents politiques. Vous voulez interdire d’antenne un humoriste qui vous critique ou virer un dessinateur de votre journal ? Dites qu’ils ont la rage ou accusez-les d’antisémitisme.

ReOpen911 : L’Effroyable Imposture ayant été un succès planétaire, il vous a été reproché de vous être « enrichi sur la crédulité des gens ». Certes, nul n’a accusé M. Bernard Henri-Lévy de s’être enrichi grâce à son « romanquête » sur le journaliste Daniel Pearl, mais il était déjà richissime et extraordinairement influent. Peut-on savoir les bénéfices que vous avez personnellement tirés de la vente de ce best-seller ?

Thierry Meyssan : Comme je vous l’ai dit la dernière fois, mon éditeur français de l’époque, [Carnot], a été sollicité par des responsables états-uniens. Il a créé une filiale aux USA et y a transféré tous mes droits d’auteur sur l’édition française et les éditions étrangères dont il avait la charge. Puis, il a déposé son bilan en France et s’est enfui avec l’argent que j’avais gagné. Je n’ai donc jamais eu l’occasion de m’enrichir. Au demeurant, il faut être bien naïf pour croire que l’on puisse faire de l’argent en combattant l’empire états-unien.

J’ai néanmoins perçu quelques royalties avant sa faillite. Une fois payés les frais d’avocat, j’ai consacré la quasi-totalité de cet argent au Réseau Voltaire. Je vis de mon activité de journaliste dans des revues étrangères. Je n’ai ni propriété immobilière, ni voiture.

ReOpen911 : De même, qui finance le Réseau Voltaire ? Quel est son budget ? Le nombre d’employés ? Les méthodes de travail ?

Thierry Meyssan : Le Réseau Voltaire est exclusivement financé par ses lecteurs. Nous avons mis en place un système de dons en ligne qui offre des conditions maximales d’anonymat. Je me suis donc mis dans l’incapacité d’identifier les donateurs et je n’ai aucun moyen de les contacter pour les remercier. Nous touchons également une commission sur les livres vendus en ligne, bien qu’il s’agisse là plutôt d’un service aux lecteurs que d’une source de financement. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières.

Au cours des derniers mois, nous avons racheté du matériel. Dans la période actuelle, nos ressources financières sont insuffisantes et, outre les frais de documentation, sont entièrement absorbées par la maintenance technique des 12 sites Internet que nous éditons. Vous devez avoir en tête que des sites de cette taille coûtent cher.

Par le passé, nous avons eu des journalistes salariés. C’était malsain. On ne peut pas être salarié d’un réseau de résistance, fût-elle intellectuelle. Aujourd’hui, tous nos rédacteurs sont bénévoles.

Pour nous développer, nous devrions avoir des équipes de traducteurs permanents et un secrétariat pour la mise en ligne. Nous devons donc trouver d’autres sources d’argent. Nous voudrions mettre de la publicité sur Voltairenet.org, mais les annonceurs hésitent à mêler leur image à la nôtre. Évidemment pour une société qui a des intérêts aux États-Unis, c’est une mauvaise idée, mais pour ceux qui veulent percer sur les marchés arabes ou sud-américains, ce peut être au contraire très intéressant.

Nos méthodes de travail n’ont rien d’original, sinon que notre rédaction est éclatée dans plusieurs pays et que nous devons donc travailler avec des outils Internet adaptés. Ce qui est original, c’est le choix de nos sources et notre indépendance de pensée.

Après une année difficile, nous avons décidé de nous regrouper au Liban où plusieurs d’entre nous viennent de s’installer. Nous nous sommes placés au service de la Résistance et entendons poursuivre notre travail d’analyse et de prospective en étroit contact avec l’ensemble des formations anti-impérialistes, au Proche-Orient et partout ailleurs dans le monde.

ReOpen911 : À la suite de la publication de L’Effroyable Imposture, de votre point de vue, comment s’est mise en place la campagne de discrédit contre vous (et accessoirement votre présentation des faits) alors qu’au départ l’accueil semble avoir été plutôt neutre, voire assez bienveillant comme chez M. Thierry Ardisson (qui d’ailleurs par la suite invita M. Eric Laurent) ?

Thierry Meyssan : Dès sa parution, ce livre a été chroniqué à l’étranger de manière très positive, puis en France avec bienveillance. La campagne de dénigrement a été lancée simultanément par trois médias : la Radio télévision belge, Le Monde et Libération. Seuls les journalistes du Monde avaient lu l’ouvrage, ceux de la RTBF et de Libération n’avaient aucune idée de son contenu. Les autres ont embrayé en quelques jours.

L’identité et la simultanéité des arguments, alors même qu’ils n’ont aucun fondement, attestent que ces critiques ont été coordonnées. Selon le témoignage d’amis journalistes qui ont assisté à la préparation de ces papiers, une personnalité est intervenue auprès des rédactions de plusieurs médias en ce sens. Les autres ont suivi de manière grégaire. Cette personnalité est aujourd’hui un des proches collaborateurs du président Sarkozy.

On a oublié quels étaient les arguments principaux de cette campagne. Il y avait, nous venons d’en parler, l’accusation d’antisémitisme, et celle d’anti-américanisme, mais il y avait surtout des critiques sur mes sources d’information. On me reprochait d’avoir travaillé en équipe, de ne pas m’être déplacé personnellement sur le site du World Trade Center et sur celui du Pentagone et d’avoir sollicité mes collaborateurs aux États-Unis et dans d’autres pays. On me demandait qui j’étais pour avoir une telle équipe. Surtout, on me reprochait de donner en bas de page les URL des documents cités. En 2002, tous les documents officiels US étaient disponibles sur Internet, mais en France le Journal officiel n’existait encore qu’en version papier. Mes confrères ne savaient pas comment utiliser ce média et n’étaient pas capables de faire la différence entre une déclaration du président des États-Unis publiée sur le
site de la Maison-Blanche et les délires d’un illuminé sur son blog. Pour eux, tout ça, c’était du pareil au même et ce n’était pas fiable. J’utilisais un outil étrange et cela leur paraissait déloyal.

ReOpen911 : À l’issue de cette campagne, vous avez décidé de changer de stratégie et d’aller à la rencontre des pays arabes ?

Thierry Meyssan : Non, au début ce n’était pas un choix. L’occasion s’est présentée. Au cours de cette campagne, j’ai été invité au centre Zayed, qui était à l’époque le think tank de la Ligue arabe à Abou Dhabi, puis j’ai été l’invité de la principale émission politique d’al-Jazeera. J’ai convaincu et cela m’a ouvert bien des portes.

Ne croyez pas que c’était facile. Si le public arabe était heureux d’entendre dire que des musulmans n’étaient pas responsables des morts du 11-Septembre, il protestait lorsque j’expliquais qu’Oussama ben Laden était un agent de la CIA chargé de provoquer le choc des civilisations. J’ai multiplié les débats publics avec des ambassadeurs, des généraux et des ministres. Je devais argumenter face à des contradicteurs autrement mieux informés sur ces sujets que les journalistes européens.

Cheikh Zayed, le président des Émirats arabes unis, a fait traduire mon livre. Il l’a imprimé et en a envoyé 5 000 exemplaires dédicacés aux principales personnalités universitaires et politiques arabes. J’ai mobilisé la Ligue arabe pour qu’elle propose à l’Assemblée générale de l’ONU de constituer une commission d’enquête internationale sur le 11-Septembre. Les États-Unis m’ont alors déclaré persona non grata, ils ont menacé les États membres de la Ligue arabe jusqu’à ce qu’ils renoncent au projet, et ils ont contraint le Centre Zayed à fermer et à licencier ses 140 chercheurs.

Ce que j’ai entrepris là est d’autant plus considérable que je l’ai fait seul. Je n’ai jamais exercé de fonctions officielles et je n’ai jamais été adossé à une institution. Je n’avais d’autre arme que la force de mes idées.

ReOpen911 : Parlons de la Russie. Pourquoi être allé « pactiser » avec la Russie de Poutine, où la liberté d’expression est très contrôlée (on pense par exemple à la mort de la journaliste Anna Politkovskaïa), la stratégie des opérations menées « sous faux pavillon » tout aussi connue (attaques « terroristes » tchétchènes de 1999, voire l’empoisonnement de M. Alexandre Litvinenko) et les intentions impérialistes tout aussi fortes que celles des États-Unis ? Quelles étaient alors vos intentions ? Quel est le niveau de connaissance des élites russes sur le sujet du terrorisme fabriqué ?

Thierry Meyssan : Si vous examinez un jour les trois faits que vous me citez avec autant de précision que la version bushienne du 11-Septembre, vous découvrirez que vous vivez dans un monde de propagande et que la version que vous en avez est tout aussi fausse.

Vous me dites que la liberté d’expression est très contrôlée en Russie. C’est vrai, mais c’est relatif. Elle l’est beaucoup moins qu’en France. Il est plus facile de critiquer Vladimir Poutine et Dmitry Medvedev dans les journaux russes que Nicolas Sarkozy dans la presse française.

Précisément, je me suis rendu compte que la presse française n’est pas libre. Ses journalistes s’interdisent de penser hors du conformisme ambiant. J’ai constaté le fantastique écho de mes travaux dans le monde arabe et je me suis décidé à mobiliser l’opinion publique internationale. J’ai donc pris l’initiative de poursuivre par la Russie. J’y conserve des contacts à haut niveau et j’écris régulièrement dans le principal hebdo politique et le mensuel féminin le plus diffusé.

Contrairement à votre préjugé, je ne pense pas que l’on puisse comparer la volonté de puissance des États-Unis à celle de la Russie. Washington prétend contrôler le monde global, Moscou ambitionne de restaurer son influence dans sa sphère linguistique et historique traditionnelle. Vous ne trouverez pas en Russie de projet comparable à celui du PNAC que vous avez traduit. Il faut l’admettre : les États-Unis veulent nous dominer, tandis que la Russie veut être notre partenaire. Les Slaves ne sont pas nos ennemis, ce sont nos frères. Ils sont beaucoup plus proches culturellement de nous que les États-uniens. Voltaire a vécu à la cour de Catherine II de Russie où le français était la langue officielle.

Il y a quelques jours, les États-Unis et Israël ont poussé la Géorgie à tuer les Russes d’Ossétie. Moscou a répliqué par une vaste opération militaire que la presse occidentale présente comme disproportionnée. En réalité, la Russie vient de sauver la paix mondiale, car si elle n’avait pas immédiatement stoppé l’agression, Washington et Tel-Aviv en auraient conclu qu’ils pouvaient se lancer dans la guerre qu’ils ambitionnent : la conquête de l’Iran, qu’ils ont préparée en occupant l’Afghanistan et l’Irak.

Les élites russes sont parfaitement conscientes de la réalité du 11-Septembre. Je vous renvoie à la préface du général Leonid Ivashov de la réédition française de L’Effroyable Imposture et du Pentagate. Jusqu’à présent, les élites russes ne voulaient pas en faire un sujet de polémique. Cela change : ne manquez pas la soirée que la première chaîne de télévision russe y consacrera le 9 septembre.

ReOpen911 : Même question avec une personne et un pays encore plus controversés : M. Mahmoud Ahmadinejad et l’Iran.

Thierry Meyssan : J’ai rencontré les principaux dirigeants iraniens des dernières années, mais pas le président Ahmadinejad et n’ai jamais demandé à le rencontrer. Ceux qui ont lu L’Effroyable Imposture 2 savent que je déplore sa stratégie : je pense qu’il devrait s’efforcer de faire baisser la tension dans cette région du monde au lieu de multiplier les provocations rhétoriques.

Au demeurant, la réalité de l’Iran n’a aucun rapport avec ce qu’en disent les médias occidentaux. On peut présenter la Révolution iranienne de manière négative tout autant que la Révolution russe ou la Révolution française. Mais ces événements ont émancipé des millions de gens à plus d’un titre.

Je vous choque et vous pensez que j’ignore la condition des femmes, des homosexuels ou des baha’is ? Pas du tout. Je vois le chemin qui a été accompli depuis le renversement de la dictature du Shah et l’expulsion des puissances coloniales. Contrairement à ce que prétend la propagande occidentale, les problèmes dont nous parlons ne sont pas dus à la Révolution islamique, ils sont bien antérieurs. La Révolution a réussi de grandes avancées sociales, auxquelles certains pays européens ne sont toujours pas parvenus, de la formation universitaire des femmes au remboursement de l’IVG.

J’ai autorisé les autorités iraniennes à publier mes livres en farsi sans droits d’auteur, à titre de contribution personnelle à la Révolution. Je participe presque chaque semaine à des émissions de radios ou de télévisions iraniennes, et je ne manque jamais une occasion de rappeler au public iranien l’intolérance et la violence qui persistent au sein de la société iranienne.

ReOpen911 : Comment s’est passé votre rencontre avec le Président du Venezuela, M. Hugo Chávez ?

Thierry Meyssan : Le Réseau Voltaire a agrégé de nombreux médias non alignés, particulièrement en Amérique latine. Les pages en espagnol de Voltairenet.org sont les plus lues et notre site est devenu la principale source indépendante en langue espagnole, si je mets de côté Rebelión qui est un portail et non une agence.

La plupart de nos responsables en Amérique latine ont des contacts fréquents avec le président Chávez, je ne l’ai rencontré pour ma part que brièvement, même s’il m’a fait l’honneur de me citer largement.

Vous semblez moins gênés par mes amitiés vénézuéliennes que russes ou iraniennes. Pourtant, Hugo Chávez aussi a été présenté dans la presse occidentale comme un dictateur antisémite et il a rapproché son pays à la fois de la Russie et de l’Iran. Il est vrai que, vu sa popularité dans toute l’Amérique latine, les accusations à son encontre n’ont pas marché.

ReOpen911 : Revenons en France, le gouvernement Sarkozy bénéficie de l’expertise de nos services de renseignement. Leur hiérarchie et leur organisation ont immédiatement subi de grands changements au lendemain des élections. La perception française des attentats du 11-Septembre (en assumant que le tandem Chirac/Villepin avait compris) a-t-elle évolué au sein de ces services et du cabinet Sarkozy et dans quel sens selon vous ? En clair, quel est votre avis, personnel, sur le niveau de connaissance du gouvernement Sarkozy au sujet de ce qui s’est réellement passé le 11-Septembre 2001 ?

Thierry Meyssan : Je ne pense pas que M. Sarkozy s’intéresse à savoir ce qui s’est réellement passé le 11-Septembre.

J’observe par contre qu’il écarte systématiquement tous ceux qui ont un avis dérangeant sur le sujet. Il a procédé à une véritable épuration au sein des services secrets extérieurs, des instituts de défense et de l’audiovisuel extérieur de tous ceux qui s’interrogeaient à voix haute sur le sens de l’opération de l’OTAN en Afghanistan et sur l’authenticité des liens supposés entre le 11-Septembre et ce pays. Il s’agissait de fonctionnaires qui se gardaient bien de professer des opinions dissidentes, mais qui avaient le tort de poser des questions légitimes.

Le président Sarkozy vient d’envoyer à la mort 10 jeunes soldats français en Afghanistan. Il justifie cela en reprenant à son compte le discours des néoconservateurs sur le 11-Septembre et la guerre au terrorisme. Ses arguments n’ont pas convaincu les militaires engagés dans cette opération, d’autant que ceux-ci voient très bien qu’ils ne luttent pas contre des « terroristes internationaux », mais contre une insurrection nationale. Le voilà donc qui se lance lui aussi dans le mensonge, allant jusqu’à reprendre le mythe (lancé par Laura Bush) des jeunes filles dont les « talibans » arracheraient les ongles parce qu’elles les ont vernis. Ce genre d’intox peut convaincre une opinion publique sous-informée aux États-Unis ou en France, mais pas les militaires en mission qui sont sur place. Au contraire, le recours si visible à la propagande ne peut que souligner à leurs yeux la mauvaise foi du président Sarkozy.

ReOpen911 : Qu’en est-il de l’élite diplomatique, journalistique et politique française ? Est-elle aussi désinformée que les citoyens français ?

Thierry Meyssan : Les élites ont les moyens de savoir si elles le veulent. Mais la plupart ne veulent rien savoir du tout. Elles préfèrent s’en tenir au confort du statu quo.

ReOpen911 : À votre avis, le mouvement pour la vérité sur le 11-Septembre (9/11 Truth Movement) est-il suivi par différents services de renseignement dans le monde, et est-il considéré comme une véritable menace ou simplement comme marginal et minoritaire ?

Thierry Meyssan : Ce mouvement n’a rien de marginal. Il porte sur un point essentiel qui est un révélateur de tout un système. Comprendre le 11-Septembre, c’est retrouver l’esprit critique et découvrir que nous vivons dans un monde de mensonges. C’est par voie de conséquence remettre en cause tous les dogmes de notre époque, y compris les préjugés que vous avez cités à propos de la Russie ou de l’Iran. C’est aussi remettre en cause le bien-fondé de tout ce qu’a permis le 11-Septembre : les guerres en Afghanistan et en Irak, les lois anti-terroristes, les enlèvements de la CIA, la torture, etc.

Bien sûr que le mouvement pour la vérité est suivi par les services de renseignement de nombreux États. Comprendre le 11-Septembre, c’est redevenir un esprit libre. Cela a de quoi inquiéter les partisans de l’empire et conforter ceux qui lui résistent.

Entretien réalisé le 30 août 2008.
Première publication sur le site de Reopen911, le 1er septembre 2008.

ReOpen911 : M. Meyssan, merci pour ces réponses. Désirez-vous apporter des précisions ou aborder un dernier point en conclusion ?

Thierry Meyssan : Je suis heureux de cet échange et vous invite à le renouveler si vous continuez à vous interroger sur les prises de position que m’attribuent les médias. Je serai heureux de les préciser, de les expliquer et de lever de possibles malentendus.

Nous sommes peu nombreux à nous battre pour la vérité. Nous devons veiller à ce que la propagande de l’empire du mensonge ne nous divise pas. Au-delà de cette impératif stratégique, j’attache d’autant plus d’importance à votre opinion que j’ai de l’admiration pour votre action.

No comments:

Post a Comment