Le 20ème sommet de la Ligue arabe (29-30 mars 2008)
À Damas, les États arabes défient Condi
par Thierry Meyssan*
Ce devait être l’occasion d’isoler définitivement la Syrie et de l’humilier, le sommet de la Ligue arabe à Damas a au contraire marqué un échec diplomatique majeur du département d’État. Non seulement la plupart des États membres n’ont pas boycotté la rencontre, mais ils ont approuvé la ligne politique syrienne : intransigeance face à l’expansionnisme sioniste et émancipation vis-à-vis des États-Unis. Présent dans les coulisses du sommet, Thierry Meyssan en analyse les enjeux.
1er avril 2008
Depuis
Damas (Syrie)
Alors que les regards sont tournés sur l’action du département US de la Défense au Proche-Orient, le département d’État met en œuvre de son côté une stratégie diplomatique originale, en cohérence avec sa vision du monde. À Washington, les partisans du « Smart Power » espèrent qu’une réorganisation des relations régionales permettra aux États-Unis de maintenir leur autorité dans cette zone tout en y réduisant leur pression militaire. Mais Condoleezza Rice vient d’essuyer un sérieux revers au 20ème sommet de la Ligue arabe. Ce ratage diplomatique s’ajoute aux échecs du Pentagone en Irak et en Afghanistan et à ceux de Tsahal en Palestine occupée. En définitive, tous les protagonistes régionaux prennent acte de l’impuissance des États-Unis à vaincre la résistance de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah-Hamas. Dès lors, ils s’interrogent sur un possible réajustement de leur propre positionnement tout en craignant que l’administration Bush désespérée ne tente d’en finir par tous les moyens au cours des prochains mois.
La technique diplomatique de Condi
À l’échelle mondiale, le département d’État entend substituer à l’ordre international actuel une nouvelle architecture, dite « globale », qui consacre son statut d’hyper-puissance, isole ses adversaires, et institue une hiérarchie entre ses vassaux pour relayer son autorité jusqu’aux confins de son empire. L’idée principale est d’en finir avec le système de l’ONU qui combine une Assemblée générale où chaque État dispose d’une voix égale et un Conseil de sécurité, qui fait office de directoire, dans lequel les décisions de Washington peuvent être bloquées par le veto de quatre grandes puissances (Chine, France, Royaume-Uni, Russie). À la place doit être créée une « Assemblée des démocraties » —dont les seront exclus les États refusant le modèle US—, où les droits de vote seront proportionnels aux capacités économiques et aux contributions financières, et donc où les États-Unis se tailleront « la part du lion ». En outre, chaque partie du monde sera gouvernée par une organisation régionale dirigée par un directoire local, dont les membres seront désignés par Washington pour y appliquer sa loi.
Ainsi, le « mini-traité européen » poussé par Nicolas Sarkozy introduit une inégalité entre ses membres en pondérant leurs votes d’une manière nouvelle en fonction de leur importance. Récemment, Nicolas Sarkozy a rompu le tandem franco-allemand, seul capable de dégager une marge de manœuvre à l’Union européenne, puis a jeté les bases d’un directoire franco-britannique pour que l’Union —et surtout la Défense européenne— serve exclusivement les intérêts de Washington. Notez qu’en cette matière, le président français ne défend pas les intérêts de son pays, ni ceux de l’Union, mais réalise les plans du département d’État.
Au Proche-Orient, la Ligue arabe et en son sein le Conseil de coopération du Golfe sont les organisations régionales les plus adaptées pour relayer l’autorité de Washington. À l’origine, la Ligue était dominée par un directoire composé de l’Arabie saoudite, de la Syrie et de l’Égypte. Il n’est évidemment pas question pour le département d’État de réactiver ce triumvirat puisque la Syrie est aujourd’hui le seul État arabe à incarner la résistance à l’impérialisme. À la place Condoleezza Rice a imaginé un directoire Arabie saoudite-Jordanie-Égypte, dans lequel la monarchie hachémite jouerait un rôle au Levant, la dynastie Moubarak aurait le contrôle de l’Afrique du Nord et de l’Est, et la monarchie saoudienne à la fois le contrôle du Golfe et la présidence de l’ensemble.
Pour être réalisable, ce plan suppose d’ostraciser préalablement la Syrie, ce à quoi s’emploie Condoleezza Rice depuis plusieurs années avec le soutien de la fraction la plus dure des néoconservateurs. Pour ce faire, Damas a été tour à tour accusé d’occuper le Liban (alors que son armée s’y était déployée avec l’accord, sinon à la demande, de la communauté internationale), d’avoir assassiné l’ancien Premier ministre Rafic Hariri (alors que les Assad avaient encouragé les Hariri à piller le Liban), et aujourd’hui de bloquer l’élection du président libanais (alors que le blocage résulte du refus du gouvernement de facto de céder à la majorité populaire). Or, il se trouve que, en vertu de l’ordre alphabétique en langue arabe, la présidence de la Ligue échoit cette année… à la Syrie.
Le boycott
Dans un premier temps, le département d’État a envisagé d’humilier la Syrie à domicile. Les États membres de la Ligue seraient venus au sommet de Damas pour y mettre le président Bachar el-Assad en accusation. Mais ce rêve a tourné court lorsque Condoleezza Rice a compris qu’aucun dirigeant arabe ne se prêterait à ce jeu. À défaut, le département d’État s’est rabattu sur une seconde option : organiser le boycott du sommet.
C’est dans ce contexte que le vice-président Dick Cheney a pu garantir à Riyad sa part du gâteau irakien. La loi électorale publiée il y a quelques jours devrait sans surprise renforcer considérablement le poids des sunnites pro-saoudiens au Parlement irakien, le 1er octobre prochain et, partant de là, dans le gouvernement irakien. En contrepartie, le roi Abdallah a été prié de boycotter le sommet de Damas, bien qu’il soit le président sortant de la Ligue. Riyad a ordonné à ses clients libanais (Saad Hariri a la double nationalité libanaise et saoudienne et représente les intérêts des Séoud au pays du Cèdre) de s’aligner sur son mot d’ordre. En l’absence d’un président élu et d’un Premier ministre reconnu par tous, le Liban aurait dû être représenté par le second personnage de l’État, le président de l’Assemblée nationale, dont l’autorité est acceptée par toutes les parties. Mais le gouvernement de facto de Fouad Siniora (ancien fondé de pouvoir des sociétés du clan Hariri) y a fait obstacle.
La Jordanie n’a pas été difficile à convaincre. Il y a déjà longtemps qu’elle sert de base arrière aux opérations secrètes israélo-US contre la Résistance libanaise, au point qu’une rumeur grandissante l’accuse d’avoir trempé dans plusieurs assassinats dont ceux du général François Hajj (Courant patriotique libre, « aouniste ») et d’Imad Mugnihey (Hezbollah), les deux figures clés de la Résistance militaire.
Le cas de l’Égypte fut probablement plus délicat à négocier. Quel que soient les circonstances, l’Histoire a montré que Le Caire et Damas ne sont jamais aussi forts que losqu’ils sont unis. Le président Moubarak sait qu’il affaiblit inutilement son pays en jouant la confrontation. Cependant il a besoin du soutien politique de Washington pour valider sa succession dynastique et de son aide matérielle pour atténuer les conséquences dramatique de l’ouverture sans restriction du pays à la globalisation économique.
A contrario, la Fédération de Russie voit d’un mauvais œil la création d’un directoire régional Arabie saoudite-Jordanie-Égypte qui écarterait son influence hors du Proche-Orient. D’autant que la Syrie est devenue en peu de temps son principal partenaire économique et militaire dans la région. Des facilités portuaires viennent même d’y être mise à sa disposition pour accueillir sa nouvelle et puissante flotte de Méditerranée. Tandis que les joint-ventures russo-syriennes se multiplient.
En outre, le Kremlin est excédé par le comportement états-unien et son chapelet de promesses non tenues. C’est sur la base d’un accord convenu lors de la publication du NIE sur le nucléaire iranien (c’est-à-dire de la déligitimation d’une guerre contre l’Iran) que Moscou avait soutenu la conférence d’Annapolis ; et c’est sur la base d’un accord négocié par l’amiral William Fallon et ses amis en vue d’un désengagement militaire régional US que Moscou avait voté la résolution 1803 élargissant les sanctions contre l’Iran. Mais aucun des engagements de Washington n’a été respecté : la conférence de paix prévue en Russie (« Annapolis II ») a été renvoyée aux calendes grecques, et le retrait des GI’s d’Irak devrait s’interrompre au niveau où il était avant l’escalade (surge).
Aussi le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son ministre délégué Alexander Sultanov ont-ils fait eux aussi le tour des capitales arabes, mais pour éteindre l’incendie allumé par leurs homologues états-uniens. Ils ont certainement joué un rôle considérable pour convaincre les monarchies du Golfe de ne pas participer au plan états-unien. La Russie a multiplié les fuites pour que nul n’ignore la continuation des préparatifs de guerre US contre l’Iran. Tandis que les diplomates russes n’ont pas manqué une occasion de rappeler à leurs interlocuteurs que, si l’Arabie saoudite souffrirait peu d’une guerre US-iranienne, les petites monarchies du Golfe pourraient en faire les frais, voire en mourir. Quant au président Vladimir Poutine, il s’est personnellement chargé de dire à son homologue égyptien tout le mal qu’il pense du plan états-unien, mais Hosni Moubarak n’a guère de marge de manœuvre.
Les manœuvres de coulisse ont continué jusqu’à la dernière minute. La plus spectaculaire aura été l’annulation in extremis de la participation du président du Yémen, alors qu’Ali Abdullah Saleh avait plusieurs fois confirmé publiquement son intention de venir à Damas.
Les télévisions arabes ont saisi la déception qui se lisait sur le visage du président Bachar el-Assad, venu accueillir ses hôtes à l’aéroport, lorsqu’il a vu sortir de l’avion libyen et s’avancer vers lui un simple collaborateur du président. Il avait conçu la dynamique du sommet autour du président Khadafi qui paraissait lui aussi avoir finalement cédé aux pressions. Mais celui-ci, toujours facétieux, sortit un peu plus tard de l’avion pour le plus grand soulagement de ses amis syriens.
Hospitalité syrienne
Damas avait mis les petits plats dans les grands pour recevoir dignement les dix chefs d’État (Algérie, Autorité palestinienne, Comores, Émirats arabes unis, Koweit, Libye, Mauritanie, Qatar, Soudan, Tunisie) qui, bravant les menaces de l’Oncle Sam, l’honorait de sa présence. Et avec un sens tout arabe de l’hospitalité, il accordait à chacun la même attention, des riches Émirats aux pauvres Comores. De plus, de nombreux États non-arabes et des organisations internationales avaient dépêchés des observateurs de haut niveau, du ministre indien des Affaires étrangères au président Oumar Konaré pour l’Union africaine.
Craignant un sabotage, la Syrie avait déployé tous les agents de sécurité dont elle disposait. L’aéroport de Damas avait été fermé au trafic civil et réservé aux délégations officielles. Le centre de conférence, situé à l’extérieur de la capitale, avait été entouré d’une zone de sécurité de plus de 6 kilomètres de rayon où toute circulation était interdite. Des check-points en série filtraient les visiteurs de manière courtoise et néanmoins draconienne. Ces mesures n’ont peut être pas été inutiles. Une tentative terroriste aurait été discrètement déjouée et le sommet a pu se tenir sans encombre.
En outre, la présidence du sommet avait installé un centre de presse —à bonne distance du lieu de la conférence pour protéger leurs altesses des paparazzi—, doté d’un millier de lignes téléphoniques pour la presse écrite et de toutes les facilités pour les centaines de radios et de télévisions satellitaires couvrant l’événement. Atteint d’un étrange complexe d’infériorité, le ministère de l’Information n’osait pas distribuer de dossier de presse aux journalistes de peur d’être accusé de ne pas avoir rompu avec les vieux comportements de la propagande baasiste.
Les travaux
Les sommets de la Ligue arabe ressemblent à des réunions de famille. Il y a des absents (le roi du Maroc et le sultan d’Oman ne se déplacent jamais en personne), des retrouvailles, et souvent aussi des crises de nerfs (au cours de la plupart des sommets une délégation a quitté la table avant la fin de la réunion). On y décide rarement quoi que ce soit. À cet égard le sommet de 2002 à Beyrouth, au cours duquel fut adoptée l’initiative arabe de paix, est une exception. Personne n’attendait donc grand chose des débats eux-mêmes. Le sommet sonnait déjà comme un défi à l’impérialisme états-unien et à ses second couteaux, le Royaume-Uni et la France sarkozyenne, qui s’étaient l’un et l’autre fendus d’une déclaration venimeuse. Et pourtant, peut-être à cause de cette pression étouffante, cette fois les délibérations ont donné lieu à un net rapprochement des positions.
En ouvrant la séance inaugurale retransmise par des dizaines de chaînes de télévision arabe, Bachar el-Assad se garda bien de remercier la présidence sortante, l’Arabie saoudite. Il prononça un discours bref et sobre recentrant la problématique de la Ligue sur la question de la paix face à Israël, dans des termes acceptables par tous les membres de la Ligue à quelque niveau qu’ils soient représentés (ou absent dans le cas particulier du Liban). Il rappela à tous que les États arabes sont sur le même bateau et sont contraints de s’unir pour se sauver.
Parmi les orateurs suivants, l’intervention de Mouammar Khadafi était la plus attendue, à la fois parce qu’il faisait sa rentrée à la Ligue après une période d’absence, et aussi à cause de son goût prononcé de la provocation. L’assistance, et surtout les téléspectateurs, ne furent pas déçus par le show. Prenant la parole au seul titre de son pays, mais à l’évidence de concert avec Bachar el-Assad, le président libyen utilisa sa liberté de parole pour dire ce que le statut de président de séance interdisait à son ami syrien d’évoquer. Avec un indéniable talent d’acteur et une dose de cabotinage, Khadafi passa en revue tous les sujets de l’ordre du jour, les traitant avec dérision. Ainsi, il invita ses homologues à soutenir la dénucléarisation de la région faute de quoi, souligna-t-il grinçant, nous nous détestons tellement que nous feront usage de la bombe atomique les uns contre les autres au lieu de la diriger contre nos ennemis. Il brocarda Mahmoud Abbas et ses constantes reculades face à Israël en se moquant du « héros d’Oslo » (c’est en effet lui et non Yasser Arafat qui signa le vain Accord d’Oslo) et en le comparant à Anouar el-Sadate (qui trahit la cause arabe en signant une paix séparée égypto-israélienne). Surtout Khadafi mit ses interlocuteurs en garde : nous sommes cuits, nous y passerons les uns après les autres, déclara-t-il en substance. Nous avons laissé envahir un État souverain membre de notre Ligue sans réagir. Nous sommes tous devenus pro-US, moi y compris, en pensant nous protéger. Mais Saddam Hussein était l’ami de Dick Cheney, comme nous, et ils l’ont pendu !
Le soir, la rue arabe bruissait des boutades de Khadafi. Mais je peux attester que dans la salle du conseil où je me trouvais, les chefs d’États eux aussi riaient de bon cœur, à l’exception de Mahmoud Abbas, impassible.
La suite des travaux eut lieu comme de coutume à huis clos. Il fut convenu de ne pas aborder la question libanaise en l’absence de la délégation concernée. Sur ce point, on en resta donc à la position antérieure de la Ligue et à son flou artistique. Sur les autres sujets, les chefs d’État et de délégation s’exprimèrent avec calme et franchise. Au delà de l’aspect diplomatique que j’ai exposé plus haut sur l’égalité entre les États membres, la question principale était de savoir si la Ligue se positionnait par rapport au projet israélo-US et au projet irano-syro-Hezbollah-Hamas. En définitive, elle l’a fait clairement dans la déclaration finale que même Mahmoud Abbas a approuvée bien qu’elle désavoue toute sa politique. Reprenant les principes de la conférence de Madrid, la Déclaration de Damas stipule d’une part que le retrait israélien des territoires conquis en 1967 est un préalable à la paix et non pas un élément de négociation ; et d’autre part, réaffirme le droit international explicité par les résolutions de l’ONU : création d’un État Palestinien souverain avec Jérusalem comme capitale, inaliénabilité des droits des Palestiniens ; bref que la Ligue s’oppose à la politique israélienne du fait accompli.
Bien sûr, les déclarations de la Ligue arabe doivent être prises pour ce qu’elles sont : des déclarations d’intention que la plupart des États n’ont pas les moyens de mettre en œuvre. Quoi qu’il en soit, cet acte final marque une radicalisation collective de gouvernements qui n’attendent plus rien de bon de la part de leur suzerain états-unien. De ce point de vue, la Déclaration de Damas marque un tournant dans une longue histoire riche en rebondissements et manifeste une volonté nouvelle d’émancipation politique. Les États arabes présents, qui jusqu’ici courtisaient Washington pour trancher leurs différents, ont assimilé les propos de Bachar el-Assad et Mouammar Khadafi que l’on pourrait résumer par la formule « Les Etats-Unis sont un allié qui nous veulent du mal ».
L’après-sommet
Toutefois, chassez le naturel et il revient au galop. À peine le sommet clos, Mahmoud Abbas filait en Palestine occupée faire son rapport à Condoleezza Rice des débats tenus à huis clos. La secrétaire d’État états-unienne avait fait le déplacement au Proche-Orient pour être informée sans délai et juger l’ampleur de son échec. Tandis qu’à Paris où l’on craint d’en avoir trop fait, et à Bruxelles où l’on se demande si le vent ne serait pas en train de tourner, la France et l’Union européenne mettaient en place des cellules de suivi pour évaluer les conséquences de ce triomphe diplomatique syrien.
Damas, qui avait été mis au ban des nations, se trouve chargé de nombreuses initiatives de la Ligue pour l’année à venir. La Syrie est donc réintroduite dans le jeu international par la force des choses. De plus, son action a toutes les chances d’être durable puisque l’année prochaine, la présidence reviendra au Qatar, un État modéré, mais pas au sens occidental. Cheik Hamad, toujours aimable avec les États-uniens, a néanmoins défendu pied à pied la cause arabe au Conseil de sécurité et il a épongé les factures du sommet de Damas, un peu coûteux pour la Syrie.
À vrai dire, les États-Unis ne sont pas les seuls perdants de ce boycott raté et la Syrie n’est pas le seul gagnant. Les régimes saoudien, jordanien et égyptien se sont discrédités aux yeux de leurs opinions publiques et leur échec pésera en politique intérieure. La Libye au contraire sort renforcée, d’autant qu’en s’appuyant sur l’Union africaine, elle vient d’aider les Comoriens à libérer l’île d’Anjouan et à en chasser le dictateur proche de Nicolas Sarkozy qui s’en était emparé.
Alors que les délégations se retiraient, Bachar el-Assad échangeait quelques mots avec des journalistes. Répondant à une question de Scarlett Haddad, correspondante de l’hedomadaire français L’Express, qui lui demandait ce que la Syrie comptait faire pour aider les Libanais à sortir de la crise institutionnelle, le président syrien répondit avec un humour détaché : « Nous ?, Rien. Nous ne nous en mêlons plus. Nous avons confié le dossier aux Comores », sous-entendu, eux leur montreront comment se libérer des Français.
À Damas, les États arabes défient Condi
par Thierry Meyssan*
Ce devait être l’occasion d’isoler définitivement la Syrie et de l’humilier, le sommet de la Ligue arabe à Damas a au contraire marqué un échec diplomatique majeur du département d’État. Non seulement la plupart des États membres n’ont pas boycotté la rencontre, mais ils ont approuvé la ligne politique syrienne : intransigeance face à l’expansionnisme sioniste et émancipation vis-à-vis des États-Unis. Présent dans les coulisses du sommet, Thierry Meyssan en analyse les enjeux.
1er avril 2008
Depuis
Damas (Syrie)
Alors que les regards sont tournés sur l’action du département US de la Défense au Proche-Orient, le département d’État met en œuvre de son côté une stratégie diplomatique originale, en cohérence avec sa vision du monde. À Washington, les partisans du « Smart Power » espèrent qu’une réorganisation des relations régionales permettra aux États-Unis de maintenir leur autorité dans cette zone tout en y réduisant leur pression militaire. Mais Condoleezza Rice vient d’essuyer un sérieux revers au 20ème sommet de la Ligue arabe. Ce ratage diplomatique s’ajoute aux échecs du Pentagone en Irak et en Afghanistan et à ceux de Tsahal en Palestine occupée. En définitive, tous les protagonistes régionaux prennent acte de l’impuissance des États-Unis à vaincre la résistance de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah-Hamas. Dès lors, ils s’interrogent sur un possible réajustement de leur propre positionnement tout en craignant que l’administration Bush désespérée ne tente d’en finir par tous les moyens au cours des prochains mois.
La technique diplomatique de Condi
À l’échelle mondiale, le département d’État entend substituer à l’ordre international actuel une nouvelle architecture, dite « globale », qui consacre son statut d’hyper-puissance, isole ses adversaires, et institue une hiérarchie entre ses vassaux pour relayer son autorité jusqu’aux confins de son empire. L’idée principale est d’en finir avec le système de l’ONU qui combine une Assemblée générale où chaque État dispose d’une voix égale et un Conseil de sécurité, qui fait office de directoire, dans lequel les décisions de Washington peuvent être bloquées par le veto de quatre grandes puissances (Chine, France, Royaume-Uni, Russie). À la place doit être créée une « Assemblée des démocraties » —dont les seront exclus les États refusant le modèle US—, où les droits de vote seront proportionnels aux capacités économiques et aux contributions financières, et donc où les États-Unis se tailleront « la part du lion ». En outre, chaque partie du monde sera gouvernée par une organisation régionale dirigée par un directoire local, dont les membres seront désignés par Washington pour y appliquer sa loi.
Ainsi, le « mini-traité européen » poussé par Nicolas Sarkozy introduit une inégalité entre ses membres en pondérant leurs votes d’une manière nouvelle en fonction de leur importance. Récemment, Nicolas Sarkozy a rompu le tandem franco-allemand, seul capable de dégager une marge de manœuvre à l’Union européenne, puis a jeté les bases d’un directoire franco-britannique pour que l’Union —et surtout la Défense européenne— serve exclusivement les intérêts de Washington. Notez qu’en cette matière, le président français ne défend pas les intérêts de son pays, ni ceux de l’Union, mais réalise les plans du département d’État.
Au Proche-Orient, la Ligue arabe et en son sein le Conseil de coopération du Golfe sont les organisations régionales les plus adaptées pour relayer l’autorité de Washington. À l’origine, la Ligue était dominée par un directoire composé de l’Arabie saoudite, de la Syrie et de l’Égypte. Il n’est évidemment pas question pour le département d’État de réactiver ce triumvirat puisque la Syrie est aujourd’hui le seul État arabe à incarner la résistance à l’impérialisme. À la place Condoleezza Rice a imaginé un directoire Arabie saoudite-Jordanie-Égypte, dans lequel la monarchie hachémite jouerait un rôle au Levant, la dynastie Moubarak aurait le contrôle de l’Afrique du Nord et de l’Est, et la monarchie saoudienne à la fois le contrôle du Golfe et la présidence de l’ensemble.
Pour être réalisable, ce plan suppose d’ostraciser préalablement la Syrie, ce à quoi s’emploie Condoleezza Rice depuis plusieurs années avec le soutien de la fraction la plus dure des néoconservateurs. Pour ce faire, Damas a été tour à tour accusé d’occuper le Liban (alors que son armée s’y était déployée avec l’accord, sinon à la demande, de la communauté internationale), d’avoir assassiné l’ancien Premier ministre Rafic Hariri (alors que les Assad avaient encouragé les Hariri à piller le Liban), et aujourd’hui de bloquer l’élection du président libanais (alors que le blocage résulte du refus du gouvernement de facto de céder à la majorité populaire). Or, il se trouve que, en vertu de l’ordre alphabétique en langue arabe, la présidence de la Ligue échoit cette année… à la Syrie.
Le boycott
Dans un premier temps, le département d’État a envisagé d’humilier la Syrie à domicile. Les États membres de la Ligue seraient venus au sommet de Damas pour y mettre le président Bachar el-Assad en accusation. Mais ce rêve a tourné court lorsque Condoleezza Rice a compris qu’aucun dirigeant arabe ne se prêterait à ce jeu. À défaut, le département d’État s’est rabattu sur une seconde option : organiser le boycott du sommet.
C’est dans ce contexte que le vice-président Dick Cheney a pu garantir à Riyad sa part du gâteau irakien. La loi électorale publiée il y a quelques jours devrait sans surprise renforcer considérablement le poids des sunnites pro-saoudiens au Parlement irakien, le 1er octobre prochain et, partant de là, dans le gouvernement irakien. En contrepartie, le roi Abdallah a été prié de boycotter le sommet de Damas, bien qu’il soit le président sortant de la Ligue. Riyad a ordonné à ses clients libanais (Saad Hariri a la double nationalité libanaise et saoudienne et représente les intérêts des Séoud au pays du Cèdre) de s’aligner sur son mot d’ordre. En l’absence d’un président élu et d’un Premier ministre reconnu par tous, le Liban aurait dû être représenté par le second personnage de l’État, le président de l’Assemblée nationale, dont l’autorité est acceptée par toutes les parties. Mais le gouvernement de facto de Fouad Siniora (ancien fondé de pouvoir des sociétés du clan Hariri) y a fait obstacle.
La Jordanie n’a pas été difficile à convaincre. Il y a déjà longtemps qu’elle sert de base arrière aux opérations secrètes israélo-US contre la Résistance libanaise, au point qu’une rumeur grandissante l’accuse d’avoir trempé dans plusieurs assassinats dont ceux du général François Hajj (Courant patriotique libre, « aouniste ») et d’Imad Mugnihey (Hezbollah), les deux figures clés de la Résistance militaire.
Le cas de l’Égypte fut probablement plus délicat à négocier. Quel que soient les circonstances, l’Histoire a montré que Le Caire et Damas ne sont jamais aussi forts que losqu’ils sont unis. Le président Moubarak sait qu’il affaiblit inutilement son pays en jouant la confrontation. Cependant il a besoin du soutien politique de Washington pour valider sa succession dynastique et de son aide matérielle pour atténuer les conséquences dramatique de l’ouverture sans restriction du pays à la globalisation économique.
A contrario, la Fédération de Russie voit d’un mauvais œil la création d’un directoire régional Arabie saoudite-Jordanie-Égypte qui écarterait son influence hors du Proche-Orient. D’autant que la Syrie est devenue en peu de temps son principal partenaire économique et militaire dans la région. Des facilités portuaires viennent même d’y être mise à sa disposition pour accueillir sa nouvelle et puissante flotte de Méditerranée. Tandis que les joint-ventures russo-syriennes se multiplient.
En outre, le Kremlin est excédé par le comportement états-unien et son chapelet de promesses non tenues. C’est sur la base d’un accord convenu lors de la publication du NIE sur le nucléaire iranien (c’est-à-dire de la déligitimation d’une guerre contre l’Iran) que Moscou avait soutenu la conférence d’Annapolis ; et c’est sur la base d’un accord négocié par l’amiral William Fallon et ses amis en vue d’un désengagement militaire régional US que Moscou avait voté la résolution 1803 élargissant les sanctions contre l’Iran. Mais aucun des engagements de Washington n’a été respecté : la conférence de paix prévue en Russie (« Annapolis II ») a été renvoyée aux calendes grecques, et le retrait des GI’s d’Irak devrait s’interrompre au niveau où il était avant l’escalade (surge).
Aussi le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son ministre délégué Alexander Sultanov ont-ils fait eux aussi le tour des capitales arabes, mais pour éteindre l’incendie allumé par leurs homologues états-uniens. Ils ont certainement joué un rôle considérable pour convaincre les monarchies du Golfe de ne pas participer au plan états-unien. La Russie a multiplié les fuites pour que nul n’ignore la continuation des préparatifs de guerre US contre l’Iran. Tandis que les diplomates russes n’ont pas manqué une occasion de rappeler à leurs interlocuteurs que, si l’Arabie saoudite souffrirait peu d’une guerre US-iranienne, les petites monarchies du Golfe pourraient en faire les frais, voire en mourir. Quant au président Vladimir Poutine, il s’est personnellement chargé de dire à son homologue égyptien tout le mal qu’il pense du plan états-unien, mais Hosni Moubarak n’a guère de marge de manœuvre.
Les manœuvres de coulisse ont continué jusqu’à la dernière minute. La plus spectaculaire aura été l’annulation in extremis de la participation du président du Yémen, alors qu’Ali Abdullah Saleh avait plusieurs fois confirmé publiquement son intention de venir à Damas.
Les télévisions arabes ont saisi la déception qui se lisait sur le visage du président Bachar el-Assad, venu accueillir ses hôtes à l’aéroport, lorsqu’il a vu sortir de l’avion libyen et s’avancer vers lui un simple collaborateur du président. Il avait conçu la dynamique du sommet autour du président Khadafi qui paraissait lui aussi avoir finalement cédé aux pressions. Mais celui-ci, toujours facétieux, sortit un peu plus tard de l’avion pour le plus grand soulagement de ses amis syriens.
Hospitalité syrienne
Damas avait mis les petits plats dans les grands pour recevoir dignement les dix chefs d’État (Algérie, Autorité palestinienne, Comores, Émirats arabes unis, Koweit, Libye, Mauritanie, Qatar, Soudan, Tunisie) qui, bravant les menaces de l’Oncle Sam, l’honorait de sa présence. Et avec un sens tout arabe de l’hospitalité, il accordait à chacun la même attention, des riches Émirats aux pauvres Comores. De plus, de nombreux États non-arabes et des organisations internationales avaient dépêchés des observateurs de haut niveau, du ministre indien des Affaires étrangères au président Oumar Konaré pour l’Union africaine.
Craignant un sabotage, la Syrie avait déployé tous les agents de sécurité dont elle disposait. L’aéroport de Damas avait été fermé au trafic civil et réservé aux délégations officielles. Le centre de conférence, situé à l’extérieur de la capitale, avait été entouré d’une zone de sécurité de plus de 6 kilomètres de rayon où toute circulation était interdite. Des check-points en série filtraient les visiteurs de manière courtoise et néanmoins draconienne. Ces mesures n’ont peut être pas été inutiles. Une tentative terroriste aurait été discrètement déjouée et le sommet a pu se tenir sans encombre.
En outre, la présidence du sommet avait installé un centre de presse —à bonne distance du lieu de la conférence pour protéger leurs altesses des paparazzi—, doté d’un millier de lignes téléphoniques pour la presse écrite et de toutes les facilités pour les centaines de radios et de télévisions satellitaires couvrant l’événement. Atteint d’un étrange complexe d’infériorité, le ministère de l’Information n’osait pas distribuer de dossier de presse aux journalistes de peur d’être accusé de ne pas avoir rompu avec les vieux comportements de la propagande baasiste.
Les travaux
Les sommets de la Ligue arabe ressemblent à des réunions de famille. Il y a des absents (le roi du Maroc et le sultan d’Oman ne se déplacent jamais en personne), des retrouvailles, et souvent aussi des crises de nerfs (au cours de la plupart des sommets une délégation a quitté la table avant la fin de la réunion). On y décide rarement quoi que ce soit. À cet égard le sommet de 2002 à Beyrouth, au cours duquel fut adoptée l’initiative arabe de paix, est une exception. Personne n’attendait donc grand chose des débats eux-mêmes. Le sommet sonnait déjà comme un défi à l’impérialisme états-unien et à ses second couteaux, le Royaume-Uni et la France sarkozyenne, qui s’étaient l’un et l’autre fendus d’une déclaration venimeuse. Et pourtant, peut-être à cause de cette pression étouffante, cette fois les délibérations ont donné lieu à un net rapprochement des positions.
En ouvrant la séance inaugurale retransmise par des dizaines de chaînes de télévision arabe, Bachar el-Assad se garda bien de remercier la présidence sortante, l’Arabie saoudite. Il prononça un discours bref et sobre recentrant la problématique de la Ligue sur la question de la paix face à Israël, dans des termes acceptables par tous les membres de la Ligue à quelque niveau qu’ils soient représentés (ou absent dans le cas particulier du Liban). Il rappela à tous que les États arabes sont sur le même bateau et sont contraints de s’unir pour se sauver.
Parmi les orateurs suivants, l’intervention de Mouammar Khadafi était la plus attendue, à la fois parce qu’il faisait sa rentrée à la Ligue après une période d’absence, et aussi à cause de son goût prononcé de la provocation. L’assistance, et surtout les téléspectateurs, ne furent pas déçus par le show. Prenant la parole au seul titre de son pays, mais à l’évidence de concert avec Bachar el-Assad, le président libyen utilisa sa liberté de parole pour dire ce que le statut de président de séance interdisait à son ami syrien d’évoquer. Avec un indéniable talent d’acteur et une dose de cabotinage, Khadafi passa en revue tous les sujets de l’ordre du jour, les traitant avec dérision. Ainsi, il invita ses homologues à soutenir la dénucléarisation de la région faute de quoi, souligna-t-il grinçant, nous nous détestons tellement que nous feront usage de la bombe atomique les uns contre les autres au lieu de la diriger contre nos ennemis. Il brocarda Mahmoud Abbas et ses constantes reculades face à Israël en se moquant du « héros d’Oslo » (c’est en effet lui et non Yasser Arafat qui signa le vain Accord d’Oslo) et en le comparant à Anouar el-Sadate (qui trahit la cause arabe en signant une paix séparée égypto-israélienne). Surtout Khadafi mit ses interlocuteurs en garde : nous sommes cuits, nous y passerons les uns après les autres, déclara-t-il en substance. Nous avons laissé envahir un État souverain membre de notre Ligue sans réagir. Nous sommes tous devenus pro-US, moi y compris, en pensant nous protéger. Mais Saddam Hussein était l’ami de Dick Cheney, comme nous, et ils l’ont pendu !
Le soir, la rue arabe bruissait des boutades de Khadafi. Mais je peux attester que dans la salle du conseil où je me trouvais, les chefs d’États eux aussi riaient de bon cœur, à l’exception de Mahmoud Abbas, impassible.
La suite des travaux eut lieu comme de coutume à huis clos. Il fut convenu de ne pas aborder la question libanaise en l’absence de la délégation concernée. Sur ce point, on en resta donc à la position antérieure de la Ligue et à son flou artistique. Sur les autres sujets, les chefs d’État et de délégation s’exprimèrent avec calme et franchise. Au delà de l’aspect diplomatique que j’ai exposé plus haut sur l’égalité entre les États membres, la question principale était de savoir si la Ligue se positionnait par rapport au projet israélo-US et au projet irano-syro-Hezbollah-Hamas. En définitive, elle l’a fait clairement dans la déclaration finale que même Mahmoud Abbas a approuvée bien qu’elle désavoue toute sa politique. Reprenant les principes de la conférence de Madrid, la Déclaration de Damas stipule d’une part que le retrait israélien des territoires conquis en 1967 est un préalable à la paix et non pas un élément de négociation ; et d’autre part, réaffirme le droit international explicité par les résolutions de l’ONU : création d’un État Palestinien souverain avec Jérusalem comme capitale, inaliénabilité des droits des Palestiniens ; bref que la Ligue s’oppose à la politique israélienne du fait accompli.
Bien sûr, les déclarations de la Ligue arabe doivent être prises pour ce qu’elles sont : des déclarations d’intention que la plupart des États n’ont pas les moyens de mettre en œuvre. Quoi qu’il en soit, cet acte final marque une radicalisation collective de gouvernements qui n’attendent plus rien de bon de la part de leur suzerain états-unien. De ce point de vue, la Déclaration de Damas marque un tournant dans une longue histoire riche en rebondissements et manifeste une volonté nouvelle d’émancipation politique. Les États arabes présents, qui jusqu’ici courtisaient Washington pour trancher leurs différents, ont assimilé les propos de Bachar el-Assad et Mouammar Khadafi que l’on pourrait résumer par la formule « Les Etats-Unis sont un allié qui nous veulent du mal ».
L’après-sommet
Toutefois, chassez le naturel et il revient au galop. À peine le sommet clos, Mahmoud Abbas filait en Palestine occupée faire son rapport à Condoleezza Rice des débats tenus à huis clos. La secrétaire d’État états-unienne avait fait le déplacement au Proche-Orient pour être informée sans délai et juger l’ampleur de son échec. Tandis qu’à Paris où l’on craint d’en avoir trop fait, et à Bruxelles où l’on se demande si le vent ne serait pas en train de tourner, la France et l’Union européenne mettaient en place des cellules de suivi pour évaluer les conséquences de ce triomphe diplomatique syrien.
Damas, qui avait été mis au ban des nations, se trouve chargé de nombreuses initiatives de la Ligue pour l’année à venir. La Syrie est donc réintroduite dans le jeu international par la force des choses. De plus, son action a toutes les chances d’être durable puisque l’année prochaine, la présidence reviendra au Qatar, un État modéré, mais pas au sens occidental. Cheik Hamad, toujours aimable avec les États-uniens, a néanmoins défendu pied à pied la cause arabe au Conseil de sécurité et il a épongé les factures du sommet de Damas, un peu coûteux pour la Syrie.
À vrai dire, les États-Unis ne sont pas les seuls perdants de ce boycott raté et la Syrie n’est pas le seul gagnant. Les régimes saoudien, jordanien et égyptien se sont discrédités aux yeux de leurs opinions publiques et leur échec pésera en politique intérieure. La Libye au contraire sort renforcée, d’autant qu’en s’appuyant sur l’Union africaine, elle vient d’aider les Comoriens à libérer l’île d’Anjouan et à en chasser le dictateur proche de Nicolas Sarkozy qui s’en était emparé.
Alors que les délégations se retiraient, Bachar el-Assad échangeait quelques mots avec des journalistes. Répondant à une question de Scarlett Haddad, correspondante de l’hedomadaire français L’Express, qui lui demandait ce que la Syrie comptait faire pour aider les Libanais à sortir de la crise institutionnelle, le président syrien répondit avec un humour détaché : « Nous ?, Rien. Nous ne nous en mêlons plus. Nous avons confié le dossier aux Comores », sous-entendu, eux leur montreront comment se libérer des Français.
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